Dubaï ne cesse de renforcer sa position sur le marché mondial de l’or physique, notamment grâce aux BRICS+, attirant ainsi de nouveaux clients qui souhaitent stocker leur or. Est-ce cependant la meilleure des solutions ?
Dans leur rapport In Gold We Trust (IGWT) 2024, Ronald Stöferle & Mark Valek (S&V) racontent la fulgurante ascension de Dubaï en tant que place incontournable du marché de l’or, promise à un avenir florissant.
Dans un précédent billet, j’ai présenté l’écosystème de marché de l’or de Dubaï.
Poursuivons avec un peu de politique…
La politique fédérale des Emirats arabes unis relative à l’or
Ces dernières années, le ministère de l’Economie des Emirats arabes unis (EAU) a mené une politique très claire consistant à renforcer l’infrastructure et l’environnement réglementaire du marché de l’or fédéral.
L’objectif est d’accroître la contribution du secteur aurifère à la croissance économique du pays. En pratique, il s’agit d’augmenter le volume des exportations d’or et de bijoux depuis les EAU.
Cette politique volontariste recouvre plusieurs aspects.
Signalons tout d’abord le lancement, fin 2021, d’un nouveau standard international de l’or propre aux Emirats appelé UAE Good Delivery (UAEGD).
Comme l’indiquent S&V : « Similaire à la norme LBMA London Good Deliver”, la norme UAE Good Delivery pour l’or et l’argent est un cadre d’exigences techniques et qualitatives promouvant la compétence technique dans les spécifications standard de production des raffineries de métaux précieux pour les barres négociables/de bonne livraison. Comme la norme de bonne livraison de la LBMA, la norme de l’UAEGD fonctionne également sur la base de l’accréditation des raffineurs de bonne livraison, appelés ‘membres accrédités’. »
Administrée par le comité émirati de l’or (Emirates Gold Bullion Committee) du ministère de l’Economie, cette norme de bonne livraison vise bien sûr à renforcer la confiance dans les produits proposés sur le marché fédéral et, par conséquent, la position des EAU en tant que plaque tournante mondiale du commerce des lingots d’or et des bijoux.
Il faut ensuite évoquer l’introduction de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au sein de la réglementation du marché de l’or fédéral.
En clair, il s’agit de redorer l’image de Dubaï, ternie par le statut de l’émirat en tant que destination privilégiée de l’or du sang africain. Les autorités publiques locales ont donc clairement intégré que pour renforcer son statut de plaque tournante mondiale de l’or, la réglementation dubaïote doit être conforme aux exigences de l’époque, donc responsable.
Dubaï, dans le top 3 mondial des plaques tournantes de l’or
Voici le tableau que S&V nous brossent de la place qu’occupent les EAU dans le commerce international de l’or :
« Selon l’Observatoire de la complexité économique (OCE), les Emirats arabes unis étaient ainsi le 3e exportateur d’or au monde en 2022, derrière la Suisse et les Etats-Unis, et légèrement devant le Royaume-Uni. A la même époque, les EAU étaient le 3e importateur d’or au monde, derrière la Suisse et la Chine, et devant le Royaume-Uni et l’Inde.
En 2022, les 5 principales destinations des exportations d’or des EAU étaient la Suisse (25,3%), Hong Kong (18,1%), la Turquie (10,4%), l’Inde (9,8%) et le Koweït (8,0%). […] Cela fait des EAU un centre de distribution pour tous les autres marchés de l’or du Conseil de coopération du Golfe, en particulier le Koweït et l’Arabie Saoudite, mais aussi Bahreïn, le Qatar et Oman, le marché de l’or de Dubaï approvisionnant les 5 autres marchés membres du CCG en bijoux et en lingots d’or.
En ce qui concerne les importations d’or, alors que les EAU importent de l’or de plus de 100 pays à travers le monde, les principaux pays d’origine en 2022 étaient le Mali (9,7%), la Russie (9,4%), le Ghana (8,3%), le Royaume-Uni (7,9%) et le Zimbabwe (7,8%). Cette liste montre que les pays africains producteurs d’or occupent une place prépondérante dans les importations d’or des Émirats arabes unis […]. »
À n’en pas douter, l’intégration des EAU dans l’alliance des BRICS+ (qui comportent de nombreuses puissances aurifères) en janvier 2024 va permettre au secteur aurifère de Dubaï de gagner en puissance.
Les deux Autrichiens font une autre remarque intéressante : « Les EAU – et 4 autres pays du Conseil de Coopération du Golfe – sont déjà des ‘partenaires de dialogue’ de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) dirigée par la Chine, dont les membres comportent 4 nations membres des BRICS+ (la Chine, l’Inde, la Russie et l’Iran), ainsi que le Pakistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. »
Autrement dit, les EAU en général, et Dubaï en particulier, ont toutes les chances de devenir la plaque tournante du commerce et du transit de l’or des BRICS+, renforçant ainsi leur position sur le marché mondial de l’or physique.
L’étape suivante pourrait bien être déjà écrite…
Les BRICS+, bientôt au centre de la découverte du cours de l’or ?
Résumons-nous.
Les EAU :
- sont une plaque tournante du commerce de l’or physique de gré-à-gré ;
- disposent d’une Bourse de produits dérivés et d’or au comptant (le DGCX) ;
- sont plus proches que jamais de la Chine, l’Inde et la Russie sur les plans politique et commercial, en particulier au niveau du commerce d’or.
La Chine gère la plus grande Bourse d’or physique du monde, le Shanghai Gold Exchange (SGE) et propose des contrats à terme sur l’or sur le Shanghai Futures Exchange (SHFE).
L’Inde gère l’India International Bullion Exchange (IIBX), lancé en juillet 2022.
La Russie, par l’intermédiaire de l’Union économique eurasienne (UEEA), travaille à l’avènement d’un nouveau mécanisme de fixation des prix de l’or au comptant, le Moscow World Standard (MWS) et d’une nouvelle Bourse internationale des métaux précieux à Moscou (le Moscow International Precious Metals Exchange).
Pour S&V, la conclusion est évidente :
« Ensemble, toutes ces Bourses et tous ces lieux d’échange d’or physique dans les pays BRICS+ pourraient collectivement exercer une plus grande influence sur le processus de découverte du prix de l’or, traditionnellement dominé par la LBMA à Londres et le COMEX [à New York].
Peut-être plus important encore, l’expansion des BRICS, dont une majorité écrasante est stratégiquement importante sur le marché mondial de l’or, indique que l’or physique jouera un rôle futur dans le cadre d’un nouveau système monétaire et commercial multilatéral, qui tentera d’être plus indépendant du dollar en tant que monnaie de réserve.
C’est pourquoi la majorité des pays membres des BRICS+ sont des acheteurs actifs d’or pour leurs réserves monétaires. Cependant, les BRICS+ ne disposent pas [à ce stade] d’un système d’approvisionnement central pour se pourvoir en or et effectuer des transactions sur leurs avoirs en or, à moins qu’ils ne choisissent les sites traditionnels de la Banque d’Angleterre, de la BRI et de la Banque de France, qui les exposent tous à un risque de sanctions.
Si les EAU se positionnaient comme la plaque tournante du marché pour l’approvisionnement en or des banques centrales des pays membres des BRICS, alors toutes les parties concernées seraient gagnantes, en cela qu’elles deviendraient indépendantes de la surveillance et du contrôle des banques centrales occidentales. »
Ce tour d’horizon ainsi bouclé, le moment est venu d’en revenir à notre question de départ : faut-il stocker son or à Dubaï ?
Je vous donnerai mon avis dans mon prochain billet.
2 commentaires
Ce n’est pas un bon choix ,vu que l’Or de Dubai, son origine est le piratage de l’Or africain, comme tous à Dubai, et surtout des régimes déchus qui sont nombreux. Je me rappelle que beaucoup de bijoux des Algériennes du temps coloniale et même avant sont tous détournés vers cette destination, L’Or et les bijoux de la Médina en Arabie Saoudite sont très fiables et beaucoup mieux.
J aimerai recevoir les newlester de agora
Merci