La réélection de Donald Trump inaugure une nouvelle phase de protectionnisme économique mondial, où guerres commerciales et des changes redéfinissent les échanges internationaux.
Hier, nous avons vu que le Trump Trade est passé d’une stratégie conjoncturelle à une dimension structurelle, marquée par des réformes économiques durables et une volatilité accrue sur les marchés.
La volonté de la nouvelle administration est claire : prendre des parts de marchés au monde entier.
Une guerre commerciale sur tous les fronts ?
La future guerre commerciale initiée par Trump sera explicite ou implicite (ou les deux).
- Explicite, avec le renchérissement des importations du monde entier consécutif aux tarifs douaniers. Les annonces ont déjà été faites : hausse des droits de douane de 10% ou 20% sur tous les produits pour tous les pays, la Chine subissant un taux punitif de 60%.
« Trump 2 » irait donc beaucoup plus loin que « Trump 1 », en instaurant ce protectionnisme « universel » pour tous les produits et tous les pays.
La nomination de Robert Lightizer en tant que US Trade Représentative, super-ministre du Commerce extérieur, qui avait déjà exercé ces fonctions sous « Trump 1 », est on ne peut plus claire : « les pays qui ont des excédents commerciaux structurels sont les vrais protectionnistes dans l’économie globale », affirme-t-il.
Son idée forte est la mise en place d’une dévaluation interne via une « TVA à la frontière » pour compenser le désavantage commercial dont souffrent les entreprises américaines en raison de l’absence de TVA aux Etats-Unis. Ces firmes sont en effet imposées sur l’ensemble de leurs bénéfices par le fisc américain, mais doivent en plus payer la TVA sur leurs ventes en Europe. Au contraire, les entreprises européennes exportatrices en Europe ne sont imposées à domicile que sur leurs résultats hors TVA, et ne paient pas de TVA non plus aux Etats-Unis.
Sous la première administration Trump, Robert Lightizer avait renégocié l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique, bloqué la procédure d’arbitrage des conflits de l’OMC (pour rappel, il s’était opposé à l’entrée de la Chine dans l’organisation internationale en 2001), et mis en place des taxes douanières sur trois quarts des importations de produits chinois en 2018.
Il a un track record en matière de protectionnisme assez étoffé, puisqu’il avait également imposé de fortes taxations sur l’acier et l’aluminium européens jusqu’à 25% (à noter que l’administration Biden n’est jamais revenue sur cette politique commerciale).
- Si la taxation aux frontières ne suffit pas, la guerre commerciale sera plus implicite, avec une relance de la guerre des changes.
La non-appréciation, voire la dépréciation nominale, de la monnaie américaine serait alors bienvenue, en décourageant des importations devenant encore plus chères. Encore faut-il pouvoir y substituer de la production domestique.
Et elle encouragerait des exportations devenues plus compétitives, mais encore faut-il être positionné sur les secteurs d’activité pour lesquels la demande étrangère est soutenue, et encore faut-il que le coût du salaire réel ne progresse pas plus vite que la productivité dans ces secteurs exposés à la concurrence internationale !
En fait, le problème pour les Etats-Unis, ce n’est pas qu’ils importent trop, mais plutôt qu’ils n’exportent pas assez. Le revers de la médaille pour la future politique économique de Trump est que la sur-tarification sera in fine portée par les ménages américains.
Ce qui intéressera les marchés financiers n’est pas le sempiternel débat sur les bienfaits et méfaits du protectionnisme, mais plutôt les risques de spirale infernale avec les réactions plus ou moins rapides et plus ou moins efficaces des principaux partenaires commerciaux impactés (on se limitera dans cet article à la Chine et au Japon).
Va-t-on connaître une réelle démondialisation avec une contraction des échanges mondiaux ?
Réactions chinoises : Deux scénarios envisageables
Soit la Chine laisse flotter sa devise, et les investisseurs regardent donc les fondamentaux et les risques de pertes de parts de marché en Asie des entreprises occidentales. Le recul de la valeur en euros et en dollars des exportations et des productions en Chine sera très défavorable aux entreprises américaines ou européennes. Donc, la hausse des marchés boursiers du Trump Trade conjoncturel amplifiée depuis la réélection de Trump pourrait conduire à une violente correction baissière dès le début 2025.
Soit la Chine laisse flotter sa devise, mais les investisseurs se concentrent sur les aspects de la liquidité. La Chine n’a pas besoin de puiser dans ses réserves de change pour empêcher une dépréciation brutale de sa devise en revendant du dollar (par exemple des obligations du Trésor US) pour racheter du yuan (puisqu’elle ne voudra pas justement empêcher une dépréciation du yuan).
Nous considérons que c’est malheureusement le premier scénario qui sera le principal market-mover des marchés financiers au T1 2025. Nous pourrions donc voir une rechute des indices boursiers US perchés sur des all-time high (ATH), ainsi qu’une correction des indices européens.
Et le Japon, alors ?
On se rappelle l’attitude de Donald Trump en 2017. Après s’en être pris à la Chine, le président américain avait pris pour cible le Japon.
Après avoir attaqué le géant automobile japonais Toyota sur un plan d’expansion de la production au Mexique, Donald Trump accusait le Japon de dumping monétaire : « Regardez ce que fait la Chine et ce qu’a fait le Japon au fil des ans, ils ont joué sur les devises et la dévaluation pendant que nous restions assis là, comme une bande de pantins. »
Certes le yen avait beaucoup baissé depuis ses plus hauts historiques contre dollar de l’été 2011 avec la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque du Japon (BOJ), mais que dire de la dégringolade du yen depuis 2022 ?
On peut dire que la Banque du Japon a été, depuis deux ans, la seule banque centrale de la zone OCDE à avoir déclenché une guerre des changes (de 113,50 début 2022 sur la parité USD/JPY à 162,00 début juillet 2024).
Certes, le yen s’est un peu réapprécié depuis contre dollar, avec une parité qui évolue aujourd’hui autour de 150. Mais une intensification du protectionnisme US vis-à-vis du Japon conduirait sans doute les autorités politiques et monétaires à reprendre leur politique de dumping monétaire visant à déprécier leur monnaie nationale (il est vrai que si le différentiel de taux longs US Japon se rélargissait sous l’effet d’une forte remontée des taux longs US, le yen se déprécierait naturellement contre dollar).
2 commentaires
Je n’ai bien sûr pas compris grand-chose… Sinon que la guerre économique pourrait prendre le pas sur la guerre tout court. Paix avec la Russie. Guerre économique tous azimuts. Cela me semblerait déjà un progrès… en attendant que la guerre économique se civilise, ce serait déjà bien de ranger les fusils et les fusées
La dépréciation monétaire est une tricherie compétitive qui permet aux pays industriels de production d’exporter plus, voire de s’emparer des parts de marché. Un pays à l’économie de « service » qui importe plus qu’il n’exporte n’ a vraiment aucun intérêt à voir sa monnaie s’affaiblir. C’est une stratégie de guerre économique par la monnaie qui est antagoniste à l’éthique d’une monnaie saine par une économie de qualité.
Certainement cela démontre que l’on est encore loin d’une monnaie mondiale saine dans une mondialisation à la géopolitique disons incertaine.