Comment battre le marché boursier et engranger des gains qui en valent la peine ? Deux méthodes sont possibles – et Bill Bonner a sa préférée…
Pourquoi – en se donnant un peu de peine – est-il possible de battre le marché, nous demandions-nous hier ?
La réponse tient en deux mots : c’est parce que la plupart des investisseurs ne font pas leurs devoirs. Ils utilisent leur cerveau primitif pour tenter de faire mieux que le marché. Cela les pousse à commettre de graves erreurs sur la valeur des entreprises.
L’investisseur prudent, avec un crayon bien aiguisé et un esprit tout aussi affûté, profite de ces erreurs en achetant, ou en vendant, les valeurs mal évaluées.
L’investissement est essentiellement une tentative rationnelle et logique de déterminer la valeur présente d’un futur flux de revenus. Je ne parle pas de la spéculation – où l’on tente de deviner ce qui va grimper ou baisser. Je parle de l’investissement sérieux, tel qu’enseigné par Graham et Dodd… et pratiqué par Warren Buffett et bien d’autres.
Si tous les investisseurs agissaient ainsi, les actions seraient plus ou moins correctement évaluées tout le temps… et il serait très très dur de battre le marché.
La plupart des investisseurs ne le font pas. Ils utilisent leur cerveau « à petite échelle ». Ils achètent et vendent des investissements en se basant sur ce que quelqu’un leur a dit… sur des rumeurs… sur ce qu’ils ont lu dans les médias… et d’autres idées farfelues de toutes sortes. Ils soutiennent une valeur comme on soutient une équipe de foot.
De l’importance de l’alpha
Une de mes amis m’a dit un jour qu’il savait reconnaître quand on approchait un sommet boursier, parce que sa mère lui demandait si elle ne devait pas investir sur telle ou telle IPO. Elle en avait entendu parler dans les journaux, et cela lui semblait intéressant.
La dernière fois que sa mère avait voulu se positionner, c’était en 1999, quand elle voulait acheter des dot-com.
C’est uniquement parce que la plupart des investisseurs ne sont pas sérieux qu’il reste de belles opportunités pour les investisseurs plus réfléchis.
On peut regarder cela autrement : le système fonctionne aussi en matière de moralité. En d’autres termes, la vertu est récompensée, le vice est puni.
Qu’est-ce que la vertu ? Le travail, la patience, l’auto-discipline.
Qu’est-ce que le vice ? L’avarice, la vanité, le besoin de gratification immédiate. Et la paresse.
Il semble donc normal que, à terme, l’investisseur patient, discipliné et travailleur – qui calcule calmement ce que valent vraiment les actions – s’en sorte mieux que la vaste masse des spéculateurs peu sérieux et de ceux qui se contentent de suivre les tendances.
C’est ainsi qu’on obtient l’alpha. On fait simplement de meilleurs calculs que la plupart des gens. Pas besoin de lire le journal. Pas besoin de regarder la télé. Il suffit d’examiner les chiffres.
Certes, il y a toujours une part de suppositions. Et un peu d’opinion propre. Il faudrait s’intéresser au business model, et aux gens qui gèrent l’entreprise. Au produit également. Ce sont-là des avis qualitatifs.
Vous aurez parfois raison et parfois tort. Mais – à la marge – vous ferez une meilleure sélection boursière que l’investisseur moyen. Avec un peu de chance en plus, vous obtiendrez un meilleur résultat.
Parier sur le beta
Maintenant, passons à une meilleure manière de battre le marché : le beta.
Il est difficile de battre le marché en se concentrant sur l’alpha… et la plupart de ceux qui s’y essaient échouent. C’est pour cela que nous recherchons des opportunités d’engranger des rendements supérieurs à la moyenne lorsque les marchés passent à des extrêmes « inefficients ».
C’est là que je concentre vraiment mon attention, parce que je n’ai pas assez de patience pour l’analyse des actions. On peut obtenir du beta en sortant simplement du marché boursier lorsqu’il est à un sommet historique… pour y revenir lorsqu’il est à un plus bas historique. Ce n’est pas un timing très fin. Mais cela fonctionne.
Prises ensemble, les actions ne valent quasiment jamais vraiment un PER de plus de 20. La seule exception, c’est lorsqu’on a une économie en croissance rapide. On peut alors s’attendre à ce que le flux de revenus augmente.
Si le marché cote plus de 20 fois les revenus, cela dit, il y a probablement plus de chances de baisse que de hausse.
Le PER est une mesure très grossière du marché. Les bénéfices peuvent être définis de plusieurs manières. L’industrie financière préfère les bénéfices attendus que les bénéfices déclarés.
Les bénéfices déclarés eux-mêmes sont sujets à pas mal de manipulations. Lorsque les taux d’intérêt sont artificiellement bas, par exemple, les bénéfices sont plus avantageux. Par ailleurs, les entreprises déclarent souvent des bénéfices pro forma – obtenus en arrangeant les comptes – plutôt que les bénéfices répondant aux normes comptables exigées par le fisc.
Lorsqu’on fait de l’analyse alpha, il faut creuser le bilan comptable et farfouiller jusqu’à comprendre ce qu’il se passe vraiment.
L’analyse beta est différente : on observe l’ensemble du tableau. On peut par exemple examiner la valeur totale du marché par rapport au PIB.
C’est ainsi que Warren Buffett préfère agir. Dans un entretien avec le magazine Fortune en 2001, il déclarait que regarder la capitalisation boursière totale par rapport au PIB était « probablement la meilleure mesure possible de l’état des valorisations à un moment donné ». Cette approche élimine le problème de la manipulation des bénéfices. C’est ma méthode préférée à moi aussi.
On peut également déterminer quand un marché est trop élevé en observant ce que Keynes appelait les « esprits animaux ». C’est une très bonne expression, parce qu’elle va au cœur de la manière dont la plupart des gens investissent vraiment – comme des animaux primitifs… mus plus par la crainte et l’avidité que par des calculs rationnels.
Lorsque les esprits animaux sont lâchés, les marchés – obligations, actions, art contemporain, immobilier – entrent en territoire de bulle. C’est à ce moment-là qu’il faut vendre, plutôt que tenter de détecter le sommet absolu.