▪ Faites tomber un boulet sur le pied gauche de Wall Street et c’est le pied droit de l’Eurozone qui se met à enfler. Le CAC 40 et le DAX 30 commencent à boiter tandis que le Dow Jones se remet à cavaler comme un lapin.
Ce paradoxe s’est encore vérifié vendredi avec des places européennes qui s’inscrivaient en recul de 1,55% en moyenne… tandis le Dow Jones terminait à l’équilibre, après avoir perdu au pire 0,6%.
Nous avons vu se confirmer la règle qui veut que Wall Street clôture tous les vendredis (depuis le 4 janvier) au plus haut du jour, de la semaine, du mois et de l’année.
Pour le Dow Jones, c’est carton plein : quatre séances de hausse consécutives suivies d’une cinquième… de stabilité (gain hebdomadaire de 1,7% et annuel de 13,4%), en dépit d’actualités conjoncturelles défavorables de A à Z.
Alors qu’une bonne majorité d’actions américaines clôturaient dans le rouge, le S&P 500 et le Nasdaq ne se sont effrités que de -0,28% et -0,16%respectivement. Le Russell 2000 reculait de 0,44% et le Dow Transport de 0,34%, mais ces deux indices ne font pas la Une des médias généralistes ou financiers : leur repli importe peu.
▪ Zèle et détermination pour la hausse
C’est donc le Dow Jones qu’il convenait de soutenir par tous les moyens contre vents et marées… et c’est ce que les sherpas de Wall Street ont fait avec zèle et détermination. Ce qui aurait été qualifié en d’autres temps de manipulation indicielle grotesque — qui ne trompe personne — est qualifié aujourd’hui de « preuve de résilience » de Wall Street.
De la résilience, il en fallait en effet pour digérer deux très mauvais chiffres (ventes de détail et indice de l’Université du Michigan) parus aux Etats-Unis à 90 minutes d’intervalle.
Mais vu de Wall Street, ces chiffres déprimants induisent un open bar de la Fed sur les liquidités au-delà du milieu de l’été… soit toujours plus de carburant pour faire monter artificiellement la bourse, à contre-courant des fondamentaux.
Le « bol de punch » de la Fed ne semble pourtant pas avoir beaucoup d’effets positifs sur l’économie réelle. Pour preuve : la baisse surprise de 0,4% des ventes au détail au mois de mars ou le tassement de l’activité du secteur immobilier, en dépit des discours triomphalistes concernant le marché hypothécaire depuis le début de l’année.
Selon le département du Commerce US, les ventes de détail sur 12 mois ressortent en augmentation de 2,8%, loin des 3,2% espérés.
Plus surprenant encore, l’indice de confiance des ménages de l’Université du Michigan se solde par une déception assez spectaculaire — et totalement inattendue. Le baromètre mensuel a en effet chuté de 78,6 fin mars vers 72,3 (en préliminaire pour le mois d’avril) au lieu d’une hausse de 0,7 attendue à 79,3.
C’est le monde à l’envers : Wall Street pulvérise record sur record et les ménages américains n’affichent plus un moral d’acier !
Mais alors, où se cache « l’effet de richesse » induit par les niveaux records des indices boursiers, censé redonner l’envie de consommer et de croire en un avenir radieux ?
▪ Vendredi noir pour les matières premières… et l’or
Ce fut en tout cas un vendredi noir pour ceux qui avaient diversifié leur patrimoine dans l’or et les matières premières !
Cette journée restera marquée par la brutale chute de l’or : perdant -5%, il est passé sous les 1 500 $/once jusque sur 1 481 $, avec une clôture au plus bas du jour suite à une chute finale de 1% au cours des cinq dernières minutes.
C’est la plus forte baisse observée depuis le 21 septembre 2011 (-5,4%) ou le 1er décembre 2008 (-5,6%).
Ce fut également une fin de journée cauchemardesque pour les détenteurs de contrats à terme sur l’argent-métal. Ce dernier s’est effondré de 6,6%, à 25,9 $, enfonçant le support des 26,6 $/once.
Cette chute historique de l’or survient 72 heures après l’édition d’une note négative de Goldman Sachs qui abaisse ses objectifs de cours sur 2013 et 2014.
Difficile de mettre un nom sur le catalyseur de ce mini-krach : est-ce la peur de voir Chypre vendre son stock de métal précieux ? Est-ce le constat d’une chute de 0,7% des prix à la production en mars aux Etats-Unis (pas d’inflation en vue, donc pas de raison de s’en protéger) ?
L’onde de choc ébranle l’ensemble du secteur des matières premières. Le pétrole décrochait également de 2,8% vers 91 $, le cuivre chutait de 3%, le platine et le palladium de 3% également. Sans compter que 48 heures auparavant, les forums boursiers évoquaient en boucle le krach des Bitcoins, passés de 200 $ à 75 $ vendredi.
Nous finissons par nous demander — face à autant de mouvements aussi incompréhensibles que brutaux en un laps de temps aussi réduit — s’il ne s’agit pas d’une stratégie bien orchestrée afin de soutenir le Dow Jones en vendant les actifs libellés en euro, tout en instillant une peur viscérale concernant tout support d’épargne autre que les actions.
D’une pierre deux coups, cela semble bien joué… Sauf que cela devrait nous offrir bientôt une magnifique opportunité d’investir sur les métaux précieux et les valeurs minières qui sont depuis trop longtemps au tapis.