Et, si ce n’est pas le cas, la grave récession qui se profile pourrait-elle pousser quelqu’un à couper les ailes de la Fed ?
Comme nous l’avons vu hier, la Fed et ses politiques de taux d’intérêt n’ont pas grand-chose à voir avec les récessions. Les récessions découlent du cycle économique et de la politique budgétaire. La Fed peut aggraver les récessions, mais elle ne peut pas les résoudre. L’économie y parvient d’elle-même.
A première vue, les Etats-Unis n’ont pas besoin de la Réserve fédérale pour fixer les taux d’intérêt. Le marché semble y parvenir parfaitement de lui-même. La Réserve fédérale n’est pas non plus essentielle pour empêcher les récessions, puisque celles-ci se produisent fréquemment pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la Fed. Et la Réserve fédérale n’est pas utile pour assurer la croissance, puisque les Etats-Unis ont connu une croissance spectaculaire de 1836 à 1913, sans banque centrale.
Si la Réserve fédérale n’est d’aucune utilité pour fixer les taux d’intérêt, pour empêcher les récessions ou pour assurer la croissance, pourquoi diable existe-t-elle ?
Les répliques d’un séisme
Cette question trouve sa réponse dans une série étrange d’événements qui ont eu lieu de 1906 à 1913. Ces événements révèlent la véritable raison d’être de la Réserve fédérale.
Le 18 avril 1906, un terrible tremblement de terre et un énorme incendie dévastèrent la ville de San Francisco. Plus de 3 000 personnes perdirent la vie et plus de 80% de la ville fut détruite. Les sociétés d’assurance commencèrent immédiatement à liquider des actifs pour se procurer des liquidités afin d’honorer les demandes d’indemnisation.
Ces ventes forcées mirent sous pression les banques et la Bourse de New York, ainsi que d’autres marchés financiers dans l’est du pays. La crise de liquidité provoquée par le tremblement de terre à San Francisco et la perte de confiance causée par la faillite de la Knickerbocker Trust Company à New York (alors l’une des plus importantes banques du pays) provoquèrent des paniques bancaires.
Au plus fort de la crise, le 19 octobre 1907, John Pierpont Morgan, le banquier le plus célèbre des Etats-Unis, président de J.P. Morgan & Co., rencontra successivement plusieurs banquiers de renom et hauts fonctionnaires dans son immeuble situé au croisement de Madison Avenue et de la 36è rue, à New York. Grâce à son leadership, J. P. Morgan sauva presqu’à lui seul le système bancaire américain.
Le mystérieux voyage sur l’île Jekyll
Immédiatement après la panique de 1907, banquiers et politiciens commencèrent à poser des questions évidentes. Que se passerait-il lors de la prochaine panique ? J. P. Morgan n’était pas immortel. (De fait, il mourut à Rome, en 1913). Qui sauverait le système la prochaine fois que les banques seraient au bord de la faillite ?
Les plus grands banquiers du pays commencèrent alors à envisager de recréer une banque centrale… Cliquez ici pour lire la suite.
Les plus grands banquiers du pays décidèrent qu’il était nécessaire de créer une nouvelle banque centrale. Idéalement, cette banque leur appartiendrait mais bénéficierait de l’appui du gouvernement moyennant la capacité à battre la monnaie. Surtout, cette banque centrale aurait la capacité à agir comme prêteur en dernier recours aux banques privées américaines.
Le sénateur républicain de Rhode Island Nelson Aldrich devint le premier défenseur d’une nouvelle banque centrale parmi les politiques. En 1910, Aldrich organisa un déplacement secret dans un club privé exclusif sur l’île de Jekyll, en Géorgie.
Parmi les participants figuraient Frank A. Vanderlip (président de la National City Bank, représentant les intérêts de Rockefeller), Paul Warburg (un associé de Kuhn, Loeb & Co., représentant les intérêts de Jacob Schiff et de la finance européenne), Henry Davison (un associé de J. P. Morgan & Co. représentant les intérêts de Morgan), Abram Andrew (un économiste et secrétaire adjoint du Trésor, représentant le gouvernement américain) et Benjamin Strong (vice-président de la Bankers Trust et futur gouverneur de la Fed de New York).
En l’espace d’une semaine, ce groupe a rédigé ce qui deviendrait plus tard le Federal Reserve Act, la loi entraînant la création de la Fed. A l’époque, on parlait du Plan Aldrich.
Le groupe savait que les Américains détestaient les banques centrales depuis la disparition de la Second Bank of the United States, en 1836. C’est la raison pour laquelle ils se sont gardés d’appeler leur création « banque centrale » ou « Banque des Etats-Unis » (à la manière de la Banque d’Angleterre). L’appellation « Réserve fédérale » était à la fois trompeuse et anodine.
Savant mélange d’intérêts
Il a fallu attendre plusieurs années pour que le texte soit promulgué sous forme de loi, mais le projet de loi fut finalement signé par le président Woodrow Wilson durant les derniers jours de l’année 1913.
A ce jour, les douze Federal Reserve Banks régionales sont la propriété privée des banques de chaque région. La direction au niveau fédéral est assurée par le conseil des gouverneurs du système de la Réserve fédérale, basé à Washington DC, sur décision du président des Etats-Unis. Dans l’ensemble, ce système est un savant mélange d’intérêts publics et privés.
La véritable raison d’être de la Réserve fédérale n’a rien à voir avec le fait de soutenir l’économie, de fixer les taux d’intérêt, de lutter contre le chômage ou avec tous les autres objectifs politiques dont vous pouvez entendre parler çà et là. La véritable raison d’être de la Fed, et le secret qui se cache derrière son existence, est de renflouer les banques avec l’argent public. Les banquiers ont leurs mains sur la presse à imprimer.
Par conséquent, la réponse simple est que les Etats-Unis n’ont pas besoin d’une banque centrale. Ils s’en sont très bien tirés sans banque centrale pendant 77 ans, de 1836 à 1913. La Fed n’est pas capable de stimuler l’économie. La Fed n’est pas responsable du cycle économique (mais elle peut aggraver la situation et ne s’en prive pas, souvent). La Fed ne peut pas créer d’emplois.
La Fed existe uniquement pour donner aux banquiers le contrôle sur la monnaie et pour qu’ils puissent se renflouer à peu près tous les dix ans. Tout ce que vous entendez sur les relances, les créations d’emplois, les taux d’intérêt, la stabilité financière n’est que du baratin. La grave récession qui se profile à l’horizon pourrait enfin pousser quelqu’un à poser les questions qui dérangent et à couper les ailes de la Fed. Mais il ne faut pas rêver.