Progressivement, la pandémie devrait céder la place dans l’actualité au coût de la crise et à l’impossibilité de financer un modèle social onéreux et peu efficace. Le premier combat sera celui des retraites : attention aux classes moyennes qui devraient trinquer rapidement au nom de la solidarité.
Le Conseil d’orientation des retraites, saisi cet été par le Premier ministre Jean Castex, a mis les pieds dans le plat : le Covid-19 devrait aggraver les déficits sociaux, et particulièrement ceux des régimes généraux de retraites, pourtant arrivés au quasi-équilibre fin 2019.
Les pertes dépasseraient désormais les 25 Mds€, une somme colossale dont on voit mal comment elle pourrait être résorbée sans des mesures douloureuses pour les retraités futurs… et actuels.
Inévitable baisse des retraites
Dans la pratique, il n’y a pas 36 solutions au déséquilibre profond entre les recettes collectées pour financer les retraites et les dépenses consacrées à ce poste.
Puisque notre niveau de dépenses en matière de retraites est le plus élevé d’Europe, et même du monde industrialisé, puisque les taux de cotisations de toute nature sont à la limite du supportable, il faudra bien, tôt ou tard, tailler dans le vif et dégrader les prestations.
C’est le problème avec les chiffres : on peut leur faire dire beaucoup de choses, mais ils sont comme les faits – ils s’entêtent.
S’agissant des retraites, l’entêtement se résume à l’évidence que les retraites sont trop élevées et devront baisser pour juguler des déficits que les générations futures risquent de refuser très brutalement de prendre en charge.
En poussant un peu le bouchon, on pourrait même entendre une proportion importante de jeunes gens considérer aujourd’hui qu’elle n’a pas à sacrifier ses journées pour faire plaisir aux vieux, alors que la maladie épargne largement les nouvelles générations et prélève surtout son tribut parmi les anciens.
Dans ce contexte tendu, peu de gouvernements parviendront à expliquer durablement aux jeunes salariés qu’ils doivent dégrader encore leur niveau de vie pour préserver celui des retraités. Politiquement, nous arrivons au bout d’un cycle : la solidarité intergénérationnelle atteindra tôt ou tard (et de notre point de vue elle les a déjà atteintes) ses limites.
Logiquement, la mesure la plus explicable devrait consister à baisser les retraites dans la même proportion que le PIB, soit 10%.Nous sommes convaincus que, d’une façon ou d’une autre, cette mesure sera prise au plus tard fin 2022. Mais elle suscitera bien évidemment des résistances farouches et, avant de se résoudre à adopter des mesures qui reviennent à baisser les retraites, l’équipe Macron va devoir biaiser.
L’angoisse de Macron face à la gestion des déficits
Pour Emmanuel Macron, ce dossier est bien entendu totalement explosif. Alors que les élections présidentielles approchent à grands pas (18 mois seulement nous en séparent), la situation des comptes publics, qu’il n’a jamais voulu purger en trois ans de présence à l’Elysée, est comme un accouchement par le siège.
Retarder toute reprise en main apparaîtra rapidement comme une faute politique. Mais agir vite risque de compromettre dangereusement sa réélection, tant les Français (et spécialement les retraités) sont farouchement opposés à toute mesure qui réduirait le taux de remplacement des salaires à la retraite.
Si l’on songe au capital politique que le président a laissé dans une réforme « universelle » qu’il a imposée avec une débauche d’énergie impressionnante, mais insuffisante pour rendre la réforme applicable, le chemin qu’il doit désormais parcourir pour rétablir les comptes ne peut que lui apparaître comme un piège mortel.
Il va donc devoir finasser, alors que la France se trouve désormais dans une impasse proche de celle de la Grèce au début de la décennie, avec une dépense retraites qui pèse son âne mort et plombe la compétitivité du pays.
Selon toute vraisemblance, il devrait arrondir les angles – mais poser le principe d’une diminution de la retraite des cadres, actuellement financée et protégée par une AGIRC créée en 1947 par résistance à la Sécurité sociale. La seule marge qui lui reste est de confisquer les réserves des complémentaires et de cibler l’effort sur les classes moyennes.
Les épargnants doivent-ils prendre préventivement le chemin de l’exil ?
Il faut bien comprendre qu’aucune de ces mesures impopulaires ne sera assumée, et les chaînes d’information continueront à diffuser des images de grands procès criminels pour faire écran de fumée et tromper la vigilance du public. Mais, d’ici à la fin 2022, la Commission européenne exigera de la France des mesures de rétablissement qui coûteront cher.
Tant que la pandémie faisait spectacle, le président pouvait amuser la galerie en parlant d’autre chose, ou en agitant les peurs. La réalité va le rattraper, cependant, et on sait déjà qui paiera.
Pour éviter le pire, il n’est pas absurde, surtout si on est en activité, de regarder des solutions d’expatriation, y compris dans des pays européens très agréables – le temps que la France revienne à sa douloureuse réalité.