Quelle est la relation entre le cuivre et l’or – et qu’est-ce que ces deux métaux (et leurs interactions) peuvent nous dire de l’état de l’économie dans son ensemble ?
De l’analyse fondamentale à l’analyse technique, il existe moult méthodes pour évaluer si le prix d’une valeur financière est élevé ou non. L’une d’entre elles consiste à considérer le prix relatif d’un actif ou d’un indice par rapport à d’autres. En pratique, cela consiste à étudier la courbe du ratio entre les deux valeurs.
C’est ainsi que, si vous vous intéressez à l’or, vous êtes sans doute déjà tombé sur des graphiques ou des tableaux retraçant l’évolution des ratios or/argent, or/pétrole ou que sais-je encore.
Outre le fait de permettre d’évaluer la valorisation d’un actif par rapport à un autre, certains de ces ratios sont censés avoir une signification économique.
L’exemple du ratio or/argent
Par exemple, Ronald Stöferle et Mark Valek (S&V) considèrent que « le ratio or/argent reflète l’état de l’ordre monétaire global. »
Je ne rentrerai pas dans les détails, si ce n’est pour préciser que ce ratio permet, selon les deux Autrichiens, de voir si l’ordre monétaire mondial est caractérisé par la désinflation, la déflation et la destruction monétaire (périodes en saumon sur le graphique), ou au contraire par l’inflation et la prolifération monétaire (périodes en vert).
Un autre de ces ratios est le ratio cuivre/or (copper/gold ratio).
Le cuivre est un métal bien différent de l’or
Le métal jaune a un usage essentiellement monétaire ou proto-monétaire. Entre 2010 et fin 2019, la demande d’investissement a en effet représenté en moyenne 11% de la demande totale, et la demande issue du secteur de la bijouterie 51%, quand la demande en provenance du secteur industriel n’a représenté que 8% de la demande totale.
Dit autrement, l’or est la valeur refuge la plus largement reconnue par les investisseurs. Au risque de caricaturer le comportement de ce métal, je dirai que son cours a tendance à bien se comporter durant des périodes de stress économique, financier et géopolitique, ce qui en fait une sorte de thermomètre de la peur.
Le cuivre est tout le contraire. Jadis, ce métal a certes eu une utilisation monétaire, mais celle-ci a désormais laissé la place à un usage essentiellement industriel, à tel point que le cuivre est le métal industriel par excellence.
En tant que matériau de base utilisé dans le monde entier dans un large éventail d’applications industrielles, le cuivre a tendance à être au sommet de sa forme lorsque l’économie mondiale tourne à plein régime. L’avis du « Dr Cuivre » est donc sollicité pour prendre le pouls de l’économie mondiale en tant qu’indicateur avancé.
Voici comment ont évolué le cours de ces deux actifs depuis l’an 2000 en dollars :
Comme le fait remarquer le site Longtermtrends :
« Ce graphique des prix à long terme des deux métaux révèle deux choses : premièrement, l’or et le cuivre ont tendance à évoluer dans la même direction la plupart du temps ; deuxièmement, il montre que le marché du cuivre a tendance à être plus volatil et plus sensible aux fluctuations de prix que l’or. »
Ce constat ne vous surprendra pas au vu 1. de la concentration de la demande de cuivre dans le secteur industriel, là où celle de l’or est beaucoup plus diversifiée, et 2. du ratio stock/flux du cuivre, lequel est ridicule comparé à celui de l’or.
Comme je l’expliquais dans mon livre en 2013 :
« Son ratio stock/flux élevé distingue le métal jaune de l’ensemble des autres matières premières. En 2012, alors qu’il était d’environ 61 pour l’or (c’est-à-dire que le stock mondial d’or correspondait à environ 61 années de production), il n’était approximativement que de 0,06 pour le cuivre qui est produit et consommé à flux tendus (c’est-à-dire que le stock mondial de cuivre équivalait à environ 3,5 semaines de production).
L’argent[-métal] affiche quant à lui un ratio stock/flux qui avoisine les 1,7. Compte tenu de l’importance de son stock en comparaison de ses flux, l’or est beaucoup moins sensible aux évolutions de l’offre et de la demande que ne le sont les autres matières premières. »
Par conséquent, il est logique que le cuivre réagisse aux tendances fondamentales plus rapidement que ne le fait l’or.
Qu’est-ce que le ratio cuivre/or ?
Voilà pourquoi le ratio cuivre/or est censé représenter, au-delà du nombre d’onces d’or nécessaires pour acheter une once de cuivre, le sentiment des marchés vis-à-vis de la conjoncture économique. En pratique, cet indice de confiance est censé baisser lors des périodes de stress, et augmenter lors des périodes stables.
Voici comment le ratio cuivre/or a évolué depuis l’an 2000 en dollars :
Que nous apprend ce graphique ?
On constate tout d’abord, comme l’écrivaient S&V dans leur rapport In Gold We Trust 2016, que « le cours de l’or a tendance à se renforcer sensiblement par rapport au prix du cuivre en période de grande incertitude économique (par exemple, la crise pétrolière et ses suites, la crise de Lehman) », avec un ratio qui a plongé entre 2007 et 2009, le pouvoir d’achat de l’or en termes de cuivre explosant à la hausse sur cette période.
Après plus de 10 ans d’évolution plus ou moins à l’horizontale, un nouveau plus bas a été atteint au mois d’avril 2020, avant que le ratio cuivre/or ne relève son nez jusqu’en avril 2021.
En d’autres termes, sur cette période de 12 mois, la hausse du cuivre a été encore plus violente que celle de l’or, ce qui ne vous étonnera qu’à moitié si vous suivez l’actualité des matières premières.
A ce stade, peut-être vous dites-vous qu’en dépit de cette rebiquette de 12 mois, le ratio n’est pas sorti de son canal et il n’y a finalement rien de bien intéressant à constater.
Que nenni, cher lecteur, puisque maintenant que vous n’ignorez plus rien du ratio cuivre/or, je vais pouvoir vous entretenir dans mon prochain billet d’un autre phénomène, à savoir la forte corrélation qui unit le ratio cuivre/or et le taux du 10 ans américain…