Les accords de Bretton Woods ont eu 50 ans la semaine dernière. Ils ont engendré un monde très différent, difficile à comprendre… où la place du dollar est primordiale et où les crises abondent.
Le 15 août marquait le 50ème anniversaire du « choc Nixon » : le jour où le président Richard Nixon a fermé le guichet de l’or et mis fin à l’accord de change de Bretton Woods après la Deuxième guerre mondiale.
Cet accord, en grande partie influencé par John Maynard Keynes, avait arrimé le dollar à l’or et la plupart des autres devises au dollar.
Ce n’était pas un véritable étalon-or car seuls les autres pays parties prenantes à l’accord pouvaient exiger de l’or en échange de leurs dollars, mais c’était au moins un étalon. Il y avait un ancrage, une règle… Nous étions encore dans ce que j’appelle une monnaie objective.
Nixon n’avait pas l’intention de mettre fin à Bretton Woods : il prévoyait plutôt une négociation qui entraînerait une dévaluation du dollar. Un futur président de la Fed nommé Paul Volcker, au Trésor US à l’époque, a bien tenté de négocier une dévaluation – mais elle n’a jamais été mise en œuvre.
Depuis ce jour, et depuis les accords de la Jamaïque, le dollar et les monnaies des pays les plus développés ont flotté, leur valeur dépend plus ou moins du jugement du marché.
Un monde incompris
C’était un nouveau monde pas facile à comprendre – et nous ne l’avons toujours pas vraiment compris. La Fed semble encore largement ignorante des forces qui façonnent l’offre et la demande de dollars… et les politiciens qui façonnent la politique économique n’en ont certainement aucune idée.
Une chose n’a pas changé cependant. John Connally, le secrétaire au Trésor US à l’époque, a déclaré que le dollar était « notre monnaie, mais votre problème » et cela s’est révélé vrai au cours des décennies qui ont suivi.
Ce n’est pas totalement exact car les Chinois ont renversé la dialectique et, à la faveur du système mis en place par Nixon, ils ont accumulé des réserves, investi, formé leur population… Maintenant, ils sont devenus concurrents stratégiques ; c’est le problème des Etats-Unis !
Les mouvements du dollar ont constitué un facteur important (cause et/ou effet) dans le comportement des marchés au cours des cinq dernières décennies.
Le dollar a joué un rôle important dans la crise du peso de 1984, dans les bulles boursières et immobilières japonaises et dans l’effondrement qui a suivi (accords du Plaza et du Louvre), dans le krach boursier américain de 1987, dans la crise des Savings & Loans du début des années 90, dans une autre crise du peso en 1994, dans la crise asiatique de 1997-98 qui a également fait chuter LTCM, dans la bulle internet à la fin des années 90, dans le boom de l’immobilier et des matières premières du début des années 2000 qui ont conduit directement à la crise de 2008, et dans le monde de quantitative easing dans lequel nous vivons depuis.
Certaines de ces crises ont été précipitées par un dollar trop fort tandis que d’autres ont été créées à partir d’un dollar trop faible. Les taux de change fixes peuvent être une camisole de force trop serrée, mais trop de volatilité présente également certains problèmes.
Une rareté relative
Le problème majeur à notre époque, c’est la rareté relative du dollar hors des Etats-Unis : le monde a besoin de dollars/eurodollars/asiadollars, il s’est endetté en dollars, c’est une épée de Damoclès considérable au-dessus de nos têtes.
La volatilité du dollar présente certains problèmes pour le monde mais, pour le meilleur ou pour le pire, c’est la monnaie de réserve mondiale et je ne vois aucune menace réelle à ce statut à l’horizon.
Le dollar est le « prix » le plus important au monde. Il est « ce en quoi » tout est exprimé !
Il constitue les flux de capitaux dans le monde, ce qui a un impact sur l’inflation mondiale et la croissance économique. Il gonfle ou dégonfle les indices des marchés financiers et, par conséquent il détermine les rendements des divers actifs.
Le dollar est la matière première qui, par le bais de l’alchimie boursière, produit l’ensemble des quasi-monnaies, lesquelles constituent l’ensemble des « papiers » du monde entier.
Cette alchimie est la source de l’illusion d’enrichissement du monde puisque cet enrichissement se mesure non pas en richesses réelles – biens et services –, mais en capitalisation des actions, des obligations, des masses de créances, des masses de crédit, etc.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Et dire que la France possédait en 1944 aux accords de Bretton Woods 4000 tonnes d’or et dominait le Liban qui était détenteur d’un grand stock d’or…Les nations catholiques ont été flouées car elles disposaient d’un stock d’or supérieur à celui des USA et du Royaume Uni. Mais les USA ont imposé leur camelote monétaire, le dollar, car ils étaient dominants militairement… La France était divisée.