« L’affaire GameStop » est-elle vraiment en train de s’apaiser ? A quoi a-t-elle servi – et quelles leçons les marchés (et les investisseurs) sont-ils susceptibles d’en retenir ?
Comme vous le savez, cher lecteur, nous vivons une époque de miracles.
Jésus pouvait transformer l’eau en vin. La Réserve fédérale, elle, peut faire mieux : elle peut transformer des morceaux de papier sans valeur en… argent ! Des milliers de milliards de dollars de monnaie. Assez pour « stimuler » la plus grande économie au monde jusqu’à atteindre un stade d’extase transcendentale.
Ou au moins une illusion – agréable mais momentanée – de normalité.
Distractions
Telle est la grande histoire du XXIème siècle : le fantasme de la fausse monnaie et la volée de bois vert bien réelle que les Américains se prendront en conséquence – et en temps réel.
Mais nous allons plus vite que la musique. Nous n’en sommes qu’aux premières phases, lorsque les illusions sont encore plus ou moins plaisantes.
Notre plus grand défi, à la Chronique, est d’éviter de nous laisser distraire et égarer par elles. Chaque fable invraisemblable a sa propre piste de sottises menant à une autre fable invraisemblable.
Suivez l’une… puis l’autre… et vous ne tardez pas à être complètement perdu.
Voyons donc où tout cela nous mène aujourd’hui.
Squeeze infini
La semaine dernière, la team Reddit a semblé ouvrir un tout nouveau chapitre de l’histoire financière. Tout à coup, en utilisant internet, une flash mob de petits porteurs a pu humilier les grands et riches hedge funds.
Ces fonds avaient vendu quelque 140% d’actions GameStop en cours. Certains se sont demandé comment c’était possible. D’autres s’interrogeaient sur la légalité de tout cela. D’autres encore se demandaient comme les jeunes traders – dont Roaring Kitty, utilisateur de Reddit – pouvaient exécuter un « squeeze infini » contre les pros.
Le « squeeze infini » lui-même est un sujet d’étonnement. Il s’agit d’investisseurs faisant grimper le prix si haut… et laissant si peu de flottant disponible, que le prochain acheteur (disons un vendeur à découvert qui a besoin de couvrir son pari) doit payer un prix infiniment plus élevé.
Nous ne savions pas comment cela allait se passer en pratique, mais tout le monde pouvait savoir comment cela se déroulerait en théorie.
Une fois que les shorts auraient tous battu en retraite, léchant leurs egos blessés et comptant leurs milliards de pertes, les acheteurs resteraient maîtres de la partie.
Retour sur Terre
Mais… que se passerait-il ensuite ?
Ils détiendraient les actions d’une entreprise, achetées à un coût de base moyen bien plus élevé que ce qu’elles valent vraiment – peut-être même des centaines de fois supérieur à ce qu’elles valent en réalité.
Ces acheteurs avaient juré de ne « jamais vendre ». Peut-être, dans un esprit de solidarité ou de folie, caleraient-ils avant de passer leur ordre. Mais à la guerre comme à la guerre… et au squeeze comme au squeeze.
Les plus intelligents d’entre eux ont commencé à se diriger vers la sortie jeudi dernier, vendant une action qui valait alors plus de 400 $. Et puis, il y a deux jours, la foule s’est précipitée vers les portes, piétinant pas mal de monde en chemin et ramenant le prix à 90 $.
Dans quelques semaines, le cours de GameStop devrait être de retour à son niveau d’origine, aux environs des 15 $. A la même époque l’an prochain il pourrait être plus proche du zéro.
Car si la Fed peut accomplir des miracles de lévitation à Wall Street, elle laisse l’économie réelle au tapis. Il semble assez probable que GameStop, un détaillant « en dur » de jeux vidéo désormais facilement disponibles en ligne, doive mettre la clé sous la porte.
Pourquoi toute cette affaire, alors, nous demandons-nous ? Tout ce Sturm und Drang ? Tous ces crêpages de chignon du côté des spectateurs ? Tout le monde semblait dans tous ses états à cause de cette affaire.
Les shorts pensaient accomplir l’œuvre de Dieu – en aidant M. le Marché à trouver un prix approprié pour les actions GameStop. Les longs eux aussi portaient du blanc, confiants dans le fait qu’ils étaient dans une croisade pour empêcher les riches de s’emparer de la planète.
La seule chose que nous retirons de toute cette saga, pour notre part, est que la bulle de la Fed doit être prête à éclater (la folie des joueurs atteint des sommets)… et que la haine envers « les riches » est élevée – et en croissance.