▪ Le CAC 40 affiche sur la semaine écoulée un gain global de 1,08%. Toutefois, l’indice s’effrite de 0,25% dans des volumes carrément dérisoires (2,7 milliards d’euros) qui induisent le manque de participation des gérants.
Le scepticisme reste élevé face à un mouvement de hausse qui semble ne reposer que sur l’espoir d’une injection massive de liquidités par la Fed — le précédent épisode n’ayant pas eu les effets bénéfiques escomptés… sauf sur le prix des actions et des matières premières.
La semaine qui vient de s’achever était la huitième d’un cycle de hausse qui s’était amorcé fin août par un simple rebond technique. Il a pris la forme d’une spirale dès la mi-septembre, lorsque la Fed a fait discrètement savoir à ses principaux interlocuteurs et partenaires sur le marché des bons du Trésor à Wall Street qu’un nouvel assouplissement quantitatif était dans les tuyaux.
Le cumul de hausse observé en Europe depuis fin août est désormais supérieur à 12%. Le dollar ayant chuté de 11% dans l’intervalle, cela porte à près de 25% la performance d’un indice comme le CAC 40 ou le DAX 30 en à peine deux mois.
▪ La progression simultanée de l’euro (face au dollar) et des places de Paris, Francfort ou Milan est un cas de figure très atypique. A masse de liquidités constante sur les marchés, c’est un exploit quasiment impossible à réaliser.
Il ne s’explique que par l’anticipation d’une création massive de dollars aux Etats-Unis. Pas un seul n’a encore été imprimé par la Fed à ce jour… mais le scénario de l’assouplissement quantitatif est déjà intégré dans les cours — par anticipation, puisque les rachats de la Fed sont prévus pour début novembre.
Il s’agit pour Ben Bernanke de combattre les risques de gel des « bourgeons de croissance » de l’année 2009 alors que l’argent des plans de relance est en cours d’épuisement. Faute de pouvoir relancer l’activité par la consommation, ce pourrait être par les exportations (modèle allemand) et la dévaluation compétitive de la devise (modèles chinois et nippon).
▪ D’une simple corrélation positive liée à la baisse du dollar, les marchés sont rapidement passés à une dépendance aiguë puis à une véritable obnubilation qui éclipse n’importe quel autre facteur, y compris les annonces de résultats trimestriels.
Les médias soulignent avec allégresse l’abondance de bonnes surprises en la matière… Cependant, les professionnels savent bien que les estimations de profit sont systématiquement sous-évaluées de 10% à 15% dans les enquêtes destinées à être dévoilées au grand public, afin de lui servir ce « meilleur que prévu » qui conforte son optimisme.
Les chiffres économiques de la semaine sont demeurés mitigés en Europe (sauf en Allemagne où ils restent globalement bons, le baromètre IFO restant au beau fixe), avec un troisième repli mensuel consécutif de l’indice d’activité Markit PMI. L’Angleterre va connaître quant à elle une cure d’austérité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale et pire que sous l’ère Thatcher. Du coup, c’est la consommation qui commence à décrocher avec la suppression de nombreuses prestations sociales dont bénéficiaient les classes moyennes.
▪ Le Livre Beige de la Fed publié mercredi n’a eu aucun impact tant son contenu semblait conforme aux anticipations de Wall Street. Les derniers éléments d’appréciation provenant du marché du travail dans les 12 régions où la Fed dispose d’une antenne sont en revanche très négatifs. La chute de 5,6% des permis de construire augure par ailleurs d’un quatrième trimestre très difficile sur le front immobilier.
A ce sujet, Wall Street s’est appliqué à occulter la question des dossiers de crédit incomplets ou falsifiés, entraînant des saisies frappées de vice de procédure ou de nullité. Tout comme avec la crise des subprime trois ans plus tôt, le meilleur moyen d’écarter les questions qui fâchent, c’est de faire comme si le problème n’existait pas (le FBI a tout de même ouvert une enquête).
▪ Il est assez facile de connaître la liste des titres qui grimpent le plus en cette fin octobre : ce sont les mêmes qu’il y a 15 jours, un mois, six semaines… et ce depuis fin août.
Le palmarès est d’une stabilité assez inédite, comme si aucune rotation sectorielle ne permettait aux performances de s’équilibrer au fil des semaines. C’est même exactement l’inverse qui se produit. Chaque fois que la bourse monte, des titres comme Valéo, Rhodia, Arkema, LVMH ou Hermès progressent trois fois plus vite que la moyenne.
La gestion « benchmarkée » prédomine ; les processus de réplication indiciels semblent figés. Ce qui a monté montera encore… et réciproquement, sauf en cas de surgissement d’une actualité totalement imprévue qui court-circuite la tendance sous jacente.
Valéo en fournit une illustration éclairante. Le titre a figuré toute la séance de vendredi en tête du SBF 120 (+10,6% à 39,7 euros) après une révision à la hausse de ses prévisions 2010. Cela dans le sillage d’un troisième trimestre marqué par une hausse du chiffre d’affaires de 16% à périmètre et taux de change constants.
Le titre vient en réalité de grimper de 60% en trois mois, après avoir déjà quadruplé de valeur en 18 mois. On pourrait croire les bonnes nouvelles déjà dans les cours, mais les analystes se lancent dans une folle surenchère de relèvement d’objectifs de cours.
Pas un seul d’entre eux n’ose écrire qu’au niveau actuel (et même avant de s’envoler de 10% ce vendredi), le titre valorisait déjà des extrapolations de bénéfices vertigineuses.
C’est une hausse à la démesure des masses d’argent qui devraient être bientôt imprimées — sans la moindre contrepartie en termes de richesse économique tangible.
▪ Si nous devions choisir un indice boursier pour renforcer notre démonstration, nous choisirions sans hésiter le DAX 30.
En inscrivant une clôture à 6 610 points (après un zénith de 6 621 points en séance jeudi dernier), le DAX 30 retrace un plus haut de deux ans — son sommet du 11 août 2008.
La bourse de Francfort affiche donc 85% de hausse en 18 mois… mais exprimée en dollar, la hausse dépasse déjà les 100%. C’est la plus forte hausse linéaire du DAX 30 sur les 10 dernières années ! Il n’existe plus de limite, plus aucune frontière de surachat technique qui n’apparaisse infranchissable grâce à la planche à billets de la Fed.
Le DAX 30 avait gagné 5,1% en septembre. Il s’envole de 6% ce mois-ci : c’est l’équivalent du cumul des gains d’octobre 2006 et 2007, deux années de prospérité et de croissance record. Est-ce que 2010 y ressemble ? Posez simplement la question aux salariés allemands qui ne répondent pas aux enquêtes de l’IFO mais qui savent lire une fiche de paye !