La dernière évolution de la loi antitrust place directement Facebook, Google et Amazon dans le viseur du gouvernement américain. Pourquoi exactement, et qu’est-ce que cela implique pour l’investisseur ?
Facebook, Google, Amazon et autres géants des technologies se servent des informations personnelles fournies gratuitement par les utilisateurs (anniversaires, taille du foyer, résidence, intérêts, hobbies, amis, préférences d’achat, etc.) pour développer des profils approfondis de chaque utilisateur.
Ces profils sont ensuite groupés par habitudes et centres d’intérêt communs, puis les données sont exploitées à l’aide de l’intelligence artificielle. Cette base de données densément interconnectée est ensuite vendue aux publicitaires et développeurs d’applications qui ciblent le public à l’aide d’argumentaires conçus sur mesure, vantant toujours plus d’applications, jeux, biens de consommation, services de transport et autres produits « gratuits ».
Le premier résultat obtenu est un bombardement sensoriel, conçu pour être addictif, via lequel les consommateurs ne cessent de cliquer ou de tapoter sur des écrans, au détriment d’interactions humaines équilibrées.
Surveillance et non-respect de la vie privée
Il y a plus grave. Les profils sont vendus à des gouvernements étrangers, qui les associent à la reconnaissance faciale et autres outils de surveillance, en vue d’arrêter des dissidents politiques et de réprimer l’opposition.
Dans certains cas encore plus extrêmes, les profils personnels détenus par les grandes entreprises technologiques sont reliés à des informations volées via le piratage de dossiers administratifs de certains Etats afin d’identifier des agents du renseignement qui sont ensuite arrêtés, torturés et tués.
Si l’on ajoute le coût social dissimulé de ces logiciels addictifs, marketing débridé, surveillance gouvernementale et comportements totalitaires, les produits des géants technologiques n’ont rien de gratuit. Ils sont redoutables. Le consommateur n’en est pas le bénéficiaire mais la victime.
En dehors de potentielles infractions au titre de l’antitrust, les grandes entreprises technologiques sont attaquées par les gouvernements, partout dans le monde, pour toutes sortes d’abus émanant essentiellement de l’intrusion dans la vie privée des utilisateurs et du détournement de données-clients.
L’un des exemples les plus scandaleux de détournement de données-clients a été décrit dans un article du New York Times paru le 13 juillet 2019 :
« Des dizaines de bases de données contenant les visages d’individus ont été compilées sans qu’ils le sachent par des sociétés et des chercheurs, un grand nombre de ces photos étant ensuite partagées dans le monde entier, au sein de ce qui est devenu un vaste écosystème alimentant la propagation de la technologie de reconnaissance faciale.
Les bases de données sont constituées à partir de photos provenant des réseaux sociaux, de sites de photos, de sites de rencontre comme OkCupid et de caméras disposées dans des restaurants et sur des sites universitaires. Si le compte exact des ensembles de données n’est pas connu, les défenseurs de la vie privée ont mis le doigt sur des bases créées par Microsoft, l’université de Stanford et d’autres, l’une d’entre elles contenant plus de dix millions de photos, et une autre deux millions…
Les géants des technologies tels que Facebook et Google ont très probablement amassé de vastes ensembles de ‘données faciales’, qu’ils ne distribuent pas, selon les rapports d’étude.
Mais d’autres entreprises et universités partagent largement leurs précieuses collections d’images avec des chercheurs, gouvernements et entreprises privées en Australie, Chine, Inde, à Singapour et en Suisse pour alimenter l’intelligence artificielle, d’après des universitaires, activistes et certains journaux. »
L’intrusion dans la vie privée résultant de la collecte de photos de visages est déjà bien assez perturbante. Ce qui l’est encore plus, c’est la façon dont ces données sont utilisées. Certains collecteurs de photos de visages collaborent avec le gouvernement communiste chinois et notamment l’université nationale de technologie de défense.
C’est bien connu, le gouvernement chinois utilise les logiciels de reconnaissance faciale pour identifier et arrêter des dissidents. Dans de nombreux cas, ces horreurs et ces oppressions ont débuté grâce à des applications « gratuites » que les utilisateurs étaient contents de télécharger sur leurs smartphones.
Google est-il infiltré par les renseignements chinois ?
Le fait que Google aurait accepté de collaborer dans une certaine mesure avec l’appareil de sécurité de l’Etat communiste chinois tout en refusant, dans le même temps, de travailler avec le département de la Défense américaine en raison de protestations émanant d’un petit nombre d’ingénieurs et d’employés, représente un autre événement inquiétant.
Des doutes ont également surgi concernant le fait que Google pourrait être infiltré par des espions communistes chinois exerçant des fonctions de développeurs. Ce type d’espionnage pourrait entraîner la création de « back doors » [NDLR : des failles de sécurité] dans les énormes ressources de données personnelles et informations sensibles liées à la sécurité détenues par Google.
Dans une interview du 15 juillet 2019 organisée par Axios et diffusée sur CNBC, Peter Thiel, le co-fondateur de PayPal et de Palantir, a commenté la situation de Google :
« Dimanche, l’investisseur milliardaire Peter Thiel a déclaré que le FBI et la CIA devraient enquêter afin de déterminer si Google avait été infiltré par les renseignements chinois…
Selon Axios, Thiel, membre du conseil d’administration de Facebook, s’exprimait lors de la National Conservatism Conference, à Washington (DC), et son discours s’est axé sur trois questions à poser au géant des technologies.
[Question] n°1 : combien de services du renseignement étrangers ont infiltré votre Projet Manhattan consacré à l’IA (intelligence artificielle) ? aurait demandé Thiel.
Question n°2 : Est-ce que la direction de Google se considère elle-même totalement infiltrée par les renseignements chinois ?
Il a déclaré que ces questions devaient être posées par le FBI et la CIA. Thiel a également attaqué Google, propriété d’Alphabet, pour ses travaux en Chine.
Question n°3 : est-ce que c’est parce qu’ils se considèrent eux-mêmes à ce point infiltrés qu’ils ont pris la décision, s’apparentant à une trahison, de travailler avec l’armée chinoise et non avec l’armée américaine ? »
Nous verrons la suite dès demain.