** Les bulls et les bears bataillent furieusement sur le terrain des actions et du pétrole depuis une semaine sans qu’aucune des deux équipes ne parviennent à prendre un avantage décisif.
Sur la pente descendante que nous observons depuis le début du mois de juin, les griffes semblent bénéficier d’une meilleure accroche que les sabots. Avantage donc aux plantigrades qui sont tout près de chasser hors de leur territoire les bêtes à cornes. Elles sont désormais arc-boutées sur la ligne des 4 600 points à Paris, des 3 500 points sur l’Euro Stoxx 50 et des 12 000 points sur le Dow Jones — ces supports ont été égratignés en clôture mais pas encore définitivement enfoncés.
C’est souvent l’énergie du désespoir qui fait la différence. Les deux rivaux disposent à la poussée d’une puissance musculaire égale, d’une vitesse de pointe comparable — si, si, c’est prouvé. Les taureaux ont pour eux l’explosivité dans l’effort, mais les ours misent sur l’endurance, c’est pourquoi nous parions sur leur victoire à moyen terme.
Dans les circonstances actuelles, le coup de reins des taureaux pourrait leur permettre de se tirer d’un bien mauvais pas… mais au prix de quelle débauche d’énergie ? Cela va forcément se payer lors d’une prochaine offensive des ours !
A l’instant où nous rédigeons ces lignes, nous ne voyons plus qu’un nuage de poussière et ne distinguons plus les deux adversaires. Les cambistes, qui jouent le rôle d’arbitre depuis 15 jours, ont bien leur petite idée sur le nom des vainqueurs… mais ils gardent le sifflet à la bouche, ne pouvant accorder le gain définitif de la manche aux uns ou aux autres.
Le match se poursuit donc. Les paris restent ouverts et nous avons misé — peut-être un peu prématurément — sur la case rebond. Les plus audacieux disposent même d’une ultime chance de doubler les enjeux. Nous allons nous abstenir cette fois-ci car nous ne goûtons guère ce genre de suspense. Selon nous, les sautes d’humeur du marché pétrolier auraient dû déboucher sur un renversement de tendance dès que la bourse de Shanghai a commencé à dévisser, le 9 juin dernier.
** Si les actions chinoises perdent 18% en huit séances — dont 6,5% pour la seule journée d’hier –, passant de 3 350 points à 2 750 points, c’est probablement dans l’anticipation d’un ralentissement de la croissance et d’une hausse de taux orchestrée par Pékin qui se retrouve confronté à une inflation galopante depuis l’automne dernier.
Les autorités chinoises viennent d’ailleurs d’annoncer une hausse de 18% du prix des carburants — dont les tarifs sont toujours fixés par décret –, une hausse strictement symétrique à la chute des actions depuis le 9 juin !
Soulignons au passage qu’il s’agit d’un mode récurrent de subvention accordé aux entreprises locales. Il est relativement discret — moins visible que la sous-évaluation chronique du yuan — et particulièrement pernicieux — le marché noir supplée un approvisionnement insuffisant — mais il serait de mal vu de le critiquer trop ouvertement à moins de deux mois de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques.
Pour les actionnaires chinois, il est désormais clair que le SSE-Composite ne figurera pas sur le podium des indices mondiaux les plus performants d’ici le milieu de l’été. Parti de 5 520 points le 11 janvier, il perd désormais très exactement 50% sur ses plus hauts et 48% depuis le 2 janvier (5 272 points).
** Le CAC 40 a reculé de 18,5% en cette veille de séance des « quatre sorcières » qui, pour beaucoup de gérants, devrait marquer la fin du premier semestre boursier. Avec une perte de 8,5% depuis le début du mois de juin et de pratiquement 10% depuis le 16 mai dernier (basculement des contrats à terme sur l’échéance juin), de nombreux opérateurs sur les dérivés d’indice sont tentés de provoquer le plus de dégâts pour maximiser leurs gains. Juin s’était inauguré par un pic vers 5 140 points… il a reperdu 550 points depuis, un vrai régal pour les short !
C’est ainsi que nous analysons l’offensive des bears au cours des 25 dernières minutes de cotations hier alors que l’environnement global — Wall Street, le pétrole ou l’actualité des entreprises — ne justifiait pas que le CAC 40 décroche sans crier gare de 30 points (entre 4 621 points et 4 591 points) pour clôturer au plus bas du jour.
Notre indice phare défendait depuis le 13 juin dernier le seuil des 4 600/4 630 points. Compte tenu de son handicap par rapport à l’Eurotop 100 ou au S&P 500 (-6,6% et -4,5% respectivement depuis le 1er juin), il aurait pu bénéficier d’une vague de rachats à bon compte, ne serait-ce que pour profiter d’une plus-value d’arbitrage immédiate de +2% à +4% sans risque, liée à une situation économique qui apparaîtrait plus critique en France qu’en Allemagne, en Espagne ou en Angleterre.
Mais la règle du jeu qui s’applique aux indices — pris comme de simples objets mathématiques — consiste à vendre le plus faible et à surpondérer le plus performant sans aucune considération pour les fondamentaux, le taux d’inflation local, la croissance ou l’évolution de la fiscalité. Cette méthode présente l’avantage d’être pratiquement auto-réalisatrice puisque le marché est composé d’une majorité d’acteurs passifs qui se contentent de répliquer les indices. Cela aboutit souvent à amplifier les anomalies aux deux extrémités de l’éventail des titres cotés.
Du point de vue de l’analyse technique « orthodoxe », le gonflement des volumes — qui passaient de 5,3 milliards d’euros à 6,3 milliards d’euros à Paris — tandis que l’Euro Stoxx 50 s’avérait incapable de préserver les 3 500/3 505 points pourrait valider un signal de rupture à la baisse avec; en ligne de mire, la fermeture du gap des 4 553 points (du 20 mars dernier).
Mais la rechute de 3% du baril de pétrole jeudi soir (sous les 133 $) et les 0,8% de gain du Nasdaq — s’ils se confirmaient à la clôture — pourraient contrarier les plans des bears. Ils avaient en effet plombé les indices européens pour des raisons techniques et de stratégie de très court terme. Les bulls pourraient leur administrer un coup de corne qui leur arrachera peut-être un grognement. Il faudrait cependant que le pétrole rechute sous les 132 $ et que le dollar grimpe vers les 1,535 euro pour les faire battre en retraite d’ici le 30 juin, permettant ainsi au CAC 40 de se redresser vers 4 850 ou 4 900 points.
Philippe Béchade,
Paris