Par Bill Bonner (*)
Le génie du capitalisme a été décrit par Adam Smith il y a plus de 200 ans de ça : qu’un homme cherche son propre avantage : parfois il prospérera — parfois il sombrera. Mais à chaque fois, le processus d’innovation et d’échec récompensera le "bien commun".
"Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous pouvons attendre notre dîner, mais de leur considération pour leur propre intérêt", disait-il.
Le génie de Reagan et de Thatcher a été de permettre au capitalisme de faire plus ou moins ses preuves. Arthur Laffer en a gribouillé les principes de base sur une serviette en papier : si les gens gardent une plus grande quantité de ce qu’ils gagnent… et ils gagneront plus. Baisser les taux d’imposition marginaux augmentera les recettes fiscales, prédit-il. Ronald Reagan simplifia les choses : que le gouvernement laisse le champ libre, et tout le reste s’arrangera.
Résultat : un boom comme le monde n’en avait encore jamais vu.
L’étude Barclays Equity Gilt, que la banque publie depuis 53 ans, examine la performance à long terme des actions britanniques. Elle en a déduit que depuis près de 100 ans — entre 1899 et 1985 — les investisseurs ont en fait perdu de l’argent. Par rapport aux prix au détail, le rendement réel des valeurs sur toute cette période était négatif. Mais au cours des 20 années qui ont suivi, les prix des actions — en termes réels — ont quasiment doublé.
Aux Etats-Unis, les actions des capitalistes ont grimpé plus encore. L’indice Dow a augmenté de plus de 1 000% entre 1982 et 2000.
Et ce boom n’était pas limité aux économies anglo-saxonnes. Les Soviétiques s’y sont vite mis ; ils ont abattu le mur, renoncé au communisme et baissé les impôts jusqu’à ce qu’ils atteignent le tiers de ce qu’ils étaient en Grande-Bretagne. Les Chinois ont gardé leur gouvernement mais changé leur credo : "s’enrichir est glorieux", a déclaré Deng Xiaoping. Les Indiens s’y sont mis aussi. Le monde entier trimait et s’enrichissait.
Mais dans cet Eden, un serpent s’est glissé. Et le reptile a aguiché et tenté tous ceux qui voulaient l’écouter. "Dépensez… faites jouer l’effet de levier… spéculez", susurrait-il. Aux ménages, il disait : ne soyez pas idiots… empruntez… achetez une maison plus grande… sa valeur ne fera que grimper. Aux prêteurs, il murmurait : ne vous souciez pas de vérifier les revenus ou les déclarations financières ; vous pourrez revendre la dette à Wall Street. Enfin, aux ingénieurs financiers, aux génies bancaires, aux fonds de couverture et aux sociétés d’investissement, il glissa : faites des prêts douteux… choisissez des investissements risqués et à haut rendement ; si vous avez des problèmes, le gouvernement sera toujours là pour vous tirer d’affaire.
Nous verrons dès demain ce qu’il est advenu de ces promesses…
Meilleures salutations,
Bill Bonner
Pour la Chronique Agora
(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres "L’inéluctable faillite de l’économie américaine" et "L’Empire des Dettes".