▪ Riche cet été, ça vous dirait ? Et encore ce ne serait qu’un début… Vous avez déjà compris là où je veux en venir : le recul de l’or est une aubaine. Si vous faisiez partie des hésitants du grand train de l’or — ceux qui restaient nerveusement à quai en pensant qu’il était trop tard pour embarquer –, prenez votre billet et n’hésitez plus à vous trouver une petite place.
Le train va bientôt s’ébranler en direction des 1 700 $ l’once et cette destination intermédiaire devrait être atteinte cet été.
Si mes pronostics sont exacts, il n’y a pas que l’once d’or en dollar qui va progresser. Les minières et l’argent devraient connaître également une belle hausse si le taux de croissance mondiale résiste.
Les marchés sont toujours enivrés par la fausse monnaie abondamment prodiguée. Pour le moment n’est perceptible que le premier effet pervers, celui que nous avions prévu de longue date : la hausse des matières premières. Cette envolée des matières premières, et surtout des denrées agricoles, a provoqué des révoltes en Turquie et en Egypte.
L’instabilité en Egypte peut à son tour enflammer les cours du pétrole. Qui dit pétrole cher dit contamination aux autres matières premières puisque tout bien tangible ne s’obtient qu’au prix d’une consommation d’énergie (même un esclave doit être nourri).
▪ La croissance américaine se confirme illusoire
Des taux d’intérêt réels négatifs, 1 000 milliards de dollars de déficit et toujours pas de croissance de l’emploi. "Ah pardon", me dites-vous, fidèle lecteur de la presse économique et financière, "n’avez-vous donc point lu que le chômage américain était en recul de 9,4% à 9%. Toujours votre agaçante sinistrose".
Certes, la belle affaire ! Voyons un peu comment cela s’est passé.
En principe, pour que le taux de chômage diminue, il faudrait que des emplois soient créés. Des emplois en nombre supérieur au nombre d’entrants sur le marché de l’emploi (les jeunes) ou d’emplois laissés disponibles par les sortants (les retraités). Les magiciens du Bureau of Labor Statistics ont cependant réussi un formidable tour de passe-passe : le nombre d’emplois créés en janvier est dérisoire (36 000, contre 146 000 attendus) mais le chômage baisse. Pour expliquer la faible croissance de l’emploi, l’organisme accuse… la météo.
De terribles tempêtes de neige ont paralysé une partie de l’activité économique. Le chômage a baissé parce que 250 000 chômeurs en fin de droits ont été rayés des listes en décembre. Pour revenir à un niveau de 5% de chômage d’ici à cinq ans, l’économie américaine devrait pouvoir créer près de 300 000 emplois par mois.
En attendant cet instant de vérité, je ne peux que vous conseiller de conserver le plus grand sens critique possible sur tout ce que vous lisez. La presse économique et financière a pour rôle de maintenir la confiance, carburant indispensable à l’économie du crédit. Carburant d’autant plus indispensable que ladite économie est moribonde.
De mon côté, je me vaccine en lisant les très solides bulletins du Shadow Government Statistics, publiés par mon confrère John Williams d’American Business & Analytics Research. Chaque bulletin se termine par cette phrase : "la réalité qui se dévoile est l’intensification d’une récession en double-creux et des problèmes d’inflation plus graves que ceux qui sont généralement anticipés par les marchés financiers ; attendez-vous à ce que les indicateurs pointent vers plus d’inflation que prévu et une activité économique plus faible que prévu. De plus en plus souvent, les révisions devraient faire apparaître des faiblesses auparavant masquées".
Après des dépenses de relance équivalentes à une économie de guerre (la dette et le déficit budgétaire atteignent ceux qui prévalaient durant la Deuxième guerre mondiale), l’économie américaine patauge. Non seulement, le niveau de l’emploi est au niveau de 2009, mais aucune tendance de croissance vigoureuse n’est décelable. Alors quel rapport avec l’or ?
De quoi largement justifier QE3, QE4, QE5… Chaque QE signifiant quantitative easing, la politique monétaire qui consiste à imprimer du dollar à partir de rien.
A moins que, comme le dit joliment mon collègue Philippe Béchade, "le dollar n’ait auparavant explosé en vol". Auquel cas, bien sûr, l’or arrivera à des niveaux jamais imaginés, de multiples experts surgis du néant se pavaneront à la télévision en expliquant que toute monnaie doit être adossée à quelque chose d’autre que des chiffres et des statistiques sortis de l’imagination d’économistes à l’esprit embrumé et je retournerai au fond de mon bunker — le sentiment du devoir accompli — en vous ayant préalablement hurlé "vendez !"
Nous verrons la suite dès demain…
[Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par les investissements "tangibles" et c’est ce qu’elle met chaque semaine au service des abonnés de L’Investisseur Or & Matières. Elle est rédactrice en chef du magazine MoneyWeek, et analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances, dont cet article est extrait.]