▪ Une fois n’est pas coutume, nous allons débuter cette chronique en nous intéressant à l’éclairage que nous procure l’analyse technique sur les derniers mouvements indiciels à l’issue d’une des séances parmi les plus déconcertante des deux dernières années.
La volatilité intraday est demeurée forte — ce qui n’était guère surprenant compte tenu de l’expiration des contrats sur indices vendredi dernier. Malgré cela, après deux séances de stabilisation, les oscillateurs techniques, très survendus, amorçaient un redressement prometteur.
Le CAC 40 notamment aurait pu — et même dû — en profiter pour s’attaquer aux 3 500 points. Au lieu de cela, il a rouvert mardi sur un gros gap baissier de -75 points, sous le support majeur des 3 400 points. Il a rapidement perdu jusqu’à 140 points pour inscrire un nouveau plancher annuel vers 3 288 points.
L’indice phare lâche au final 100 points dans un volume qui ne dépasse pas les cinq milliards d’euros. Cela apparaît faible compte tenu d’une perte qui a flirté avec les 4% à deux heures de la clôture (et -2,9% au final à 3 331 points).
Le CAC 40 n’est plus à proximité d’un support identifiable ; il se retrouve simplement sur des niveaux plus revus depuis le 22 juillet 2009. Ce qui nous frappe, c’est qu’il évolue désormais dans une fourchette de cours qui n’est autre que celle de la fin de séance du 2 janvier 2009, terminant à 3% seulement au-dessus de ses niveaux d’ouverture du 31 décembre 2008 (3 242 points).
▪ Le scénario intraday de ce 25 mai ne ressemble à rien de ce que nous avons pu décrire au cours des 18 derniers mois. Il s’apparente en revanche à celui observé lors de la séance du 20 novembre 2008… laquelle s’était inaugurée par un gap de -85 points et s’était conclue par une chute de 3,5%.
Le marché parisien était alors victime d’une spirale baissière amorcée sous les 4 100 points le 3 octobre. Elle s’était ensuite poursuivie par une perte supplémentaire de 3,3% le 21 novembre, avant que ne se dessine un rebond de 13% la semaine suivante.
Il ne fait guère de doute que les investisseurs sont au bord de la crise de nerfs et que le moindre facteur d’incertitude déclenche une capitulation boursière. Nous savons par expérience qu’il faut profiter de ce genre d’excès baissiers pour réaliser de spectaculaires gains à la hausse lorsque les vendeurs se rachètent…
La stratégie consistant à jouer des rebonds techniques en tenant le plus grand compte de la variable timing (nous tablons sur une nouvelle séance de liquidation) en dit assez long sur notre absence d’illusion concernant la pérennité d’un sursaut indiciel.
Après une chute parfaitement anticipée de 18% en cinq semaines, ce n’est pas maintenant que nous commencerons à suivre le troupeau — même si nous savons qu’il détale dans la bonne direction !
Et il n’a effectivement pas effectué la moindre amorce de demi-tour mardi (contrairement au scénario observé le 20 mai), du fait de la lourdeur initiale de Wall Street. La chute persistante des valeurs américaines — au-delà de -2% mardi et au lendemain d’un recul de 1,25% lundi — a empêché que se matérialise une réaction haussière en fin de séance en Europe.
▪ Le Dow Jones demeurait ancré sous les 10 000, à 9 890 points. Le S&P est quant à lui resté scotché au contact des 1 050 points… ce qui faisait mauvaise impression.
Preuve supplémentaire du climat de déprime qui régnait outre-Atlantique : les acheteurs ne se sont même pas manifestés lors de la publication de l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board. Il ressortait pourtant en nette hausse, à 63,3 contre 57,9 en avril (et 58 à 60 anticipé).
Ce mois de mai 2010 a de forts relents de mois d’octobre ou novembre 2008, tant au niveau de la volatilité des indices que de l’ampleur des pertes cumulées en l’espace de quelques semaines (-12% sur les indices américains, -15% en moyenne en Europe).
On retrouve les mêmes réflexes caractéristiques d’un climat de panique : achat massif de bons du Trésor (T-Bonds US et Bunds allemands), arbitrages au profit du dollar.
▪ Les achats de billets verts ont été accélérés par les bruits de bottes que fait retentir la Corée du Nord — coutumière du fait — lorsque sa situation économique devient par trop désastreuse et que la famine fait rage. Elle nous propose au choix un tir de missile en direction du Japon, un essai nucléaire souterrain (ou ce qui y ressemble) ou une mobilisation générale. Cette dernière option semble avoir été retenue cette fois-ci… avec l’avantage de tuer dans l’oeuf toute velléité de protestation contre les pénuries et la corruption du régime.
Les Occidentaux le savent : la Corée du Nord excelle dans l’art du chantage à la guerre sans jamais s’exposer à une cinglante déroute militaire si jamais elle s’avisait de dépasser le stade des gesticulations et des provocations.
Le problème, c’est qu’elle pourrait avoir franchi la ligne rouge en s’exposant à l’accusation d’avoir torpillé un mois auparavant une vedette sud-coréenne qui ne menaçait pas directement la sécurité de ses eaux territoriales.
Si la Chine affichait trop ouvertement son soutien à son turbulent voisin du sud, alors que Tim Geithner et Hillary Clinton sont présents au même moment à Pékin… cela pourrait effectivement représenter un fâcheux précédent diplomatique.
Nul doute que la Corée du Nord profite de ce que les plus hautes autorités économiques chinoises et américaines sont précisément en pourparlers avancés sur leurs échanges bilatéraux pour tenter de négocier quelques largesses alimentaires ou financières.
Il est vrai qu’au lendemain de la nationalisation de la Cajasur en Espagne (et ses 2,7 milliards d’euros de pertes potentielles à la charge des contribuables ibériques), il ne manquait plus que les basses manoeuvres de Pyongyang pour achever de paniquer les marchés.
▪ Les places asiatiques avaient plongé de 2,5% mardi matin ; les Européennes ont embrayé dans leur sillage avec une correction de 2,6% en moyenne et des pertes de 3,1% à Madrid et 3,4% à Milan.
Aucune bonne nouvelle n’a semblé avoir de prise sur la tendance — notamment la forte hausse des commandes industrielle en Europe (+5,2% en mars dernier… ce qui apparaît déjà lointain). Pas de quoi faire oublier le florilège de mesures d’austérité qui sont annoncées dans le sud de l’Europe et qui font craindre un second épisode de récession à l’égal de 2008 sur le Vieux Continent.
Conséquence de cette crise de confiance, l’euro est retombé sous les 1,22 $ mardi matin — avant de se redresser vers 1,2275 $ mardi soir. Les investisseurs se sont rués sur les Bunds allemands dont le rendement chutait vers un plancher historique de 2,58% sur 10 ans. Cela constitue un non-sens économique puisque des emprunts émis par des entreprises privées notées « AAA » se négocient avec une prime de 100 points de base.
Mais le plus spectaculaire des paradoxes, c’est de voir les T-Bonds US de maturité 2020 afficher 3,13% contre près de 4% fin avril… alors que le pays émetteur reste le plus endetté de la planète avec des « points noirs » en comparaison desquels la faillite de la Grèce serait jugée anecdotique si les agences de notation faisaient sérieusement leur travail.
Mais quelqu’un à Wall Street semble s’être aperçu à une heure de la clôture qu’une dette américaine rémunérée à 3,15%, c’était au mieux un coup de bluff… et plus probablement une très mauvaise affaire.
Avec un Dow Jones revenu sous les 10 000 et un S&P au contact des 1 050, le rendement des actions commence à soutenir la comparaison avec les bons du Trésor — l’attrait de la volatilité, si possible à la hausse par rapport aux niveaux actuels, en plus.
Les indices américains, encore tout étourdis d’avoir inscrit de nouveaux planchers annuels, ont terminé à l’équilibre. Ils peuvent remercier l’action déterminée de quelques acheteurs bien convaincus que le consensus baissier avait la partie trop belle pour que son triomphe demeure fructueux.