▪ Que se passe-t-il quand la partie est truquée, et que plus rien ne va ?
Cette question inquiétante a taraudé les marchés financiers ces derniers jours. Il y a une semaine, les Eurocrates ont amassé un butin de 1 000 milliards de dollars (d’argent emprunté) pour soi-disant régler la crise de la dette grecque et stabiliser l’euro. Sept jours plus tard, les Grecs sont toujours en faillite et l’euro a chuté à son niveau le plus bas en quatre ans.
La Banque centrale européenne — tout comme British Petroleum — ne semble pas savoir comment contenir les dégâts, et encore moins les nettoyer pour de bon. Tout comme le pétrole brut jaillit du puits sous-marin de BP, la crise de la dette souveraine en Europe continue à se répandre, hors de tout contrôle, et menace d’atteindre les côtes italiennes, espagnoles et portugaises.
Une semaine ne suffit pas à juger du succès du "Plan de défense de l’euro" lancé par la Banque centrale européenne, mais une semaine suffit largement à juger de son échec. Ce plan n’a rien réglé. Il n’a fait que déranger les vendeurs à découvert pendant quelques jours et inspirer des achats d’or enthousiastes.
▪ Rome n’a pas été construite en un jour, c’est sûr. Nous ne devons donc pas nous attendre à ce qu’Athènes soit sauvée en une semaine… ou sauvée tout court. L’état budgétaire du pays n’est pas réparable. Soit la Grèce va s’enfoncer dans la Méditerranée, au figuré, soit ce sera l’euro… ou les deux. Emprunter 1 000 milliards d’euros pour lutter contre les conséquences de dettes excessives ne semble pas être la bonne stratégie à adopter.
Dans le pire des cas, la BCE va perdre son argent, son crédit et sa crédibilité en essayant de sauver la Grèce…et elle va détruire l’euro dans le processus. Dans le meilleur des cas, ce plan de relance va persuader quelques stratégistes de Wall Street que "le pire de la crise de l’euro est derrière nous" et entraîner quelques crétins sur les marchés de la dette souveraine européenne avant que la situation ne devienne VRAIMENT moche.
Et ça va devenir moche…c’est sûr.
Beaucoup d’investisseurs se comportent comme si les défauts de paiement de la part des Etats souverains étaient comme la polio : éradiqués pour de bon. Ces investisseurs ont à moitié raison. La polio a bien été éradiquée.
▪ Il se pourrait que la Grèce ne se retrouve pas en défaut de paiement, selon les mesures de sauvetage mises en place. Mais la Grèce est déjà en faillite. Les créditeurs de la Grèce devraient comprendre que l’histoire n’est pas de leur côté. En fait, les créditeurs de tout emprunteur souverain devraient comprendre que l’histoire n’est pas de leur côté.
"Alors que les défauts de paiement des pays d’Europe semblaient inconcevables dans l’histoire récente", déclare un article récent dans le Wall Street Journal, "les défauts de paiement et le rééchelonnement de dette étaient tout à fait communs dans le paysage financier européen au cours du XIXe siècle et ce jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, selon les économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff".
"La Grèce s’est retrouvée en défaut de paiement et a rééchelonné sa dette cinq fois depuis qu’elle a obtenu son indépendance en 1829", ont écrit les économistes dans leur article This Time is Different ["Cette époque est différente", NDLR.], publié en 2008 et récemment rallongé pour sortir en livre. "L’Espagne est en tête dans ce domaine, avec 13 fois depuis 1476. L’Allemagne et la France ont quant à elle été en défaut de paiement huit fois, tandis que l’Angleterre ne l’a jamais été depuis que Guillaume le Conquérant a envahi le pays en 1066".
"La Grèce est restée en ‘perpétuel état de défaut’ depuis son indépendance", conclut le Wall Street Journal, "elle a passé 50,6% de ces années en défaut de paiement ou à rééchelonner sa dette, et se place donc en tête de cette liste en Europe. La Russie vient juste après, avec 39,1% de ces années passées en tant que mauvais payeur après avoir été en défaut de paiement ou rééchelonnée cinq fois".
Les gouvernements sont de mauvais payeurs. C’est un fait. Ils taxent ; ils dilapident l’argent des impôts ; ils ne remboursent pas leurs dettes. C’est là l’ordre établi du monde des gouvernements. La crise grecque est peut être le premier fiasco se rapportant à la dette souveraine, ces dernières années, mais ce ne sera certainement pas le seul.