▪ Les places européennes avaient progressé dans le vide lundi… Normal, Wall Street était en congé (pour cause de fête du Travail). Mais on allait voir ce qu’on allait voir ce mardi, avec des investisseurs américains ragaillardis par un week-end à rallonge.
Nous ne savons pas trop s’ils ont décidé de prolonger les bienfaits du Labor Day en coinçant la bulle 24 heures de plus. Rappelons que d’après Pierre Dac, « si l’on ne travaillait pas le lendemain des jours de repos, la fatigue serait vaincue ». Mais le fait est qu’ils n’ont en rien contribué à faire progresser le chiffre d’affaires à Paris où il s’est échangé 1,8 milliard d’euros contre 1,6 la veille. Cette différence de 10% à 15% est systématique depuis des années entre le lundi et le mardi.
▪ Les indices : entre montgolfières et pédalos
Les vendeurs étaient rares lundi. Les indices en ont profité pour grimper comme des montgolfières dont on referme la soupape à air chaud. Les acheteurs étaient rares ce mardi : les indices se sont enfoncés comme des pédalos dont on aurait percé les flotteurs.
Dans un cas comme dans l’autre, les deux engins ne pèsent intrinsèquement ni un kilo de plus ni un kilo de moins, c’est juste leur capacité de flottaison qui varie !
Le CAC 40 a subi un sévère retour de flamme sous les 3 460 points — seuil testé peu après la clôture lundi puis en pré-ouverture ce mardi ; puis il a coulé au cours des cinq dernières minutes sous le seuil psychologique des 3 400 points.
Ce palier symbolique semblait pourtant facile à préserver, vu l’étroitesse des volumes — les plus creux observés sur la période août/septembre depuis 13 ans — mais ce ne fut pas le cas.
Après avoir clôturé au plus haut la veille, tous les indices du Vieux Continent (appartenant ou non à la Zone euro) ont également clôturé au plus bas.
▪ Encore un coup des robots ?
Est-ce que les robots traders ne sont pas en train de nous resservir le scénario des 30 et 31 août ? Mais si, rappelez-vous : un coup bien tordu qui consiste à prendre prétexte d’une actualité économique déprimante pour casser un support bien identifié. Le but est de générer des positions short avant d’arracher les cours à la hausse dès le lendemain en prétextant que les chiffres étaient si mauvais que les banques centrales vont forcément intervenir pour sauver le monde.
Cela fait des mois que les robot traders nous jouent la même partition. Piéger les opérateurs qui tiennent compte des mauvais fondamentaux le matin en faisant grimper le marché l’après-midi sur des rumeurs. Ces dernières émanent toujours de sources anonymes mais prétendument bien informées ou de déclarations à peine crédibles mais que l’on monte en épingle comme s’il s’agissait de la signature du rachat de l’Alaska à la Russie en 1867 pour la somme folle de deux milliards de dollars… version 2012.
▪ Scoop : le marché aurait eu une réaction logique !
Une fois n’est pas coutume, les marchés semblent avoir eu une réaction logique vers 16h, suite à la parution de deux mauvais chiffres aux Etats-Unis.
Tout d’abord, les dépenses de construction ont chuté contre toute attente de 0,9% en juillet — soit leur plus forte baisse en un an. Il s’agit du premier recul observé depuis le mois de mars, et les chiffres sont aussi mauvais qu’il s’agisse de l’habitat individuel ou collectif.
Mais la plus grosse déception provient apparemment de l’indice ISM (l’Institute for Supply Management) qui s’est contracté à 49,6 en août, contre 49,8 en juillet — au lieu d’un rebond vers le seuil pivot des 50 comme c’était anticipé.
C’est chronologiquement le tout dernier de la série. Un petit rappel des précédents PMI et ISM publiés depuis le 1er septembre nous semble édifiant — pour mémoire, un indice d’activité s’enfonçant en-dessous de 50 indique une tendance à la récession.
– PMI manufacturier Chine : 49,1
– PMI Singapour : 49,2
– PMI France : 46
– PMI Allemagne : 44,7
– PMI Italie : 43,6
– PMI Espagne 44 (contre 42,3 en juillet, un petit miracle)
Et enfin hier, ISM Etats Unis : 49,6
▪ Double peine pour l’Europe
L’Europe se trouve donc confrontée à la double peine. Un processus récessionniste au sud — dont chacun sait que les exigences de rigueur germaniques ne font qu’aggraver la situation ; et une insolvabilité qui pourrait mener Moody’s à dégrader les pays du nord, car ceux qui financent les plus faibles risquent de devoir mettre la main à la poche et dégrader leur bilan.
La solution à ce second problème semble évidente pour les marchés : la BCE n’a qu’à imiter la Fed (monétiser à tour de rotatives) et la question des dettes sera réglée !
La stratégie de Mario Draghi se précise toutefois au fil des déclarations. Il rappelle que le rachat de dettes souveraines d’une maturité n’excédant pas trois ans (sur le marché secondaire) rentre dans le cadre des actions prévues et autorisées par les statuts de la BCE et ne saurait être considéré comme un renflouement des Etats.
Mais que voilà une mise au point révolutionnaire !
Les marchés tablaient depuis le 25 juillet dernier sur des rachats visant toutes les maturités, afin de réduire les coûts de refinancement à moyen et long terme — notamment sur les échéances comprises entre cinq et dix ans. Ils ne peuvent compter que sur des opérations de refinancement à trois ans.
Rien n’interdit à l’Espagne ou l’Italie d’émettre des emprunts d’une maturité allant de six mois à trois ans à perte de vue. Sauf que les opérations devront être renouvelées à une fréquence telle que cela risque d’assécher rapidement l’épargne mondiale… ou d’exercer une concurrence frontale par rapport aux émissions américaines, japonaises et désormais indiennes. Delhi devient un gros emprunteur alors que les déséquilibres budgétaires explosent avec la décélération de son PIB).
Mais surtout… offrir de nouveaux refinancements à trois ans aux banques et aux Etats, cela ne vous rappelle rien ?
Bon d’accord, cela ne nous a pas laissé un souvenir impérissable… cela n’a pas résolu les problèmes de solvabilité des pays du sud de l’Europe… ni eu le moindre impact mesurable sur la croissance ni le chômage… Mais de nombreuses banques à court de liquidités s’étaient vues offrir une rasade de potion magique et lesmarchés en avaient profité pour bondir de 20% en trois mois (faisant fi des fondamentaux) en 2012, avant de tout reperdre en six semaines.
Voilà vous y êtes: c’étaient les LTRO !
▪ La magie du chiffre 3
Mario Draghi n’a pas oublié la magie du chiffre trois ; il se propose de le faire figurer en bonne place dans toutes les stratégies qu’il pourrait mettre en place cet automne.
Mais pas que !
Voyez comme le trois s’impose déjà avec force dans le calendrier de Super Mario avec les fuites organisées du 3 septembre (via une source anonyme), la réunion du 6 (suivie de la traditionnelle conférence de presse) et le grand rendez-vous du 12 (le MES devrait recevoir l’onction des Sages de Karlsruhe).