Les Etats-Unis sont passés d’une démocratie axée sur le consensus à un pouvoir « césariste », où le Grand Chef impose sa version des faits.
« Ce n’est pas qui vous connaissez qui compte. C’est ce que vous savez. Jusqu’à ce que le Grand Chef prenne le pouvoir. » — Bill Bonner
Les dernières nouvelles, rapportées par Associated Press, nous en disent davantage sur le fonctionnement du gouvernement « césariste » américain :
« Les marchandises conformes à l’accord Etats-Unis–Mexique–Canada de 2020, négocié par Trump lors de son premier mandat, sont exclues des droits de douane.
La banque centrale du Canada affirme que 100 % des exportations d’énergie et 95 % des autres exportations sont conformes à l’accord commercial, connu sous le nom d’USMCA. La Banque royale estime que près de 90 % des exportations canadiennes ont accédé au marché américain en franchise de droits en avril.
Le Premier ministre canadien Mark Carney a déclaré que l’engagement des Etats-Unis envers les principes fondamentaux de l’USMCA – réaffirmé la semaine dernière – signifie que le taux moyen des droits de douane américains sur les produits canadiens reste l’un des plus bas au monde, et que plus de 85 % des échanges entre le Canada et les Etats-Unis continuent d’être exempts de droits de douane. »
Exempts de droits de douane ? Alors que devient ce projet de surtaxe de 35 % ?
Au début de l’année, nous avons supposé que la guerre commerciale avec nos voisins n’était qu’une mise en scène, une répétition de la querelle que Donald Trump avait eue avec eux durant son premier mandat. Pleine de bruit et de fureur, elle n’avait finalement rien signifié. Puis, lorsque Trump est reparti en guerre, il a semblé que cette fois la confrontation allait réellement causer de graves dommages à l’économie mondiale.
Mais attendez… il y a eu une pause… un retard… une renégociation… et, finalement, une exception.
Le fond des politiques américaines ne changera peut-être pas autant que beaucoup l’imaginent. Mais le style, lui, est radicalement différent.
La grande évolution du gouvernement américain – passé d’une démocratie « néolibérale » plus ou moins axée sur le consensus, à une forme de pouvoir « autoritaire » ou « césariste » – a déjà été largement commentée. C’est un transfert d’influence : du législatif vers l’exécutif, de l’Etat de droit vers le règne du Big Man, semblable au basculement qui s’est produit à Rome en 21 av. J.-C., lorsque Auguste a éclipsé le Sénat pour gouverner l’empire.
Les démocrates qualifient évidemment l’administration Trump d’autoritaire. Ils n’ont pas tort. Mais ils se gardent bien de rappeler qu’ils ont fourni une grande part de la substance : dépenses illimitées, pouvoir exécutif illimité, soutien illimité à Israël. Quant au style, cela ne leur poserait aucun problème si la même main de fer appartenait à Hillary Clinton.
Bon ou mauvais, peu importe la faute… Le Grand Chef est désormais confortablement assis dans le grand fauteuil de la grande maison blanche de Pennsylvania Avenue.
Avant Trump, par exemple, on supposait que les statisticiens étaient des calculateurs honnêtes et que le président des Etats-Unis n’oserait pas les contredire. Mais aujourd’hui, celui qui prétend pouvoir réduire le prix des médicaments de 1 500 % pense aussi savoir quels devraient être les chiffres de l’emploi.
Bien sûr, ces chiffres ne signifient pas ce que la plupart croient. Mais, au moins, ils étaient censés tromper de façon non partisane… envoyant de faux signaux aussi bien aux républicains qu’aux démocrates.
Et cette année, les chiffres ont généralement flatté l’équipe Trump. Pour mai et juin, le Bureau des statistiques du travail des Etats-Unis (BLS) annonçait d’abord 291 000 nouveaux emplois. Les révisions de la semaine dernière ont effacé presque tout : il n’en reste plus que 33 000.
Trump ne s’était pas opposé aux premiers chiffres : ils semblaient confirmer que son économie était, comme il le proclamait, « EN PLEINE EXPANSION ». Ce sont les nouveaux chiffres qui lui ont déplu : ils montraient que l’économie n’était finalement pas si florissante.
Mais contrairement aux présidents de l’ère du consensus, qui auraient accepté les nouvelles données comme du simple bruit statistique, le Grand Homme exige que le BLS s’aligne sur lui et chante ses louanges. Désormais, les distorsions ne seront plus aléatoires, mais délibérées, avec l’intention de tromper le public.
« J’ai demandé à mon équipe de licencier IMMÉDIATEMENT cette personne nommée par Biden. Elle sera remplacée par quelqu’un de beaucoup plus compétent et qualifié. »
Le Grand Chef prétend aussi savoir à quel niveau la Fed doit fixer ses taux :
« Jerome Too Late Powell, un imbécile obstiné, doit baisser considérablement les taux d’intérêt, MAINTENANT. »
Les présidents ont souvent tenté d’influencer la Fed, notamment à l’approche d’élections. Mais jamais encore un président américain n’avait publiquement qualifié son président de banque centrale d’idiot.
C’est autre chose. C’est un gouvernement du Grand Chef d’un genre particulier.
Mais jusqu’où ira-t-il ?
1 commentaire
Sans doute. Mais en France aussi nous avons un « Grand Chef »‘ Pas du tout du même bord. La seule solution démocratique est de parvenir à réduire les pouvoirs des « Grands Chefs » quand ils sont arrivés au sommet. C’est essentiellement une question de Constitution. On en est très loin en France. Certainement même bien plus loin qu’aux USA. Trump ou son équivalent n’aurait jamais été élu en France. Est ce un signe de « démocratie » ou exactement le contraire ?