Nous continuons notre exploration des raisons pour lesquelles l’économie mondiale est dans un tel pétrin aujourd’hui avec un deuxième extrait du Nouvel Empire des Dettes, réédition enrichie et complétée du livre de Bill Bonner et Addison Wiggin.
▪ Jusqu’alors, toutes les fanfaronnades, toutes les pantalonnades nous paraissaient de simples "erreurs". Pourquoi les Etats-Unis enregistreraient-ils des déficits commerciaux si énormes, nous demandions-nous ? Il semblait évident que c’était là une mauvaise idée : le pays courait vers la ruine. Et pourquoi les Etats-Unis envahiraient-ils l’Irak ou déclareraient-ils une guerre contre le terrorisme, quand il était quasiment sûr que ces deux actions se révèleraient de coûteuses bévues ? On aurait dit que les Etats-Unis cherchaient à s’auto-détruire — d’abord en menant leur économie à la faillite, puis en se créant des ennemis sur toute la planète.
Nous avons fini par comprendre que c’était bien sûr cela qu’il fallait faire, exactement.
Répétons-le : les gens finissent par croire ce qu’ils ont besoin de croire quand ils ont besoin de le croire. L’Amérique est un empire ; ses habitants doivent donc raisonner en tant qu’impérialistes. Pour accomplir leur mission, les citoyens américains ont dû devenir ce qu’Orwell appelait des "pantins creux". Un peuple impérial est obligé de croire que son statut de puissance impériale est mérité ; autrement dit, il est obligé de croire qu’il a le droit de dicter leur conduite aux autres peuples. Pour ce faire, il doit croire en un mensonge — le fait que sa culture, sa société, son économie, son système politique, ou bien lui-même sont supérieurs aux autres. Cette croyance relève d’une prétention illusoire, mais elle est si grande et lumineuse qu’elle exerce sur l’ensemble de la société une force d’attraction telle que bientôt, elle y a mis en mouvement tout un système nourri de vanités reluisantes et de vaines illusions aussi éloignées de la vérité que Pluton l’est de la Terre et aussi étranges que le sont les anneaux de Saturne.
Les Américains croyaient qu’ils pouvaient s’enrichir en dépensant l’argent des autres. Ils croyaient que les pays étrangers voulaient vraiment être envahis et soumis à leur loi. Ils croyaient qu’ils pouvaient s’endetter indéfiniment et que leurs maisons lourdement hypothéquées valaient autant que de l’argent sur un compte bancaire. Voilà ce qui rend l’étude de l’économie contemporaine si amusante. Nous observons la situation à travers nos télescopes et rions comme l’avocat qui, dans une affaire de divorce, regarde les photos du riche mari pris en flagrant délit d’adultère : nous savons qu’il y a de l’argent à se faire.
D’habitude, les choses inhabituelles finissent par redevenir normales. S’il n’en était pas ainsi, le concept de "norme" serait obsolète. C’est pour cette raison que l’on peut s’attendre à ce qu’une action faiblement cotée augmente et à ce qu’une autre, fortement cotée, baisse. D’habitude, la valeur des maisons augmente en gros au même rythme que l’inflation, les revenus ou le PNB — pas plus vite. Pourtant, dans les 10 années précédant 2006, elle a augmenté de trois à cinq fois plus vite. Le prix des maisons ne peut pas augmenter plus vite que les salaires pendant très longtemps : il faut que les gens soient en mesure d’en payer le prix pour les habiter. On pouvait donc s’attendre à ce que la valeur des maisons retombe également à un niveau moyen.
Ces retours à la moyenne sont peu sujets à controverse. Nous ne pouvions prédire quand ils se produiraient ni de quelle manière, mais il était presque certain qu’ils se produiraient.
Le retour à des moyennes d’une autre nature, touchant un domaine plus large de la société, est pour nous plus intéressant à étudier. En soi, un empire est une chose rare. Une chose normale, mais tout de même inhabituelle : la nature a horreur des monopoles. Or, un empire est un monopole de la force. La nature le tolérera pendant quelque temps ; mais tôt ou tard, le peuple impérial doit redevenir un peuple normal, et les croyances absurdes qu’entretient ce peuple impérial doivent elles aussi être balayées. Elles doivent rejoindre ce paradis des charlatans où se pavanent les idées grotesques et les flatteries futiles tandis que les dieux, en les montrant du doigt, se tordent de rire et, hilares, se roulent par terre en se tenant les côtes, comme si le ridicule de cette affaire allait les tuer.
Le dollar aussi est une chose extraordinaire. Savez-vous quelle est la valeur moyenne de la monnaie-papier sur le long terme ? Eh bien, c’est zéro. Telle est, la plupart du temps, la valeur d’une monnaie-papier ordinaire… et cette valeur est le trou noir dans lequel sont tombées toutes les devises-papier par le passé. Peut-être y a-t-il quelque chose de magique dans le dollar qui le rend différent de toute autre devise-papier utilisée par le passé — c’est-à-dire quelque chose qui l’empêche de revenir à sa valeur moyenne ? Aucun des auteurs de ce livre en tous cas ne connaît ce magique secret. Au cours des cent dernières années, la valeur du dollar a diminué plus vite que celle du denier romain après le règne de Néron. Cela n’est point surprenant : les pièces romaines étaient en or ou en argent. Pour diminuer la valeur de ces pièces, il fallait en réduire la teneur en métal précieux. Or, les gens n’aimaient pas cela. En revanche, aucun métal précieux n’entre dans la fabrication du dollar. Pas même du métal pauvre.
Le dollar n’est rien que du papier. Il n’a aucune valeur en soi. Il n’y a rien qu’on puisse retirer de sa composition, puisque rien, hormis du papier, ne le constitue. Avec le temps, il est certain que le dollar reviendra à sa vraie valeur — qui est aussi nulle qu’un 0-0 dans un match de football.
[NDLR : Retrouvez la suite de cette analyse en profondeur des facteurs qui ont précipité la crise financière de 2007-2008 — assortie d’un point de vue pour le moins lucide et sans concessions de la situation de l’Empire américain : commandez dès maintenant Le Nouvel Empire des Dettes simplement en cliquant ici]