▪ "Nous savons que ça doit se produire. Et quand ce sera le cas, nous sortirons".
La personne qui prononçait ces mots à Londres la semaine dernière était un gestionnaire de fonds professionnel parlant de ce qui est probablement l’information financière la plus importante de votre vie. Il parlait sans doute pour des milliers de ses confrères. Tous sont confiants sur le fait qu’ils pourront repérer le virage du marché obligataire quand il se produira… et opérer une retraite ordonnée pour quitter la fête.
Nous sommes encore aux petites heures d’un marché baissier des obligations qui durera probablement jusqu’au milieu du siècle. En fait, il est si tôt que lorsque le soleil se lèvera enfin, nous nous rendrons peut-être compte que nous ne sommes pas encore dans un marché baissier, après tout. L’évolution de ces deux derniers mois — et surtout des deux dernières semaines — pourrait n’être qu’une autre des célèbres feintes de M. le Marché.
(Nous pensons d’ailleurs que M. le Marché fait une autre fameuse feinte sur le marché de l’or. Nous y reviendrons…)
Mais sur le marché de l’obligataire, on dirait qu’on y est. Les obligations continuent de dégringoler. Dans la mesure où il faut que ça arrive un jour ou l’autre, nous allons supposer que le marché obligataire a atteint son sommet. Si nous sommes en avance… nous dégusterons une bonne tasse de café tandis que les autres investisseurs se ruent vers la sortie.
En attendant, le New York Times rapporte qu’il y a des encombrements aux issues de secours :
"Wall Street n’avait pas pensé que ce serait aussi épouvantable".
"Voilà des années qu’on anticipe un sell-off des obligations, étant donné la longue période de popularité dont ont profité les obligations souveraines et corporate. Cependant, la plupart des stratégistes s’attendaient à ce que les investisseurs sortent progressivement leur argent des obligations, permettant aux taux d’intérêt de remonter lentement."
"Au lieu de cela, depuis que le président de la Réserve fédérale, Ben S. Bernanke, a récemment suggéré que la vigueur de la reprise économique pourrait permettre à la Fed de ralentir son programme d’achats obligataires, des vagues de vente ont secoué les marchés".
"La valeur des bons à 10 ans du gouvernement américain a chuté de 10% par rapport au sommet de début mai".
"Les ventes ont été particulièrement visibles parmi les investisseurs individuels, qui se sont débarrassés de la somme record de 48 milliards de dollars de parts dans des fonds d’investissement obligataires en juin, selon TrimTabs, une société de données. Mais les hedge funds et d’autres grands investisseurs institutionnels ont également clôturé ou réduit leurs positions obligataires".
"’Le sentiment que l’on perçoit, c’est que les gens vendent d’abord et posent des questions ensuite’, a déclaré Hans Hume, PDG du hedge fund Greylock Capital".
▪ Notre conseil du jour…
Ceci, au passage, est notre conseil : sortez maintenant. Vous pourrez poser toutes les questions que vous voulez plus tard.
Tout le monde a vu (ou voit encore) venir un retournement du marché obligataire. Les obligations grimpent depuis 33 ans. Elles ne peuvent pas grimper éternellement. Ce qui ne peut durer éternellement doit s’arrêter un jour. Pourquoi pas aujourd’hui ?
Mais tout le monde ne peut pas sortir de ses investissements obligataires de manière calme et ordonnée. Les investisseurs affluent sur le marché depuis trois décennies : il est bondé. Et quand les prix obligataires commencent à baisser… comme ils l’ont fait durant la première semaine de mai… plus on attend avant de sortir, plus on perd.
Alors que font les investisseurs ? Ils cherchent la sortie. Tous en même temps. Tous veulent vendre mais… à qui ?
Les investisseurs obligataires ont choisi de rester à la fête — même alors qu’ils voyaient un peu de fumée s’élever dans un coin. Maintenant, ils doivent décider quoi faire. Certains hésiteront… attendront trop longtemps… et chaque rebond les encouragera à attendre plus encore, dans l’espoir de récupérer leurs pertes. D’autres trébucheront… et se feront piétiner, vendant leurs obligations à des prix cassés.
Est-on déjà en pleine panique ? Non… nous n’avons senti que de légers effluves de peur. Le rendement du T-Note à 10 ans n’est encore que de 2,58%. La vraie puanteur viendra plus tard… quand la fumée emplira la pièce… que quelqu’un tirera la sonnette d’alarme… et que les investisseurs verront que les issues sont bloquées.