On ne peut se passer de l’inflation, sauf à accepter une destruction considérable de capital et d’épargne.
Steen Jakobsen, directeur des investissements chez Saxo Banque, parie sur un changement de régime monétaire. Il constate que le régime mis en place par Greenspan en 1998 a touché ses limites et il en tire la conclusion que c’est la « fin d’une ère ».
Je ne partage pas cette analyse. Déjà, car l’inflationnisme ne date pas de 1998. On ne peut pas s’en passer, sauf à accepter une destruction considérable de capital et d’épargne.
L’inflationnisme n’est pas une erreur ou un caprice de Greenspan, mais une nécessité produite par l’état du système capitaliste ; c’est un moyen de repousser les limites du cycle du crédit dans le temps.
Une solution simpliste
L’inflationnisme ne tombe pas du ciel, il est causé par l’état endogène du système et ses contradictions « accumulation du capital/besoin de profit ».
L’inflationnisme répond à une nécessité systémique, que Jakobsen ne perçoit pas et donc n’évoque pas.
En résumé, Jakobsen croit que c’est la volonté des hommes qui gouvernent et qu’il suffit maintenant de mettre en œuvre d’autres priorités.
Je vous invite à lire cette analyse, les prévisions de Saxo Banque pour le deuxième trimestre 2022 :
« Nos prévisions pour le deuxième trimestre 2022 indiquent que nous assistons aux derniers jours du paradigme qui régit les marchés depuis l’avènement de la politique monétaire mise en place par Alan Greenspan au lendemain de la faillite du fonds spéculatif Long Term Capital Management (LTCM) en 1998.
Le double choc de la pandémie et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a modifié les priorités sur tous les plans politiques (budgétaire, monétaire et géopolitique).
Aux Etats-Unis, l’impératif pour la Fed de lutter contre la montée en flèche des risques d’inflation a perturbé la pratique traditionnelle du sauvetage des marchés financiers et de l’économie dès la première vague de difficultés.
En bref, la politique monétaire accommodante de la Fed est bien moins efficace aujourd’hui qu’elle l’était il y a un an : la Fed doit prendre les devants.
En Europe, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a conduit l’Allemagne à faire voler en éclat des décennies de politique budgétaire et de défense, précipitant une nouvelle ère d’investissement qui devrait engendrer une forte hausse de la productivité.
Les risques existentiels auxquels l’Union européenne était confrontée ont disparu et la défense est devenue une priorité qui prévaut désormais sur toutes les autres considérations.
Accrochez votre ceinture car l’année 2022 sera particulièrement mouvementée pour les marchés.
Nos perspectives macroéconomiques remettent en question l’argument selon lequel nous assistons à une répétition des années 1970, le monde étant confronté à un choc d’approvisionnement sans précédent.
Nous risquons une « grande érosion », car les taux réels négatifs érodent le pouvoir d’achat à tous les niveaux et la hausse des coûts érode les marges bénéficiaires des entreprises.
La productivité doit finir par progresser pour y remédier, mais les perspectives de gains de productivité résultant de la transition écologique sont discutables.
En matière de revenus fixes (Fixed income), les perspectives se concentrent sur l’aplatissement rapide de la courbe des rendements des bons du Trésor américain, qui menace de s’inverser, ce qui laisse entrevoir des risques de récession croissants.
Nous voyons également une hausse des taux en Europe avec une BCE moins accommodante et, compte tenu de la nouvelle expansion budgétaire, cela pourrait signifier des difficultés pour les marchés périphériques de l’UE.
Dans le domaine du crédit, le resserrement des banques centrales va continuer de dilater les écarts de crédit, risquant de provoquer une crise à un moment donné.
En ce qui concerne les actions, nous nous concentrons sur les valorisations des actions assiégées par les contraintes du côté de l’offre, la hausse des coûts et la perspective de taux d’intérêt beaucoup plus élevés.
Les gagnants seront les entreprises qui pourront se targuer d’une forte innovation, d’un pouvoir de fixation des prix et d’une rentabilité élevée.
En Europe, les entreprises qui absorbent l’énorme nouvelle offensive budgétaire dans la défense, l’énergie et d’autres secteurs vont probablement en bénéficier.
Nous présentons également un article spécial sur la cybersécurité, un secteur qui était déjà en plein essor avant que l’invasion russe ne braque tous les projecteurs sur les vulnérabilités en matière de cybersécurité à tous les niveaux (Etats et entreprises).
Pour ce qui est des matières premières, l’accent est mis sur le risque continu de hausse du pétrole qui était déjà présent avant que l’invasion russe de l’Ukraine n’aggrave lourdement l’incertitude de l’offre à terme.
Nous examinons également un contexte favorable aux métaux industriels en raison des priorités que constituent les nouvelles dépenses militaires, la transition écologique à forte intensité de métaux et les sanctions à l’encontre de la Russie.
Ailleurs, la hausse des prix des denrées alimentaires reste un risque en tant que corollaire de la hausse des prix de l’énergie, mais également si la récolte de blé ukrainien de cette année ne peut pas être commercialisée, car il s’agit d’un exportateur majeur.
L’or reste une valeur sûre en tant que couverture contre l’inflation et tant que les taux réels restent négatifs.
S’agissant des devises, l’accent est mis sur le retour potentiel de l’euro suite à la réorientation massive des dépenses budgétaires déclenchée par l’invasion russe de l’Ukraine. Cela permettra de conserver une plus grande partie de l’épargne européenne dans l’UE et d’y approfondir les marchés de capitaux. »
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]