▪ Nous abordons aujourd’hui le dernier épisode de notre série sur le paysage macro-économique actuel. Notre point de vue, comme nous l’avons expliqué, n’est pas celui de Janet Yellen ou Paul Krugman. Nous sommes une minorité. Aucun Prix Nobel ne nous a été attribué et aucune banque centrale ne suit nos recommandations (quand bien même la banque centrale allemande semble assez favorable à nos idées…).
Cela ne signifie pas pour autant que notre avis vient de nulle part. Pas du tout. Il est basé sur des centaines d’années de réflexion de la part d’économistes classiques et de "l’école autrichienne". Il est également soutenu à la fois par l’expérience et l’intuition. Il s’appuie notamment sur des principes qui n’ont jamais été réfutés. "On ne peut avoir quelque chose en l’échange de rien", par exemple. Ou bien "un sou est un sou".
La plupart des économistes modernes ne croient à rien de tout ça — du moins pas appliqué à une économie entière. Vous rappelez-vous de notre définition de l’argent ? Ce dernier doit s’appuyer sur quelque chose de réel… de l’épargne réelle, du labeur réel, des ressources réelles… sans quoi il ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé. Ce n’est rien de plus qu’une contrefaçon. Pourtant, quand une banque centrale se lance dans le quantitative easing — par le biais duquel elle achète des actifs avec de l’argent créé spécifiquement dans ce but — elle essaie d’obtenir quelque chose en l’échange de rien. La Fed n’a ni épargne réelle ni argent réel. Son "argent" est créé exactement comme celui d’un faux-monnayeur. Et il a tout autant de valeur ! Il circule dans l’économie comme du vrai argent.
▪ Le "paradoxe de l’épargne" n’en est pas un
La plupart des banquiers centraux (et la plupart des économistes, d’ailleurs) croient également au "paradoxe de l’épargne". Epargner est peut-être bon pour un individu, disent-ils, mais c’est mauvais pour une économie entière. Plus les gens épargnent, moins ils dépensent ; moins ils dépensent, moins il y a de croissance menée par la consommation et nourrie par la demande.
Il n’y a pas de paradoxe. Epargner est sain… pour les individus comme pour les groupes |
Sottises ! Il n’y a pas de paradoxe. Epargner est sain… pour les individus comme pour les groupes. Les économies ne deviennent pas plus solides quand on dépense ; elles deviennent plus riches lorsqu’on épargne. C’est le processus d’épargne et d’investissement dans les biens productifs qui rend les dépenses possibles, non l’inverse. Plus il y a d’épargne, plus une société a de capitaux qu’elle peut utiliser pour augmenter la production et s’enrichir. Ensuite elle peut dépenser.
Vous vous demandez peut-être pourquoi tant d’économistes modernes croient des choses si clairement fausses. C’est probablement parce qu’il est dans la nature humaine de vouloir contrôler les choses — même quand ce contrôle engendre des résultats négatifs. L’économiste "moderne" propose de gérer l’économie… de la sauver de ses crises occasionnelles… et d’améliorer la production globale en modérant les retournements cycliques. En retour, il gagne du statut, de l’argent, des prix professionnels, des articles dans de grands journaux… et de temps en temps, il se retrouve même en couverture du TIME.
▪ Cas d’école : le secteur du pétrole
Ce qui se passe en réalité peut être constaté en jetant un coup d’oeil au secteur énergétique actuel. Les taux ultra-bas de la Fed ont signalé aux producteurs que les capitaux étaient abondants et bon marché. Alors pourquoi ne pas les utiliser pour produire du pétrole ? Les extracteurs ont emprunté environ 500 milliards de dollars à ce jour, utilisant l’argent pour forer des trous un peu partout. Ils ont aussi embauché — nous avons vu passer un chiffre suggérant que la quasi-totalité des nouveaux emplois créés aux Etats-Unis depuis 2008 étaient liés au boom de l’énergie. Suite à quoi les commentateurs ont commencé à parler du nouveau boom pétrolier… et comment il créerait toute une renaissance industrielle aux Etats-Unis. Avec des prix de l’énergie moins chers, mille fleurs commerciales étaient censées éclore.
Que s’est-il passé ? Les fleurs se sont flétries. Le prix du pétrole s’est effondré, sapant le nantissement du secteur. Soudain, il semble qu’une bonne partie de la dette énergétique subprime est en train de couler. Cela marque la fin du boom des dépenses d’investissement qui colorait tout le conte de la "reprise".
Mais regardez ce qui se passe lorsqu’on met le doigt dans l’engrenage du mensonge. Les médias nous disent que les consommateurs ont changé leurs habitudes. Ils s’adaptent à la baisse du prix du pétrole. Nombre d’entre eux achètent à nouveau des voitures consommant beaucoup. D’autres réduisent leurs achats d’isolation, de panneaux solaires et autres mesures d’économies d’énergie.
Quelle tapisserie compliquée Mme la Fed a manigancé ! Tout le tissu de la société moderne a été modifié par ses ruses |
Quelle tapisserie compliquée Mme la Fed a manigancé ! Tout le tissu de la société moderne a été modifié par ses ruses.
Attendez une minute… et si le prix du pétrole remontait ? Si — comme les marchés boursiers — il n’avait baissé que parce que le marché était manipulé ? S’il n’était plus bas que pour une mauvaise raison — parce que le prix des capitaux a été artificiellement abaissé par la banque centrale ?
▪ Une bulle après l’autre
Si c’est le cas, vous pouvez vous attendre à voir le pétrole remonter avant longtemps. A ce moment-là, de nombreux producteurs auront été acculés à la faillite par les prix artificiellement bas. Et les prix bas auront poussé nombre de consommateurs dans une position où ils se trouvent vulnérables à des prix plus élevés. Les banques centrales auront nui à la fois aux producteurs et aux consommateurs.
Depuis 1987, les banques centrales — menées par la Fed — ont gonflé une bulle après l’autre. La Bulle finale… la bulle mastodonte, celle du crédit lui-même… se développe encore. Si notre analyse macro est la bonne, les banques centrales continueront à gonfler cette bulle aussi longtemps qu’elles le peuvent. Ensuite, elle explosera.
Bien entendu, nous n’avons aucun moyen de savoir si nous avons tort ou raison. Tout de même, les investisseurs devraient se méfier des historiques de performances basés sur les 30 dernières années : elles ont vu une gigantesque augmentation du crédit. Ils devraient aussi se méfier de toute projection de performances futures basée sur ces années.
Enfin, ils devraient se tenir sur leurs gardes. Ils ne veulent pas être pris au dépourvu s’il s’avère que nous avions raison et que la bulle du crédit finit par exploser.