▪ Ce week-end, le CIT Group Inc., avec 71 milliards de dollars d’actifs, est entré en lice pour la cinquième plus grosse faillite de l’histoire des Etats-Unis. CIT est la dernière victime en date de la crise du crédit, qui n’est apparemment pas encore terminée. CIT est un prêteur commercial auprès des PME qui s’est retrouvé dans l’incapacité de rembourser sa dette. N’étant pas une banque de dépôt, CIT doit financer la croissance de ses actifs par le biais de la titrisation et de l’emprunt, deux choses plutôt difficiles à obtenir ces temps-ci.
La mise en faillite sous "Chapitre 11" de CIT l’autorise à passer par une restructuration sous la protection des tribunaux. Les détenteurs d’obligations pourraient s’en sortir sans trop de casse. En revanche, le Trésor américain a déjà perdu 2,3 milliards de dollars de l’argent du TARP qu’il a injecté dans l’entreprise. Et les plus gros perdants, ce sont les petites entreprises qui ne vont pas recevoir de financement. C’est une mauvaise nouvelle pour l’économie réelle.
▪ L’un des résultats des taux bas de la Fed, c’est que les banques américaines se sont approvisionnées en bons du Trésor américain pour stabiliser leurs bilans. Nous vous avons dit que cela risquait de mettre de nouveau les banques en danger, si la valeur de ces bons était réduite de façon radicale par les forces du marché. On risquerait alors d’avoir un autre effondrement des nantissements bancaires qui pourrait, s’il était très important, entraîner un effondrement de la valeur. L’insolvabilité redevient un problème.
Mais ne sous-estimez pas la capacité de la bulle obligataire à durer plus longtemps que ce que tout le monde pense. Les dirigeants fédéraux se réunissent cette semaine et ne vont certainement rien changer. Acheter des bons du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires — avec des réserves nouvellement créées (assouplissement quantitatif) et qui peuvent toujours être étendues — n’est qu’une formalité. Alors les baissiers obligataires comme votre chroniqueur (qui pense aussi que les bons du Trésor américain sont une bonne opération à court terme) devraient-ils rester sur leurs gardes ?
Oui !
▪ Une nouvelle régulation a été passée par la Financial Services Authority britannique [équivalent de l’AMF française, ndlr.] afin de mettre en place de nouvelles règles de trésorerie pour les actifs des banques. Pour résumer, la FSA peut exiger des banques qu’elles détiennent un certain pourcentage d’actifs pouvant être rapidement liquidés pour lever des fonds si besoin est. Des actifs dont la qualité de crédit est basse (des junk bonds ou des obligations d’entreprises moins bien notées) pourraient ne pas faire l’affaire.
Ce que cela signifie — si on lit entre les lignes — c’est que les seuls actifs qui peuvent correspondre aux nouveaux critères de la FSA sont les obligations souveraines. Cela rend peut-être les actifs bancaires plus faciles à liquider. Mais nous ne dirions pas que détenir plus d’obligations gouvernementales rend les actifs des banques plus sûrs, ou que cela améliore la position du capital dans le secteur financier.
En réalité, ces nouvelles exigences fournissent surtout au gouvernement un moyen de forcer les banques à avaler les nouvelles émissions obligataires. Plutôt que d’avoir à trouver des créditeurs parmi les nations émergentes qui ont un bon niveau d’épargne, les gouvernements des Etats-Unis et du Royaume-Uni auront un marché captif dans leur propre secteur financier. Les banques se gaveraient ainsi progressivement d’obligations souveraines — à condition que les agences Moody’s, Fitch ou S&P n’aient pas baissé le degré de solvabilité des Etats-Unis et du Royaume-Uni.
Cela ressemble bien à un nouveau geste vers la nationalisation du secteur financier, mais de façon très intelligente. Et cela ne dérange sûrement pas beaucoup les banques en ce moment. Echanger des obligations gouvernementales contre de l’argent nouvellement imprimé par la Fed était une opération quasiment sans risque qui a permis de soutenir les bénéfices des banques pour le premier semestre. C’est donc une bonne opération.
Mais sur une perspective plus large, comme l’ont dit Nial Ferguson et Ken Rogoff ce week-end, cela signifie que la crise financière pourrait bientôt devenir une crise de la dette gouvernementale. Jusqu’à maintenant, les pertes des entreprises financières ont été transférées au secteur public. Mais cela n’a pas résolu le problème. Cela l’a simplement déplacé sur une scène plus grande… et le spectacle continue.
Nous pensons que cela marque le début de la fin du Super Cycle de la monnaie fiduciaire. Une crise de la dette gouvernementale revient à dire que le modèle de financement de l’Etat-providence est brisé. Seulement, dans le cas présent, il n’y a pas d’organisation plus importante pour renflouer l’Etat-providence.