Grâce à l’effet de levier, les initiés peuvent transformer des actifs – désormais libérés de tout lien avec l’économie réelle – en fortunes colossales… et tant pis pour les dommages infligés au système et aux valeurs.
Après avoir examiné les questions de valorisation des actifs financiers par les taux (ici) et par le risque (juste ici), venons-en à un autre aspect qui est beaucoup plus fondamental.
Cet autre aspect, les autorités en parlent peu. Janet Yellen l’avait abordé il y a 18 mois, mais ceci n’avait intéressé personne. Yellen avait dit : il n’y a pas de risque à la stabilité financière parce qu’il n’y a pas de surendettement dangereux.
Par cette affirmation, qui, comme je vous le dis, n’a été relevée par personne, Yellen introduit l’autre volet fondamental du niveau de prix des actifs financiers. C’est le volet qui m’est cher car il y a quand même bien longtemps que je ne crois plus à l’ancien fondamentalisme qui reliait la valeur des actifs financiers à la marche de l’économie.
Les actifs se sont libérés du poids de l’économie. Ils sont libres, comme les monnaies ; ils flottent, ils lévitent, soumis simplement à la pression de l’air chaud monétaire qui les gonfle.
Actifs et morceaux de papier
Ma thèse est qu’il faut abandonner les théories anciennes qui reliaient la valeur des actifs à la marche de l’économie réelle. Il faut être radical et revenir aux sources : les actifs financiers sont des avatars de la monnaie, ce sont des morceaux de papier.
C’est ma thèse de base.
Elle signifie que, de même que la monnaie a été libérée des richesses sous-jacentes, les quasi-monnaies elles aussi sont libérées. Il n’y a plus de limite à la masse de monnaie dans le monde. Ceci signifie donc qu’il n’y a plus de limite à la masse de quasi-monnaie dans ce monde.
Le champ du monétaire et du quasi-monétaire est unifié. On passe de l’un à l’autre sans rupture, par un simple glissement sur la pente du rendement corrigé du risque. La monnaie suit la ligne de plus grande pente de la rentabilité facile, elle s’en va se stocker dans le grand réservoir des Bourses mondiales.
A la lueur de ce que je viens d’expliquer, vous comprenez le lien entre création monétaire et gonflement du prix des actifs : ce lien, c’est ce que l’on appelle le levier.
Qu’est-ce que le levier ?
C’est le dispositif, le processus par lequel la monnaie mise à disposition par les banques centrales, les banques et le shadow banking se transforme en actifs financiers.
Si vous voulez bien comprendre, réétudiez la question d’Archegos : elle met à jour ce processus. Bill Hwang, le gestionnaire de ce fonds, utilisait un levier d’au minimum 10 pour acheter des actifs boursiers.
Traduction : il se dotait d’un pouvoir d’achat de 10 fois supérieur à ses capitaux familiaux pour acquérir des actifs financiers.
Il accomplissait la véritable œuvre de Dieu dont nous parlait en son temps Goldman Sachs : la transmutation du plomb en or, l’œuvre au noir, la Grande alchimie, la mutation de la monnaie tombée du ciel en actifs financiers qui vient gonfler la fortune des ultra-riches.
Si vous avez compris ceci, vous avez tout compris, et le reste n’est que balivernes.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Oui on se rend bien compte de cette montgolfière.
Les actes des financiers forment une zone monétaire surenflée.
Mais que se passe t il quand de la monnaie sort de ce ballon pour venir s’offrir de la vraie valeur ?
C’est tout simplement un prélèvement sans contrepartie. Un impôt lourd que le ballon prélève à la vraie économie.
Une saignée qui finira par tuer l’organisme économique réel.
Il faut se préparer au nouvel organisme qui prendra la place, c’est à dire les fondamentaux de la réalité économique.
Ces fondamentaux sont des pépites d’or. Et si déjà l’on ne ramassait que les paillettes …