** Pour justifier la lourdeur des marchés, les opérateurs ne cessent d’invoquer les incertitudes qui pèsent sur la croissance et la consommation… les derniers développements (financièrement douloureux) de la crise du subprime… l’intransigeance de la BCE — en "alerte maximum" — au sujet de l’inflation… Il faut tout de même reconnaître que l’incapacité des indices à rebondir après huit séances de repli sur une série de 10 constitue un scénario assez singulier.
Ces nuages qui assombrissent l’horizon économique ne viennent pas de surgir de nulle part comme une nuée d’orage tropical en fin d’après-midi alors que règne soudain une moiteur écrasante ; tous ces désagréments et sujets d’inquiétudes sont récurrents depuis février 2007. Ce qui semble avoir vraiment changé, c’est que les investisseurs cessent de les tenir –individuellement ou collectivement — pour quantité négligeable.
Nous ne croyons pas que les gérants d’OPCVM ou les économistes — à l’image des autruches — sortent enfin la tête du sable pour découvrir, ô stupeur, qu’un terrifiant sortilège à provoqué à leur insu un brusque refroidissement climatique qui aurait transformé en quelques heures leur brûlante savane en banquise : ils ont probablement tenu les cours jusqu’au 21 décembre dernier pour sauver le bilan de l’année 2007.
** Les places boursières ont certes connu des à-coups plus brutaux en février puis août dernier… mais la forte décrue des actions avait été émaillée de sursauts spectaculaires.
Rien de tel ne se dessine depuis le 28 décembre dernier : chaque rebond technique donne aussitôt lieu à de nouvelles vagues de liquidations de portefeuilles, les gérants faisant preuve d’une aversion au risque qui n’avait pas atteint de tels sommets depuis cinq ans et demi.
Ce type de consolidation "obtuse" caractérise le plus souvent des marchés baissiers. Il ne s’agit que de la contrepartie d’épisodes haussiers qui ont atteint jusqu’à 12 ou 13 séances d’affilée (sans le moindre pullback) ces deux dernières années.
Les traders "purs" (qui font délibérément abstraction de leur opinion personnelle au sujet de l’inflation, de la croissance ou de la désagrégation du dollar sous les 1,48 euros) se laissent porter par la tendance. Plus les séquences de hausses ou de baisses s’allongent, plus la probabilité est forte de voir le mouvement initial — contraction des cours depuis mi-juillet — se perpétuer.
C’est peut-être ce qui explique que les vendeurs n’ont pas jugé opportun de prendre de positions contrariennes à la veille du week-end, et laissent courir leurs gains à la baisse. La toile de fond géopolitique et les tensions américano-iraniennes incitent également les acheteurs à s’abstenir de prendre des risques inconsidérés, en anticipation d’un rebond.
** Le CAC 40 a légèrement réduit ses pertes en fin de séance ce vendredi. L’indice n’a toutefois pas bénéficié d’un petit "coup de reins" au moment du fixing comme il s’en produit parfois à la veille du week-end lors de rachats de shorts.
Le marché parisien abandonne donc 0,54% et affiche un score hebdomadaire de -1,38% après -3,2% la semaine passée… Le bilan annuel ressort déjà négatif de 4,3%.
Le CAC 40 enfonce ainsi son plancher de clôture du 21 novembre 2007, inscrit à 5 381, après avoir testé 5 350 points à la mi-journée vendredi : il s’agit d’un plus bas intraday depuis le 21 août 2007.
** Comme les opérateurs le redoutaient, Wall Street a terminé en net repli. Le Dow Jones creusait ses pertes à 1,92%). Le Nasdaq 100 cédait lui aussi 1,92% à 1 941 points — ce qui portait son repli hebdomadaire à -2,5% — dans le sillage de Juniper Networks (-15%), Broadcom, Garmin, Research In Motion ou Cognizant (en baisse de 6% à 8%).
La tendance outre-Atlantique est plombée par la perte colossale de 15 milliards de dollars subie par Merrill Lynch, découlant de son exposition sur le compartiment des prêts hypothécaires américains. La première banque d’affaire américaine pourrait donc devoir ouvrir encore plus largement son capital à certains fonds souverains étrangers.
De son côté, le géant helvétique UBS a déclaré s’attendre à un exercice difficile en 2008, avouant son incapacité à prédire avec exactitude l’évolution future du marché américain du crédit.
American Express (-10% à 44 $) a pour sa part averti les investisseurs que son bénéfice par action (BPA) serait de 0,72 $ au quatrième trimestre, là où les analystes attendaient 0,86 $… La direction du groupe note par ailleurs un fléchissement de son activité (services aux particuliers et aux entreprises) qui préfigure une année 2008 plus difficile.
La saison des trimestriels concernant le quatrième trimestre 2007 et l’ensemble de l’exercice clos le 31 décembre s’inaugure sur une série de profit warnings qui annonce une rafale d’abaissements de recommandations de la part des cabinets d’analyse.
Sur le front des statistiques, le déficit commercial américain s’est fortement creusé (de plus de 9%) au mois de novembre, à 63,1 milliards de dollars. Parallèlement, la facture pétrolière s’est alourdie de 10% avec un cours moyen du baril frôlant les 80 $, tandis qu’une moyenne de 90 $ se profile en décembre.
** Mais la Fed — nous l’expliquions vendredi — se préoccupe peu du risque inflationniste associé au pétrole. Ben Bernanke a confirmé jeudi soir que les taux seront abaissés de façon volontariste et autant de fois que nécessaire pour relancer la croissance aux Etats-Unis.
La BCE ne se préoccupe à l’inverse que de la dérive des prix et souhaite même "l’élimination" de tout principe d’indexation des salaires sur l’inflation dans l’Eurozone. Exprimé plus clairement, cela signifie que la relance de l’économie par la consommation et le pouvoir d’achat serait à proscrire (imaginez le taux de rejet du traité de Maastricht si les citoyens européens avaient pu lire ce genre de profession de foi avant la création de la Banque Centrale Européenne).
Mais quand bien même elle déciderait de relever son taux directeur à 4,25% (tandis que la Fed réduirait le sien à 3,5% d’ici la mi-mars), obtiendrait-elle que l’inflation recule ? Aujourd’hui, tout dépend des coûts de production en Chine ou en Inde et de la modération de la flambée des matières premières, qui deviennent un enjeu géostratégique majeur.
Dans ces conditions, l’once d’or profitait de la faiblesse du dollar et de la hausse de l’inflation pour inscrire un record historique de 900 $ l’once tout rond… Cela a permis à Harmony Gold d’afficher le plus beau gain hebdomadaire du SRD (+10%), devant Dexia, Anglogold (+8,5%) et le non moins défensif titre Sanofi-Aventis (+7,15%).
<a href="https://la-chronique-agora.com/redacteurs/PhilippeBechade.html" target="_blank" title="Philippe B