▪ La surprise de cette semaine a été l’annonce de la Chine, qui mettait fin à son lien avec le dollar.
L’autre surprise, c’est que ça n’a fait aucune différence. La nouvelle a surexcité les investisseurs… qui ont passé la journée à se préparer à faire grimper les prix. Et rien n’est arrivé. Aucune différence sur les marchés boursiers. Même le marché des devises s’est contenté de bâiller.
Nous sommes d’avis que la Chine vient de couper l’herbe sous le pied de ses critiques américains. L’annonce monétaire n’a pas fait de vraie différence. Et maintenant que les Chinois ont accepté de mettre fin au lien yuan/dollar, le doigt capricieux du blâme se tourne de l’Orient vers l’Occident.
On se plaignait de la Chine parce qu’elle sous-évaluait sa production en maintenant le yuan lié au dollar. Les Etats-Unis étaient le premier client de la Chine. Il semblait raisonnable de garder les deux devises alignées. Mais puisque la Chine est un producteur plus efficace, les Etats-Unis ont par conséquent perdu des parts de marché qui sont allées à leurs concurrents chinois, ou bien ils ont transféré leur propre production à des sous-traitants chinois.
La meilleure solution au problème aurait été de l’ignorer. Mais les autorités américaines avaient besoin d’un bouc émissaire, et elles n’ont pas réussi à trouver mieux que la Chine.
Mais que vont faire les dirigeants américains maintenant ? Qui accuser ? Ils pourraient essayer les "parasites bourgeois", comme Hugo Chavez, mais les galimatias marxistes n’ont jamais pris aux Etats-Unis. Trop d’électeurs voulaient être des bourgeois !
Alors que la Chine avait peut-être sous-évalué sa production, les Etats-Unis ont sans aucun doute surévalué leur capacité à consommer toutes ces choses made in China.
Mais ne vous inquiétez pas, cher lecteur. C’est un problème qui se résout tout seul.
▪ "Bill, voilà des mois que vous parlez d’une Grande Correction. Je n’en doute pas, mais que diable est une Grande Correction" ?
Eh bien…
Une Grande Correction, c’est ce qu’on obtient quand un grand nombre de choses doivent être corrigées en même temps. Lorsque la crise de 2007-2009 est arrivée, les économistes ont immédiatement commencé à parler de "reprise". Mais il n’y avait aucune chance de voir l’économie revenir à ce qu’elle avait été — c’est-à-dire aux excès, à l’exagération et à la fragilité. Elle ne pouvait faire demi-tour. Elle devait avancer.
Plus spécifiquement, elle devait corriger les nombreuses erreurs commises par des Américains qui dépensaient trop… et des Chinois qui fabriquaient trop de choses à leur vendre. Du côté chinois, cette correction prendra du temps. Mais ce n’est pas un changement de direction majeur. Il y a désormais plus de consommation dans les marchés émergents qu’aux Etats-Unis. General Motors vend plus de voitures en Chine qu’en Amérique du Nord. Et Coca-Cola a annoncé que ses résultats étaient en hausse pour le premier trimestre, même si ses ventes nord-américaines ont chuté.
La Chine va devoir ajuster la répartition de ses produits ainsi que son système de marketing/distribution. Mais il n’y a aucune raison théorique pour qu’elle ne puisse continuer à faire ce qu’elle fait le mieux — fabriquer des choses. L’économie chinoise peut se remettre (elle a juste besoin d’une chose dont se remettre !)
Le plus grand problème est du côté américain — et occidental, par extension –, où la reprise n’est pas possible. Beaucoup de gens ont des maisons qu’ils ne peuvent pas se permettre — même après une baisse de 20% des prix de l’immobilier. De nombreuses banques ont plus de dettes que de crédit, même après la faillite de dizaines d’entre elles. Les grandes banques n’ont toujours pas été corrigées. Leurs erreurs sont allées droit dans les coffres des banques centrales. C’est là une chose supplémentaire à corriger.
Au niveau des ménages, les gens ont généralement dépensé trop d’argent, surtout aux Etats-Unis. Ils n’avaient pas d’épargne… alors même qu’ils approchaient de plus en plus de la retraite. Cette situation a commencé — mais seulement commencé — à se corriger. Les taux d’épargne grimpent, tandis qu’une bonne quantité de dette a été annulée, dévaluée ou rééchelonnée.
Bien entendu, il y a eu de nombreuses autres erreurs — des accords de private equity aux prix des matières premières en passant par un excès d’emplois dans le secteur de la vente au détail. La plupart d’entre elles sont en train d’être corrigées.
S’il n’y avait que ça, se serait une correction importante, mais pas une Grande correction. Comme nous le disons souvent, les entreprises privées peuvent faire des erreurs. Si on veut vraiment faire un beau gâchis, il faut le soutien des contribuables.
Bien entendu, les contribuables faisaient partie du plan dès le début. Les autorités — notamment américaines — ont en grande partie créé la bulle de l’immobilier. Lorsqu’elle a explosé, elles ont repris Fannie et Freddie… mis des milliers de milliards de pertes supplémentaires sur le dos des contribuables… et aggravé la situation dans son ensemble.
▪ Mais ce sont quelques petites choses bien spécifiques qui nous font penser que cette correction sera digne de l’épithète "Grande".
Premièrement, elle semble marquer la fin d’une expansion de crédit qui a duré 60 ans. Rien que ça rendrait n’importe quelle correction intéressante.
Deuxièmement, elle semble également signaler un zénith pour les Etats-Unis. Ils seront peut-être encore à la tête du monde pendant un temps, mais d’autres pays se développent bien plus rapidement — si bien qu’en termes relatifs, les Etats-Unis ne seront plus jamais dans une telle position de domination.
La troisième chose à être corrigée est la plus intéressante de toutes. Le système monétaire basé sur le dollar américain, créé en 1971, mijote sans doute une correction d’une sorte ou d’une autre.
Alors que le secteur privé essaie de résoudre ses problèmes, le secteur public augmente les siens. Il vit au-dessus de ses moyens. Tôt ou tard, lui aussi devra être corrigé.
Quand est-ce que ça se produira ? Quand le marché obligataire sera prêt.
Déjà, en Europe, les acheteurs obligataires ont contraint les autorités à une réaction. Les gouvernements se sont attaqués aux déficits publics excessifs. Au moins les gens en parlent-ils… tandis que les gouvernements promettent des réductions.
"Maintenant, nous sommes tous austères", déclare Martin Wolf en reprenant la phrase qui nous a mis dans le pétrin (Richard Nixon avait remarqué un jour que "maintenant, nous sommes tous keynésiens", en faisant allusion à l’idée largement répandue que le gouvernement doit réagir aux crises avec des dépenses de relance contre-cycliques).
Oui, cher lecteur, l’austérité est à la mode en Europe cet été. Pas aux Etats-Unis. Ce qui nous laisse à penser que les investisseurs font une grosse erreur en achetant des obligations en dollars. Les obligations en dollars sont le premier choix des investisseurs parce que les Etats-Unis — et les Etats-Unis seulement — sont prêts, motivés et capables d’imprimer autant de dollars qu’ils le souhaitent.
C’est bien ce qui nous inquiète…