Par Sylvain Mathon (*)
L’eau sera au cœur de la problématique du "mix énergétique"
Prenez le phénomène économique majeur des cinquante dernières années : l’accélération de la mondialisation. De quoi dépend-elle ? Du transport : faites dépérir cette infrastructure qui permet l’acheminement rapide des personnes et des biens, et la mondialisation des échanges ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Maintenant, de quoi dépend le transport ? Du carburant, si l’on raisonne à long terme ; et, comme je n’ai pas besoin de vous le dire, nos ressources en hydrocarbures s’épuisent à toute vitesse. Reste l’espoir fragile des carburants verts, pour lesquels militent les présidents Bush et Lula. Ces cultures ont connu en l’espace de quelques mois un tel engouement qu’elles sont en train de changer à jamais le visage agricole de la planète. Un peu partout dans le monde, le prix de la terre arable s’envole ; les pays pauvres s’éloignent toujours davantage de l’auto-suffisance alimentaire — mais ils touchent cash les profits de leur reconversion…
Le triste exemple de la Mer d’Aral
Quoi qu’on en pense, dans les années qui viennent, le "mix énergétique" mondial va dépendre de plus en plus de l’agriculture…
Et l’eau est au cœur de la question. Le secteur agricole pèse à lui seul 70% de la consommation mondiale. Les carburants verts ne se feront pas sans eau… et l’exemple de la Mer d’Aral, asséchée en une décennie par l’irrigation massive, nous rappelle qu’il n’y en aura pas pour tout le monde.
Anticipez la montée en puissance du secteur privé
La distribution d’eau dans le monde est encore assurée à 90% par le secteur public. Plus pour longtemps : même si les états rechignent à céder le contrôle d’une ressource aussi vitale à des opérateurs privés, ils n’ont plus le choix face à l’ampleur des problèmes. Il leur faut privatiser et/ou engager des partenariats avec le secteur privé, comme c’est le cas au Maroc.
Ces distributeurs privés sont plus nombreux qu’on ne pense. Il existe plusieurs centaines de prestataires à l’échelle internationale, dont des géants européens comme le Britannique Thames Water, l’Espagnol Aguas de Barcelona ou le Français Veolia.
Une consolidation est inévitable
A ces leaders s’ajoutent une dizaine de milliers de mini et micro-structures dans les pays en développement, qui assurent parfois l’alimentation de quelques centaines de personnes. La configuration du secteur laisse donc encore de la place aux consolidations. On estime que leur chiffre d’affaires va augmenter de 15% par an dans les années qui viennent, pour atteindre 400 milliards de dollars.
Un marché de… 400 milliards de dollars
L’eau est un domaine symbolique et sensible : elle cristallise les débats passionnés sur le rôle des pouvoirs publics. Dans l’esprit de nombreuses personnes, l’eau devrait être gratuite et pour tous — comme l’air que nous respirons. Mais il faut bien comprendre qu’au point de vue technique, les structures nationales sont tout simplement impuissantes à réussir le "pari du millénaire". Elles n’ont pas les moyens d’entretenir ou de développer leur réseau — et pour les observateurs réalistes, il est clair que l’aide publique internationale ne pourra jamais suffire à répondre aux besoins.
Le pari du millénaire
Il faudra donc en passer par les règles du privé : financer l’amélioration du réseau local par des augmentations de tarifs, comme en Chine ou au Maroc, malgré les protestations de la population ; veiller au recouvrement des dettes et à la solvabilité des consommateurs ; sécuriser l’ensemble du système.
Cela ne se fera pas sans heurts : l’un des écueils que rencontrent les distributeurs privés, c’est évidemment leur dialogue parfois difficile avec les politiques. Mais l’urgence de la situation joue en leur faveur : comme le prouve le cours des leaders depuis le début du siècle, il est possible de retrouver sa mise dans le secteur de l’eau, malgré l’ampleur des chantiers et les investissements requis.
D’autant que la demande ne cesse de croître…
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora
(*) Globe-trotter invétéré et analyste averti, Sylvain Mathon, est un peu "notre" Jim Rogers… Après avoir travaillé durant dix ans au service de grandes salles de marché, il met depuis février toute son expertise en matière de finances et de matières premières au services des investisseurs individuels dans le cadre de Matières à Profits — une lettre consacrée exclusivement aux ressources naturelles… et à tous les moyens d’en profiter.
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