▪ Si vous avez manqué la séance de mardi, soyez rassuré : vous n’avez rien raté puisqu’elle bénéficiait d’une sorte de multidiffusion… Un peu comme les programmes d’une célèbre chaîne par abonnement qui diffuse ses meilleurs programmes à cinq reprises au cours du mois.
Ainsi, le scénario du 2 juin constituait la copie quasi conforme du 1er juin. Une ouverture en forte baisse des places européennes (-1% d’entrée de jeu), suivie d’une aggravation des pertes en milieu de matinée (-1,5%). Ensuite, un redressement des cours a effacé la totalité du terrain perdu en seconde partie d’après-midi, à partir de la réouverture de Wall Street.
Paris a renouvelé le test du support des 3 430 points. La veille, le CAC 40 s’était replié jusque vers 3 415 points. Cependant, nous n’allons pas tenir compte de ce genre d’accroc dans la mesure où cela s’est produit lors d’une phase de baisse d’activité et de contraction de l’épaisseur des carnets d’ordre. Quelques ventes de contrats à terme ou d’ETF suffisent à faire décaler fortement les indices pour une mise d’argent minimum… mais cela s’avère bien utile pour tester les niveaux de déclenchement d’éventuels ordres de vente stop.
Le CAC 40 a donc clôturé à l’équilibre (-0,05%), à 3 501 points, dans un volume estival de 3,3 milliards d’euros — contre 4,5 milliards la veille.
Les places européennes en terminaient sans tendance : -0,18% pour l’Euro-Stoxx 50, +0,13% pour l’Eurotop 100 et un score nul et vierge pour Francfort, parfaitement inchangé à 5 981 points. Seuls les Hollandais ont paru plus motivés : Amsterdam a aligné une nouvelle journée de hausse avec +0,4% (+0,05% la veille). Les arbitrages au détriment de BP (-15% en 48 heures), au profit de Royal Dutch (+0,4%) en sont probablement la cause.
Les opérateurs ont apprécié vers 16h les signaux positifs en provenance du marché immobilier américain. Les promesses de ventes de logements américains ont augmenté de 6% au mois d’avril (après +7% en mars), selon la National Association of Realtors (NAR). C’est une croissance globalement plus forte que celle anticipée en moyenne par le consensus (+5 points).
▪ Cette bonne nouvelle ne fait toutefois pas oublier les inquiétudes concernant la situation budgétaire de nombreux pays sur le Vieux Continent. L’euro s’est d’ailleurs montré faible ce mercredi en effectuant plusieurs incursions successives sous les 1,22 $, contre 1,23 $ mardi vers 17h30.
Mais contrairement à ce qui s’était produit mardi, les vendeurs ne se sont engouffrés dans la brèche pour tenter de déterminer s’il y avait de gros acheteurs dans la zone des 1,2100 $.
Plusieurs sherpas de la monnaie unique ont enchaîné les déclarations. Ils ont affirmé que oui, l’euro est une devise solide… Et que non, il n’apparaît pas sous-évalué ni exagérément éloigné de sa véritable valeur économique par rapport au billet vert, vu le différentiel de croissance qui existe entre le Vieux Continent et les Etats-Unis.
Nous voulons bien admettre la pertinence de cet argument… Mais que penser d’une monnaie dont la masse en circulation a doublé en moins de 10 ans — alors que la fameuse croissance dont se targue l’Amérique n’a été obtenue qu’à coup d’endettement massif et de plans de relance (ou de primes à l’achat, pour des véhicules ou des logements neufs) dont on peine encore à mesurer l’efficacité à moyen terme ?
Les avis restent plus que partagés entre un scénario fortement inflationniste lié à l’explosion des déficits et un scénario de déflation à la japonaise. Notons en passant que le Premier ministre nippon, M. Hatoyama, a jeté l’éponge et présenté sa démission mercredi matin — ce qui fut sanctionné par une chute de 1% de la Bourse de Tokyo, somme toute assez anodine puisque moins prononcée que celle de Wall Street mardi soir.
▪ Si les investisseurs semblent peu inspirés sur la marche à suivre depuis 48 heures — et même trois séances en Europe –, peut-être vont-ils se réveiller avec la publication d’une série de statistiques relatives à l’évolution du marché du travail aux Etats-Unis. Elle commencera ce jeudi par le nombre de chômeurs inscrits au cours de la semaine du 24 au 30 mai. Il y aura ensuite l’enquête d’ADP concernant l’emploi dans le secteur privé, puis le chiffre officiel des créations d’emploi, ainsi que le taux de chômage au mois de mai.
Il faudra déduire du chiffre brut un montant considérable de créations de postes à durée très limitée dans le cadre de la grande campagne de recensement de la population américaine en 2010. Le score du mois de mai pourrait se situer au-delà des +200 000 — mais il en faudrait plus de 250 000 pour que le chômage commence à se résorber… Cela avec le risque que la Fed n’en tire prétexte pour imiter la Banque centrale canadienne qui vient d’annoncer mardi un relèvement de son taux d’escompte de 0,25% à 0,5%.
La Bourse de Wall Street semblait cependant convaincue que Ben Bernanke et ses collègues prendront leur temps. Les indices américains ont bénéficié d’une charge pleine de détermination de la part des haussiers, qui ont défoncé les résistances testées en fin de semaine dernière et propulsé d’un ultime coup de collier le S&P 500 et le Nasdaq 2,6% plus haut, et le Dow Jones (+2%) au-dessus des 10 200 points.
▪ Nous allons clôturer cette chronique d’un grand éclat de rire rétrospectif, avec cette anecdote à 150 milliards d’euros (180 milliards de dollars), reprise par tous les journalistes japonais qui s’en tiennent encore les côtes !
La filiale nippone de la Deutsche Bank (Deutsche Securities Japan) a émis mardi matin, à l’ouverture de la Bourse d’Osaka, un ordre de vente portant sur près de six millions de contrats à terme sur l’indice local. Cela représente 10 fois le montant moyen des échanges quotidiens à la Bourse d’Osaka — et 50 fois ceux qui se traitent quotidiennement à Paris.
Explication embarrassée d’un des responsables de la « DB » au Japon (un dénommé Aston Bridgman) : « il s’est produit une erreur informatique dans le système automatique de gestion des ordres et l’opération initiale a été répétée des milliers de fois en quelques secondes »… Cela explique le plongeon initial de 1% de la Bourse d’Osaka, et quelques secondes plus tard de celle de Tokyo (qui avait laissé les opérateurs pantois).
Compte tenu de l’incapacité du marché japonais à absorber ce flot d’ordres informatisés, surgissant comme une génération spontanée, tout s’est bloqué alors que 55 milliards de yens (500 millions d’euros) de contrats seulement avaient été effectivement vendus !
Même si 99,7% des ordres en attente d’exécution ont pu être annulés, cela va tout de même se traduire par une ardoise de plusieurs millions de dollars pour Deutsche Securities… Les autorités boursières nippones vont ouvrir une enquête, nous attendons leurs conclusions avec gourmandise.
Vous connaissiez tous la métaphore de la « main invisible » ainsi que celle du « gros doigt » (invoqué un peu hâtivement pour expliquer le « flash krach » toujours non élucidé du 6 mai dernier). Il va donc falloir que vous ajoutiez au répertoire « le gros doigt invisible » !
Une expression qui pourrait donner lieu à des interprétations que nous réprouvons… mais qui résume assez bien le message que nous envoient depuis leur monde numérique les machines auxquelles les brasseurs d’argent ont confié sans restriction leur destin.