▪ Comme tous les vendredis, le petit « coup de robots » des cinq dernières minutes a propulsé le Dow Jones de 25 points, terminant au plus haut du jour (+0,5% à 15 376) et de la semaine. Il cumule ainsi un gain hebdomadaire de 3%, le plus spectaculaire depuis janvier, ce qui comble une bonne partie du terrain perdu la semaine précédente par rapport aux places européennes.
Le S&P 500 gagnait 0,3% à 1 690. De son côté, le Nasdaq effaçait les 0,2% perdus la veille pour finir à 3 722 points — soit à moins de 10 points de son zénith annuel et au plus haut depuis le 28 septembre 2000 (l’indice affichait 3 726 points le 18 septembre 2000, il y a 13 ans jour pour jour).
L’optimisme du marché vendredi puisait presque à coup sûr son origine dans des statistiques décevantes publiées aux Etats-Unis. Cela entretient un ultime espoir de voir la Fed renoncer temporairement au tapering (une réduction de son assouplissement quantitatif de l’ordre de 10 ou 15 milliards de dollars selon le consensus) dont l’annonce est attendue pour ce mercredi soir.
▪ Un festival de mauvaises statistiques
Cela faisait déjà une semaine que les chiffres publiés aux Etats-Unis déjouaient systématiquement les anticipations des optimistes du marché. Ce fut un véritable festival vendredi, avec des ventes au détail aux Etats-Unis en hausse de 0,2% au lieu des 0,5% anticipés (après une hausse de 0,4% en juillet… recalculée partant d’un modeste 0,2%).
Les prix à la production compilés par le Département du Travail US ressortaient en hausse de 0,3% (contre 0,1% attendu) en raison d’une hausse de 0,8% des prix de l’énergie (contre une stabilité en juillet).
Enfin, la confiance des consommateurs du Michigan a dévissé de 5,3 points, chutant vers 77 ; elle était attendue à 81 après une baisse au mois d’août.
Comme le soulignait Françoise Garteiser dans l’une de ses chroniques du week-end, l’optimisme des marchés — brusquement renforcé par l’éloignement du risque d’embrasement du Proche-Orient — a fait un bond ces derniers jours. Il culmine désormais à des niveaux qu’on n’avait plus observés depuis l’automne 2007.
Les indices de confiance traduisent un état d’esprit unipolaire qui n’envisage rien d’autre que la hausse des marchés. Cela tombe sous le sens : ils ont invulnérables en toutes circonstances.
Nous n’avons pas oublié les sept semaines de hausse consécutives à cheval sur fin 2012 et le début de l’année 2013… alors que les experts ne cessaient de nous décrire des marchés mortifiés et même moralement anéantis par la « falaise fiscale ».
La remontée des rendements obligataires amorcée début mai a été saluée par une série de 12 séances de hausse sur 14 — et un record annuel collectif des places occidentales le 21 mai. Puis la hausse s’est brusquement interrompue avec le subtil changement de discours de la Fed du 22.
▪ La Syrie ne change rien à l’affaire
Les tensions avec la Syrie, dont on nous explique qu’elles auraient fait plonger Wall Street n’ont en réalité pas coûté plus de 2% aux indices américains ou à l’EuroStoxx 50. Ils avaient entamé une consolidation toute naturelle dès la mi-août.
Le dossier syrien n’a commencé à faire la une des médias qu’à partir du 26 août — le temps que les preuves d’une attaque de populations civile au gaz soient assez solidement établies.
A partir du moment où le ton a commencé à monter entre Washington, Paris et Damas, les indices américains ont perdu 2% à 2,5% au maximum… et puis plus rien.
Pourtant, les gérants et les stratèges nous rejouaient leur grand numéro d’oracles d’avant l’invasion de l’Irak. Ils nous expliquaient qu’il faudrait commencer à « payer » le marché dès que les premiers missiles se seraient abattus sur Damas. Cela afin de profiter de cours bradés après la chute abyssale de 4% des marchés survenue après une imperceptible remontée de 12% en ligne droite et sans consolidation entre le 24 juin et le 5 août.
Oui, une envolée de 12% des actions tandis que les taux longs grimpent de 25%, c’est une « normalisation ».
Une correction en deux vagues de -3% puis -2% sur une période de huit séances (six et deux), c’est un effondrement des cours qui procure une occasion historique de réinvestir à bon compte, parce qu’à 4% des sommets historiques, les actions sont devenues incroyablement bon marché (surtout avec des taux longs franchissant les 3%).
Alors pourquoi faudrait-il s’inquiéter des dernières statistiques américaines ? C’est vrai, les chiffres publiés n’étaient pas très bons… mais attendez, ils auraient pu être bien pires.
Et puis deux mois de croissance molle, de chute des ventes immobilière, de recul de la population active, de dérapage et de crise des pays émergents, ce n’est tout de même pas cela qui va remettre en cause le scénario de la reprise économique en Europe ou aux Etats-Unis.
Autrement dit, nous avons peut-être assisté à une espèce de « tout petit creux » en fin d’été mais rien d’inquiétant… Quant au ralentissement du QE3, il est déjà dans les cours, tout comme des taux longs à 3,50% après que la Fed aura annoncé un tapering prudent qui sera applaudi par les marchés.
Le soulagement consécutif au « fait accompli » devrait suffire à contrebalancer début octobre des résultats trimestriels médiocres (parce que juillet et août n’ont pas été brillants et septembre ne marque aucun redressement)… Et puis, les marchés ont tellement baissé !