▪ "La doctrine de la régulation et de la législation appliquée par des têtes pensantes au jugement et à la volonté desquelles le peuple peut se soumettre en toute quiétude a été par trop apparente à Washington ces dix dernières années. S’il était possible de trouver des têtes pensantes dénuées de tout égoïsme, prêtes à décider sans hésitation d’aller à l’encontre de leurs propres intérêts personnels ou préjudices privés, des hommes presque divins dans leur capacité à tenir la balance de la justice d’une main ferme, un tel gouvernement pourrait être dans l’intérêt du pays ; mais il n’y en a aucun à notre horizon politique, et nous ne pouvons attendre un renversement complet de tous les enseignements de l’histoire".
Un ami nous a envoyé la citation ci-dessus en nous invitant à deviner qui l’avait prononcée. Nous n’aurions pas trouvé : il s’agissait de Franklin Delano Roosevelt, en 1930, alors qu’il était encore gouverneur de New York.
Ce qui nous montre que les gens qui nous gouvernent ne sont pas des crétins. Cela vient également renforcer notre constat : les gens en viennent à penser ce qu’ils doivent penser quand ils doivent le penser.
En 1930, Roosevelt faisait encore partie des vivants. Il se présenta aux élections présidentielles avec un programme conservateur, affirmant qu’Herbert Hoover était un panier percé. Roosevelt s’engagea à équilibrer le budget.
Etait-il un menteur ? Pas plus que quiconque, probablement. Mais entre son poste de gouverneur d’un Etat et son arrivée à la présidence des Etats-Unis, sa manière de penser changea. Lorsque la Grande Dépression commença, les gens pensaient que ce n’était qu’une "récession". Ils pensaient que l’économie se reprendrait rapidement.
C’est uniquement lorsque la reprise ne se matérialisa pas que les électeurs exigèrent que le gouvernement "fasse quelque chose" pour mettre fin à la dépression. En réalité, le gouvernement en avait déjà fait plus qu’assez. Il avait quasiment causé à lui tout seul le boom des années 20… puis la dépression des années 30. Pour commencer, le chef de la Réserve fédérale de l’époque avait décidé d’aider ses amis anglais en administrant un petit "coup de whiskey" — des taux d’intérêt plus bas — au secteur financier. Les actions grimpèrent en flèche.
Ensuite, après l’éclatement de la bulle, l’administration Hoover intervint lourdement sur les marchés, refusant de permettre à l’économie de s’adapter rapidement. Non seulement ça, mais deux membres du Congrès US — Smoot et Hawley — déclenchèrent une guerre commerciale, mettant ainsi plus de pression sur le commerce international et la croissance économique.
▪ Et une fois encore, aujourd’hui, les autorités s’en mêlent. Le New York Times :
"Les actions décidées lors du sommet du G20 ont signalé la détermination d’un grand nombre des pays les plus riches, après avoir mis en place des programmes de dépenses pour contrer la crise financière mondiale, de mettre désormais l’accent sur la réduction de la dette. Et cela a souligné la conviction des nations européennes en particulier que les déficits représentaient la plus grande menace pour leur stabilité économique".
"Le président Obama et le secrétaire au Trésor Timothy F. Geithner avaient constamment plaidé pour une approche mesurée de la réduction de la dette qui n’étoufferait pas la croissance, menant à une récession en double creux".
"Les Etats-Unis, cependant, ont rejoint d’autres pays durant le sommet — qui a été accueilli par des manifestations et des centaines d’arrestations — en approuvant l’objectif de réduire les déficits gouvernementaux de moitié d’ici 2013 et de stabiliser le ratio dette publique/PIB d’ici 2016. Le Premier ministre canadien, Stephen Harper, avait proposé ces cibles, soutenu par l’Allemagne et la Grande-Bretagne".
Stabiliser les dettes publiques d’ici 2016 ? A cette date, les Etats-Unis et les autres grandes économies auront plus de dettes gouvernementales que de PIB. Il sera sans le moindre doute trop tard pour bon nombre d’entre elles.
Et même ce but modeste présuppose que les économies soient capables de se développer plus rapidement que leurs dettes — en termes réels. Lorsqu’on a une dette équivalant à 100% du PIB, on est sous l’eau. Si les taux d’intérêt revenaient aux niveaux à deux chiffres des années 70, il pourrait falloir plus de 10% du PIB simplement pour verser les intérêts.
Cela n’arrivera pas. Les choses s’effondrent avant d’en arriver à de tels déséquilibres. Il faudra qu’autre chose se passe. Mais quoi ? Nous n’en savons rien…
Nous pouvons avancer une supposition, toutefois.
La "reprise" ne fonctionnera pas. Au lieu de ça, comme pour l’économie des années 30, les autorités essaieront de l’aider. Elles en viendront à penser ce qu’elles doivent penser — qu’elles ont besoin de dépenser de plus en plus… jusqu’à trop dépenser.
Ce qui est peut-être déjà le cas.