Sur quoi fonder une stratégie d’investissement durable et adaptée au XXIème siècle ? Sur un retour à la normale de ce qui est anormal.
Nous avons vu précédemment l’idée de « retour à la moyenne » et la stratégie reposant sur acheter ce qui était historiquement très bas pour vendre ce qui est historiquement très haut.
Les marchés actuels sont tout sauf normaux.
Dans cette partie, nous allons développer une boussole… pour nous aider à déterminer où nous nous trouvons et où nous allons.
Sur la planète Terre, nous pouvons nous orienter grâce au nord magnétique. Pour l’investissement, c’est la force la plus fiable de la finance – le retour implacable à la « normale » – qui nous sert de nord magnétique.
Et dans notre quête de la normale, nous sommes peut-être tombé, presque par hasard, sur ce qui pourrait être la Transaction de la Décennie. Nous allons y revenir.
Retour à la moyenne
Comme le décrivent les économistes, le retour à la moyenne consiste simplement à reconnaître la tendance qu’ont les choses à rester dans un canal que nous définissons comme « normal ».
Les arbres n’atteignent pas 3 000 m de haut. Les gens ne courent pas à 160 km à l’heure. On n’a rien sans rien.
Cette normale existe parce que les choses tendent à suivre certains schémas, formes et enchaînements familiers.
Lorsque les gens sortent le matin, ils savent généralement s’il faut porter un manteau d’hiver ou un short. La température n’est pas de 45°C un jour et 0° le lendemain.
Evidemment, de temps en temps, des choses bizarres se produisent. Et parfois, les choses changent de manière fondamentale. Mais généralement, quand les gens disent « cette fois c’est différent »… c’est qu’il est temps de parier sur « la normale ».
Ce phénomène – le retour à la moyenne – a été soigneusement testé et étudié dans le monde de l’investissement. Il semble être applicable à tout ou presque – les actions, les obligations, les stratégies, les marchés, les secteurs… et ainsi de suite.
Mais avançons. Qu’y a-t-il d’inhabituel dans le graphique ci-dessous ? Qu’y a-t-il de si anormal que la moyenne est susceptible de se retourner contre lui ?
Vous noterez que la dette mondiale n’était que de 30 000 milliards de dollars en 1994. A présent, elle se monte à 230 000 milliards de dollars. Ces 200 000 milliards de dollars de crédit supplémentaire sont probablement le tourbillon qui a envoyé les valeurs dans la stratosphère, dans le haut du graphique à droite.
Ces coups de vent ont fait grimper les actions et autres actifs à des sommets jamais vus auparavant. Le Dow a dépassé les 26 000 points. Des maisons ont été mises sur le marché à plus de 100 M$. L’or a dépassé les 1 900 $ l’once.
Mais alors que les actions et les obligations semblent avoir le vent en poupe, on dirait que ce même vent souffle en pleine face de l’économie… rendant son avancée quasi-impossible.
L’économie réelle – telle que décrite par le PIB au bas du graphique – s’est développée de manière assez normale, mais à un rythme de plus en plus lent.
Son augmentation régulière et laborieuse ne donne aucune indication du chaos qui se déroule au-dessus d’elle. L’économie réelle et le monde financier sont aussi différents que l’oeil d’un cyclone et les nuages d’orage qui tourbillonnent au-dessus de lui.
On remarque une autre chose : jusqu’au milieu des années 90… puis à nouveau entre 2008 et 2012… l’investisseur moyen n’a en fait rien obtenu pour compenser le risque additionnel qu’il y avait à mettre son argent dans les actions (le graphique ci-dessus comprend les dividendes). Il aurait aussi bien pu laisser son argent dans les bons du Trésor US.
En théorie, il est censé pouvoir gagner du rendement – par rapport au cash pur – en prêtant son argent au gouvernement américain (si l’on prend le bon du Trésor US à 10 ans comme point de référence). Il devrait gagner plus encore – une prime (c’est-à-dire plus que ce qu’il gagnerait grâce à des T-Bonds sans risque) – en investissant dans les actions. Cette prime est censée le rémunérer pour le risque de voir ses actions baisser à un moment qui ne lui convient pas.
En pratique, nous découvrons que les bons du Trésor « sans risque » lui ont rapporté moins que rien. Il a gagné moins sur les bons du Trésor américain que ce que l’or (qui ne verse aucun intérêt) lui aurait rapporté – sur toute cette période de 48 ans.
Les actions, parallèlement, ne lui ont rien rapporté pendant les 24 premières années. Après quoi elles ont explosé à la hausse, avec la dette, jusqu’à ce que la crise financière les remette en ligne avec l’or.
En 2008, l’investisseur moyen gagnait à nouveau moins sur les actions – en dépit de tous les risques et problèmes liés à l’investissement boursier – que sur l’or. Cela a continué ainsi jusqu’en 2012, quand ses investissements en actions ont grimpé en flèche.
Mais il y a un moment pour investir en actions… et un moment pour en sortir. Sans être extra-lucide, on peut tout de même détecter quand une chose n’est pas normale. Et lorsqu’une chose n’est pas normale… c’est qu’elle attend simplement de le redevenir.