▪ Votre correspondante a les yeux ouverts depuis trois heures du matin. L’air conditionné ronronne et souffle, couvrant vaguement les sirènes de police qui couinent au bas de l’immeuble. Des travaux sont en cours dans la rue — toute la nuit, pelleteuse et coups de pioche ininterrompus. En arrière-plan du clocher de l’église que je vois depuis ma fenêtre, Baltimore scintille et palpite.
Un paysage digne d’un film hollywoodien… mais bien trompeur sur la réalité de la situation de la ville. Derrière ses hautes façades de brique brune, Baltimore est l’une des cités les plus dangereuses des Etats-Unis, avec 419 crimes au mile², contre un chiffre médian de… 39 crimes au mile² pour l’ensemble des Etats-Unis.
Chômage, violence, appauvrissement… Baltimore n’est pas la pire ville des Etats-Unis — il y a fort à parier que c’est même un paradis comparé à Detroit, par exemple –, mais elle symbolise assez bien le chemin que semble prendre le pays, en dépit des statistiques mirobolantes et des discours flamboyants.
▪ Se pourrait-il que l’Europe en suive les traces ? Il y a certes de grandes différences de culture et de politiques appliquées… mais pas tant que ça, somme toute — et encore moins maintenant que la BCE prend le relais de la Fed pour tout ce qui est crédit facile, assouplissement quantitatif et autres mesures de relance d’une efficacité… toute relative.
Simone Wapler expliquait la situation vendredi dans La Stratégie de Simone Wapler :
"[…] pour ‘faire’ de la croissance, notre grand Mario avait prévu le truc suivant. Vous êtes un banquier empêtré avec quelques créances pourries, des portefeuilles de prêts sur lesquels les taux de défaut augmentent vertigineusement, qui commencent à sentir sacrément mauvais ; même les inspecteurs de la BCE chargés de la revue de qualité des actifs sont obligés de porter des combinaisons de décontamination et des masques à gaz pour les approcher".
"Vous allez trouver l’ami Mario et il vous échange vos sacs poubelles contre des sacs d’argent tout propres tout frais. Une seule condition : vous devez prêter à de belles entreprises qui ont de beaux projets de croissance. Donnant-donnant, qu’il a dit le grand Mario".
Tout ça c’est très bien… sauf qu’il y a, pour parler poliment, une mouche dans le potage que nous sert la BCE :
"Il faut que vous trouviez des chefs d’entreprise qui veuillent bien emprunter pour un super beau projet d’investissement génial qui va créer plein d’emplois et faire que plein de travailleurs super bien payés vont consommer plein de trucs (à crédit de préférence)", continue Simone.
"Le problème c’est qu’il n’y en a pas. Enfin beaucoup moins que ce qu’espérait Mario. ‘Pas facile’, lui dirait Hollande. La morale de tout ça, c’est que la crise européenne est très profonde. Il y a toujours trop de tout : de capacité de production, de chômeurs, de dettes"…
Tant que ce trop-plein ne sera pas apuré — et ce n’est pas le chemin que l’on prend, si l’on en juge par la dernière conférence de presse de M. Hollande –, la situation restera bloquée… jusqu’à ce que la "main invisible" prenne les commandes et règle les problèmes à notre place — ce qui pourrait se révéler extrêmement douloureux.
Restez à l’écoute !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser