C’est la surchauffe sur les marchés boursiers – c’est à tel point qu’on a dépassé le stade du casino pour entrer dans une toute nouvelle dimension. Mais, en coulisses, l’inflation guette…
Le casino tourne à plein régime. Les mises augmentent.
Rappelez-vous : l’« inflation » fait référence aux augmentations de la masse monétaire. Lorsqu’on a un système adossé à l’or, on ne peut pas vraiment gonfler la masse monétaire, parce qu’il est difficile de mettre la main sur plus d’or.
En général, la quantité d’or en circulation augmente à peu près au même rythme que les biens et les services qu’elle est censée représenter. C’est pour cela que les prix actuels – en termes d’or – ne sont pas très différents de ceux qu’ils étaient il y a 1 000 ans (avec une marge généreuse et élastique tenant compte des améliorations technologiques).
Une monnaie papier offre plus de flexibilité – en d’autres termes, elle permet de se mettre dans le pétrin plus facilement.
C’est bien ce qu’il s’est passé. Depuis le début de la dernière crise financière, en 2008, la création de papier monnaie de la Réserve fédérale a été quelque 15 fois plus élevée que la croissance du PIB. Aujourd’hui, autour de la corbeille du Nasdaq, les plaisantins vivent la belle vie.
Une inflation monétaire classique
Nous n’en sommes que dans les premières étapes de « l’inflation ». La Fed crée du nouvel argent en achetant des bons du Trésor US. La plupart des Américains ordinaires ne possèdent pas d’obligations. Elles appartiennent à l’industrie financière… et aux riches en général.
Après tout, c’est ainsi que les riches sont devenus si riches. Les autorités ont augmenté leur fortune en gonflant les prix de leurs actifs. Cela n’a rien à voir avec une avidité particulière… ni avec un échec du capitalisme.
C’est plutôt de l’inflation monétaire classique… telle qu’elle avait été comprise par Richard Cantillon, au début du XVIIIème siècle.
Cantillon, un Irlandais, était l’un des premiers investisseurs dans le plan du Mississipi mis sur pied par l’économiste écossais John Law. La Compagnie du Mississipi, dirigée par John Law, s’était vue accorder une concession pour développer la colonie française en Amérique du Nord. Il utilisa cela comme nantissement pour de la nouvelle monnaie papier émise par la Banque de France, qu’il contrôlait également.
Cantillon a vu clair dans son jeu.
Ceux qui se trouvent au premier rang pour obtenir du nouvel argent sont toujours riches et puissants. Lorsque c’est le tour de l’homme de la rue, cela perd déjà de la valeur – rapidement.
Une longueur d’avance
Pour le moment, aux Etats-Unis, le nouvel argent reste principalement sur les marchés financiers, où il donne le vertige aux investisseurs.
A la Chronique, nous avons généralement de l’avance. Nous avons commencé à prévenir des dangers de la bulle des dot-com dès l’ouverture de notre blog quotidien – en 1998, deux ans avant qu’elle n’éclate.
Quant à l’effondrement du secteur des prêts immobiliers, nous en parlions déjà dès 2005 – trois ans avant que Lehman Brothers ne fasse faillite.
Avons-nous encore une fois des années d’avance en sonnant l’alarme quant aux dangers d’une inflation galopante des prix à la consommation ?
« Il est bien trop tôt pour s’inquiéter de l’inflation [des prix à la consommation] », commente un lecteur.
Cela ne nous inquiète pas. Nous nous contentons de l’anticiper. Nous l’attendons même avec un peu d’impatience, de manière assez cynique.
Parce que lorsque l’inflation arrivera, nous dormirons sur nos deux oreilles. « Le monde fonctionne encore comme il le devrait », nous dirons-nous. « Le Seigneur est en son paradis. La reine est sur son trône. Les gens obtiennent encore ce qu’ils méritent. Et tout va bien sur cette Terre. »
Un énorme pari
Actuellement, une bonne partie de l’argent des chèques d’aide va à l’économie financière et non à l’économie réelle. Les ouvertures de compte chez Robinhood et autres plateformes de trading en ligne ont atteint un rythme effréné l’an dernier.
C’est de l’argent qui repart comme il vient – on fait aussi bien de l’échanger contre des jetons de casino.
Plus amusant qu’un casino – où les joueurs comprennent au moins les probabilités, plus ou moins –, le marché boursier s’est transformé en sorte de jeu de bingo pour fous dyslexiques.
Ni les mots ni les chiffres n’ont plus besoin d’avoir de sens.