Alors que la Chine est en perte de vitesse, l’économie japonaise serait proche de parvenir à atteindre son objectif de plusieurs décennies.
On s’ennuie ferme sur les marchés occidentaux ! Ils se caractérisent ces temps-ci par une stagnation qui s’éternise et des volumes qui s’effondrent littéralement – à Paris, mais pas seulement – dans des proportions inconnues au XXIème siècle. Pour le CAC 40, les séances à moins de 1,5 Mds€ d’échanges réels s’enchaînent… un niveau digne d’un mois d’août, deux ou trois fois inférieur à ce que l’on pourrait attendre.
On assiste également à l’effondrement simultané de la volatilité et de la perception du risque, mesurée par le VIX, qui est retombé sous 14 à Wall Street, soit un niveau pré-pandémie. Comme si le tableau macroéconomique était le plus idéal contemplé depuis fin janvier 2020.
Et comme les marchés ne se focalisent que sur les rayons de soleil qui passent entre les nuages, ils se félicitent des prévisions de l’OCDE qui sont revues légèrement à la hausse en ce qui concerne le monde (de 2,6% à 2,7%), puis l’Europe et les Etats-Unis.
La Chine, qui passerait de 5,3 à 5,4%, n’atteindrait pas son objectif de 5,5%. Par ailleurs, les perspectives restent médiocres pour 2024 avec 5,1%.
Cap sur le soleil levant
Alors que les provocations de Pékin s’enchaînent (nouvelle violation de l’espace taiwanais par l’aviation chinoise ce jeudi matin), les Etats-Unis cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine, notamment en ce qui concerne les produits de haute technologie : les pays capables de les fournir, avec des niveaux de qualité et un coefficient de fiabilité élevé ne sont pas si nombreux.
On peut même dire que le choix se résume à deux pays : la Corée du Sud et le Japon, le second étant 2,5 fois plus puissant économiquement que le premier.
Ce n’est donc pas un hasard si les investisseurs étrangers ont fait leur grand retour sur le marché d’actions nippon depuis avril, et en particulier depuis que Warren Buffett s’est rendu au Japon, où il a déclaré que sa société Berkshire Hathaway avait relevé son exposition sur cinq sociétés locales. Le Japon est désormais la deuxième principale région économique représentée dans son portefeuille, après les Etats-Unis… où Apple représente en fait 60% du total de la poche d’actions américaines.
Ainsi, le Nikkei 225 s’offre un rally de 25% depuis le début de l’année : il gagné 4% d’une seule traite du 1er au 6 juin pour plafonner à l’ouverture du 7 juin à 32 708 points, son plus haut niveau depuis 33 ans.
Le rebond inexorable de la Bourse de Tokyo est alimenté par un flux d’achat d’actions opérés par des investisseurs presque exclusivement étrangers qui prennent prétexte de valorisations plus abordables qu’à Wall Street ou au sein des « blue chips » d’Euronext.
Le Japon bénéficie en outre d’un redémarrage du cycle économique grâce à la réouverture de son économie et des frontières après un isolationnisme quasi total (rappelons-nous des Jeux olympiques qui se sont tenus à huis clos).
Là où l’inflation est une bonne nouvelle
Une reprise significative du trafic touristique et des dépenses qui y sont liées est en cours : elle s’appuie sur une forte demande chinoise, friande de duty free. Les dépenses dans les aéroports et les grandes métropoles au cours des trois premiers mois sont ainsi revenues à 90% de leur niveau d’avant la pandémie, en 2019.
Les grandes entreprises japonaises qui savent la Chine en perte de vitesse (c’est d’ailleurs la surprise des trois derniers mois, les prévisions de reprise rugissante sont complètement démenties, et les exportations en mai ont chuté de 7,5%) disposent de capitaux importants pour répondre à la demande d’investissement dans l’automatisation, la numérisation et les énergies renouvelables.
Et alors que l’occident se traîne à 1% de croissance, révisé à 0,1%, le PIB réel japonais a progressé à un taux annuel CVS de 2,7% en glissement trimestriel de janvier à mars (et de 0,7% par rapport au trimestre précédent), pulvérisant le consensus Reuters de 1,8.
De plus, les inquiétudes du marché concernant un resserrement monétaire à court terme se sont évaporée avec le premier discours d’entrée en fonction du nouveau gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Kazuo Ueda, qui s’engage à prolonger la politique d’assouplissement monétaire en vigueur depuis 33 ans afin de soutenir la reprise économique actuelle. Cela n’empêcherait pas d’atteindre l’objectif d’une inflation sous-jacente durable de 2% dans un contexte inflationniste qui demeure pour l’instant relativement maîtrisé.
Sur un plan plus structurel, des tensions commencent à apparaître sur le front de la croissance des salaires « réels », mais c’est une hausse longtemps attendue dans l’archipel.
Les négociations salariales de printemps « Shunto », qui confrontent les grandes entreprises et les salariés, se sont soldées par l’octroi d’une hausse de 3,67% (au 8 mai), soit la plus forte augmentation enregistrée depuis 30 ans… mais qui alimenterait davantage une épargne financière (car le pays continue de vieillir) plutôt qu’une boulimie de consommation.
Ce serait le scénario « Boucle d’or » aux yeux des investisseurs : le Japon serait proche de parvenir à atteindre son objectif de plusieurs décennies, c’est-à-dire une reflation voisine de 2% et une croissance économique durablement soutenue.
C’est ce qui alimente le sentiment que si Boucle d’or pose ses petits paniers d’osier au pays du Soleil Levant, le marché japonais n’a pas fini de nous enchanter.