Ce troisième volet aborde deux signes majeurs de l’exubérance monétaire : la hausse persistante des actifs financiers et les sursouscriptions massives aux émissions obligataires, symptômes d’une surliquidité toujours excessive.
Dans notre précédent article, nous avons vu que le système bancaire de la zone euro était en situation de surliquidité structurelle, avec des excédents de réserves proches de 3 000 milliards d’euros début 2025.
Une autre manifestation de l’exubérance de la politique monétaire : la persistance de bulles sur les actifs financiers.
La généralisation des mesures non conventionnelles pendant une dizaine d’années a laissé une empreinte profonde dans les économies. Les banques centrales ont inondé le système de liquidités de deux manières : d’une part, comme nous l’avons vu, en fournissant des refinancements exceptionnels aux banques ; d’autre part, en intervenant directement sur les marchés financiers via leurs programmes de rachats d’actifs.
La liquidité ainsi reçue par les acteurs ayant vendu des obligations aux banques centrales a bien souvent été réinvestie prioritairement sur les marchés financiers, contribuant à l’inflation des prix des actifs et à leur déconnexion croissante d’avec les fondamentaux économiques. Longtemps, on a considéré que cette création monétaire n’alimenterait pas l’inflation « traditionnelle » sur les biens et services, car pour cela il aurait fallu que les banques centrales transfèrent directement la monnaie créée aux ménages ou entreprises – le fameux helicopter money.
En réalité, les programmes de rachats d’actifs ont nourri les marchés financiers, alimentant certaines bulles (jusqu’en 2021, et de nouveau depuis fin 2023, dans l’anticipation d’un assouplissement des politiques monétaires), tout en finançant indirectement des politiques budgétaires expansionnistes – parfois excessives, notamment durant la crise COVID. Cela a pris la forme de prestations sociales supplémentaires, de concessions catégorielles, de boucliers fiscaux ou de réductions d’impôts pour les entreprises, autant de mesures ayant généré un pouvoir d’achat additionnel et donc un potentiel inflationniste.
En résumé, toutes les formes d’inflation ont été favorisées : celle des actifs financiers, qui persiste, mais aussi celle des biens et services, qui a depuis partiellement reflué.
Enfin, les sursouscriptions historiquement élevées lors des adjudications d’obligations témoignent également d’une surliquidité excessive.
Le tableau ci-dessous présente les taux de sursouscription de quelques émissions souveraines en zone euro depuis le début de l’année 2025. Les éternels optimistes et les discours officiels mettront en avant l’argumentation suivante : l’excès considérable de la demande des investisseurs sur l’offre émise par les Etats (et assimilés souverains) témoignerait de la confiance des investisseurs dans la solidité des actifs de dette publique et de l’anticipation d’une amélioration des fondamentaux budgétaires des Etats de la zone euro.
Objectivement, nous ne partageons pas ce sentiment, et nous avons souvent écrit – avec d’autres auteurs des Publications Agora – sur la dégradation structurelle des fondamentaux budgétaires dans certains pays de la zone euro (France notamment), et sur l’insoutenabilité de leurs dettes publiques.
Nous pensons plutôt que ces situations d’excès de demande de titres publics lors des adjudications ou syndications s’expliquent principalement par la surliquidité structurelle parmi les banques et les investisseurs institutionnels.
Dès lors, comment parler de conditions monétaires et financières restrictives, lorsque l’on fait chaque semaine le constat de ces encours de liquidités qui ne parviennent pas à s’employer ?
Ces émissions ne sont certes pas exhaustives de l’activité obligataire des souverains en 2025, mais elles sont suffisamment représentatives du marché, et les ratios de demande sur offre, se situant autour de 12 en moyenne pondérée par les encours émis (dans le tableau ci-dessus), sont tout simplement aberrants et « antiéconomiques » – là où, historiquement, une émission obligataire sursouscrite 2 à 4 fois était déjà considérée comme une belle réussite pour le placement des titres émis.
Certes, cet argent investi pourrait être utile à l’économie si le produit de ces émissions d’obligations d’Etat était destiné à financer des dépenses d’investissement productives, mais on sait bien que très souvent, il n’en est rien, et que ces émissions servent surtout à financer les gaspillages des Etats ou/et à rembourser leurs anciennes dettes émises.
Certes, on remarquera également que les assureurs et les fonds de pension ont des besoins d’investissement à long terme, pour faire face à un passif long (engagements de retraite et assurance-vie), mais les montants demandés sur certaines émissions sont tout simplement disproportionnés.
Et puis, on peut tout de même s’interroger sur les justifications fondamentales de sursouscriptions massives sur des titres à 30 ans émis par les Trésors français, grec ou italien.
3 commentaires
Comme tout le monde je n’ai certes rien compris à cet excellent article. Sauf qu’apparemment ce ‘n’était pas nécessairement la faute de Trump si tout n’allait pas bien….Stupéfiant !
Cet argent excédentaire a manqué sa cible : il pourrait être distribué aux innombrables mendiants tentant leur chance pour des montants misérables dans les rues des grandes villes françaises .
Lecteur un peu assidu ou occasionnel de la chronique je trouve cet article très clair et permettant de comprendre ce qu’il se passe depuis 2008, puis depuis 2015 et le QE et depuis 2020. L’inflation n’est pas due en premier par la guerre en Ukraine mais par le QE.
On peut remarquer que la France, l’Italie…obtiennent plus de demandes pour leurs emprunts que les pays moins endettés certainement parce que le taux d’intérêt est plus élevé. Les banques, les assurances ont tellement d’argent à placer grâce au QE.
Il est bien dommage qu’elles ne soutiennent pas plus l’économie réelle ou que celle ci n’offre pas plus de possibilités, surtout en France.