Une nouvelle crise du crédit subprime couve en Australie. Si les prix de l’immobilier chutent, le système bancaire australien peut contaminer le reste du monde.
Vous souvenez-vous de l’époque où les crédits subprime ne représentaient qu’un petit problème d’une obscure partie du marché américain des prêts hypothécaires ? Puis, tout est parti en vrille.
Nous assistons aujourd’hui à un scénario similaire. De prime abord, il semble s’agir d’un petit problème dans une partie obscure du marché australien des prêts hypothécaires. Le hic, c’est qu’il n’est pas petit… et que les banques australiennes pourraient potentiellement être à l’origine d’une épidémie mondiale du fait de leur dépendance aux financements étrangers.
Pour la faire courte, les créanciers australiens n’ont pas tenu compte des normes encadrant le crédit. En Australie, si vous n’avez pas le revenu nécessaire pour acheter un bien immobilier, votre courtier en prêts hypothécaires se contente d’ajouter un « 1 » en face de votre revenu sur les documents officiels. Vous pouvez alors vous offrir la maison de vos rêves avec votre revenu supplémentaire de 100 000 $ – du moins pour ce qui concerne la banque. Parfois, les courtiers utilisent même un stylo de couleur différente lorsqu’ils effectuent leurs modifications.
Le formulaire de demande de prêt sera alors envoyé à la banque, où des gens qui ne parlent pas un traître mot d’anglais vérifient que tout est bien en ordre. Une banque a même confirmé qu’elle ne contrôlait pas les demandes des courtiers en prêt hypothécaire, parce que cela serait « trop complexe, prendrait trop de temps et coûterait trop cher. » Elle n’a pas pensé à embaucher de la main-d’oeuvre étrangère bon marché comme ses concurrents. Trop honnête, je suppose.
Si, malgré les ajustements apportés par le courtier, l’emprunteur n’obtient pas son prêt, le banquier rappelle le courtier pour l’inciter à effectuer des « modifications » supplémentaires sur les papiers… et lui demande pourquoi il n’a pas manipulé le formulaire comme la banque le lui avait demandé en premier lieu. Autres solutions possibles : ajouter le revenu imaginaire du conjoint et signer à la place des demandeurs.
Ou encore mieux, les banquiers pourraient tout faire eux mêmes. Un banquier a exigé des frais de 2 800 $ pour fournir de faux documents, ce qui est ironique étant donné la confiance que les banques accordent à ces informations. Ce système de corruption contamine plusieurs filiales de la banque. Il est tout aussi inutile étant donné l’absence de vérification au niveau du back-office.
Ce genre de détails ont été révélés au grand public à l’occasion d’une commission d’enquête royale sur le secteur bancaire australien. Sans compter le nombre incalculable de procès depuis 2006. Il s’agit donc d’informations publiques et vérifiées.
Ironiquement, il est prévu de resserrer des standards de crédit qui sont ouvertement ignorés. C’est comme fermer la porte d’une écurie sans murs.
La question clé est bien sûr de savoir à quel point cette pratique est courante. Mais cela reste très difficile à établir.
Imaginez revenir sur le document de demande de crédit d’un emprunteur établi il y a déjà quelques années et essayer de le comparer à sa situation financière de l’époque. Il faudrait consacrer des heures à chaque cas, en supposant que les banques daignent fournir l’information… ce à quoi elles ont tendance à opposer une certaine résistance au travers de moyens étonnamment créatifs.
Aux Etats-Unis, une analyse comparant les déclarations d’impôts aux formulaires de demande de crédit a fait ressortir d’importantes différences entre les revenus. Mais ce genre d’étude n’a pas été menée en Australie.
Par conséquent, les estimations qui permettraient de connaître l’ampleur du problème reposent uniquement sur des enquêtes. Or celles-ci varient énormément.
Je pense que le problème est suffisamment important pour provoquer un krach majeur du système financier australien. Un krach qui deviendra mondial.
Ce ne sont pas seulement les normes encadrant le crédit qui sont douteuses. Après 26 années de beau fixe, l’économie australienne ne sait plus vraiment ce qu’est une récession… ce que reflètent les habitudes de prêts.
Un professeur d’une grande université australienne a récemment fait remarquer que les banques australiennes prêtent 25% plus que les banques américaines à des clients comparables, souvent sur la base d’informations falsifiées et imprécises. Les prêts à différé d’amortissement représentent 40% des prêts pour certaines banques.
D’ici les trois prochaines années, une part importante de ces prêts à différé d’amortissement reviendront à des taux d’intérêt plus élevés. C’est ce qui a cassé le marché du crédit immobilier américain en 2006.
L’effet de contagion est assez fulgurant. Les banques australiennes reposent sur des financements étrangers. C’est une épée à double tranchant.
D’abord, cela signifie que tout problème dans le système bancaire australien se propagera hors du pays.
Deuxièmement, les sources de capitaux étrangers pourraient s’assécher au moindre signe de problème, ce qui empirerait fortement la situation.
Si l’on additionne l’effet de spirale de ces deux éléments, on ne peut que constater que l’Australie et ses financiers étrangers ont de gros problèmes.
L’effet de camouflage de la hausse des prix immobiliers
Pourquoi diable les prêteurs australiens se comportent-ils si mal ? Parce que tant que les prix de l’immobilier montent, c’est un scénario gagnant-gagnant-gagnant.
Le prêteur a une valeur de nantissement en hausse, ce qui réduit le risque de la proposition de prêt. Peu lui importe si l’emprunteur fait défaut puisqu’il peut exiger un bien immobilier qui vaudra plus que l’hypothèque.
Des emprunteurs inconscients tirent des profits d’emprunts qui leur sont inabordables. Le temps qu’ils vendent ou fassent l’objet d’une saisie immobilière, la hausse des prix de l’immobilier leur apporte un gain inespéré.
Les péchés des courtiers hypothécaires restent cachés parce que leurs pratiques douteuses ne sont jamais découvertes.
Ce n’est que lorsque les prix immobiliers chutent que toute l’histoire est dévoilée au grand jour.
Tout à coup, le risque de prêt est déterminé par le risque de défaut, non par le risque de nantissement. La probabilité de défaut est ce qui importe lorsque la valeur du nantissement diminue.
Les emprunteurs se retrouvent sous l’eau, encore endettés même après avoir vendu leur maison.
Et c’est là que sont exposées au grand jour les manipulations des courtiers hypothécaires.
Mais voilà le plus beau – ce qui rend l’Australie unique et particulièrement risquée pour le système financier mondial : si un emprunteur peut prouver qu’il est victime de ces pratiques, il peut annuler l’emprunt et garder son bien immobilier. Vous avez bien lu, une maison gratuite.
Cela signifie également que la banque doit effacer toute la dette, ce qui représente une grosse perte. Ce n’est pas ainsi que se sont déroulées les choses aux Etats-Unis, où l’emprunteur prenait la perte à sa charge.
Le problème auquel doivent faire face les banques australiennes est par conséquent d’une ampleur beaucoup plus grande que celui auquel les banques américaines ont été confrontées en 2008.
Une fois que les marchés s’en rendront compte, ils réagiront très mal au moindre signe de chute des prix immobiliers en Australie.
Le monde est sur le point de découvrir qui s’est baigné nu dans le marché immobilier australien. Et cela pourrait bien déclencher une panique qui gagnera le monde entier.
4 commentaires
Selon votre graphique il n’y a pas de bulle immobilière en Australie depuis 2001 mais une baisse de plus de 4%…
@Silvere je pense qu’il s’agit de l’évolution de l’indice par rapport à l’année précédente et ce depuis 2001.
À bon entendeur
@Silvere : heu non il s’agit d’un graphique montrant l’évolution en % de l’indice d’une année sur l’autre.
J’ai vérifié par ailleurs et il y aurait bien une forte hause de l’immobilier depuis 3 ans mais ce
graphique est faux ou pas clair du tout…