▪ La dernière séance de la semaine écoulée a constitué, à de multiples points de vue, le symétrique de celle de vendredi dernier. Nous avons assisté à une forte accélération à la baisse sous 3 195 points en fin de parcours sur le CAC 40 (-1,88% à 3 168 points).
C’est encore plus frappant dans le cas de Madrid qui a replongé de 3,1%, alors que les taux longs ont refranchi les 7% — la production industrielle s’est effondrée de pratiquement 6% en juin. Avec une chute de 5,15% hebdo, l’IBX 35 est déjà revenu à la case départ, c’est-à-dire au niveau de clôture du 28 juin dernier.
L’envolée du 29 juin et celles des 2 et 3 juillet n’étaient apparemment qu’une farce et un piège à gogos, vu d’Espagne. Il ne faudra sans doute pas attendre longtemps pour faire le même constat à Milan et Paris si les si tensions se renforcent ce lundi sur les dettes des PIIGS.
Les valeurs financières, arrachées à la hausse une semaine auparavant, ont eu la trajectoire strictement inverse jeudi et vendredi (-5% en moyenne). Le bilan hebdomadaire, lourdement négatif, invite à se questionner sur la solidité des motifs qui les avaient faites flamber le vendredi 29 juin.
▪ Sommet européen… encore un !
Nos doutes ont été renforcés ce week-end par l’annonce d’un nouveau sommet européen de l’Eurogroupe le 20 juillet. Nous ne connaissons pas encore l’ordre du jour exact, mais d’après les éléments d’information distillés par Pierre Moscovici, il pourrait être consacré à la mise en place de la supervision bancaire intégrée au niveau de la Zone euro.
Il s’agit du préalable à la recapitalisation directe des banques (espagnoles… puisque c’est bien d’elles qu’il s’agit) en difficulté par le MES. Rappelons d’ailleurs qu’il ne s’agit pour l’instant que d’un couteau sans manche dont les Européens n’ont pas encore forgé la lame.
▪ Le MES, un futur TARP ?
Le MES est dans les cartons depuis la mi-décembre 2010 (autour du 16 décembre 2010 si notre mémoire est bonne), mais il est encore loin d’être opérationnel.
Aux Etats-Unis, il n’avait fallu que 15 jours au Trésor américain et à Hank Paulson pour faire approuver un TARP (de 700 milliards de dollars) par le Congrès américain. Cet épisode avait eu lieu après la mise en faillite — largement délibérée — de Lehman et l’effondrement d’AIG, ce qui créa ce climat de panique financière qui a marqué les esprits.
Les fonds (du TARP) furent disponibles dès la mi-octobre pour les banques systémiques. Aujourd’hui, après la Grèce, c’est le système bancaire espagnol qui se substitue à la menace Lehman et cela fait trois mois et demi que ça dure.
Le MES, hasard ou coïncidence, serait doté — s’il voyait effectivement le jour — d’un capital représentant l’équivalent de 625 milliards de dollars, pouvant être augmenté de 80 milliards de dollars de fonds provenant du FMI. Mais ces derniers ne serviront à rien si un seul pays — mettons la Finlande — refuse qu’il serve à racheter des dettes bancaires sur le marché secondaire.
Car l’Allemagne, la Finlande (qui menace de quitter l’Eurozone), les Pays-Bas et même la Slovaquie ne sont pas le Congrès américain !
Difficile de les faire paniquer au sujet de la Grèce ou de l’Espagne (stratégie « choc et effroi »). Et pas question de leur faire approuver dans l’urgence un système qui rendrait leurs contribuables garants en dernier ressort des dettes de pays ayant vécu au-dessus de leurs moyens et auxquels il est bien difficile de faire confiance.
Pour en revenir au MES, son existence juridique devrait être entérinée mi-juillet. Mais il s’agit de le rendre opérationnel au plus vite. Cette expression (des plus approximatives) recouvre un délai allant de la fin de l’été (hypothèse archi-optimiste) à la fin de l’année (si tout va bien).
Autrement dit, si une nouvelle crise de confiance s’invite d’ici le prochain sommet de l’Eurogroupe, ne comptez pas sur le MES pour stabiliser l’Espagne. Il ne reste que la BCE pour éteindre l’incendie en reprenant son programme de rachats de dettes souveraines.
On en revient donc au schéma initial — d’avant la bouffée d’euphorie du 29 juin — où la BCE soutient les Etats qui refinancent les banques qui à leur tour rachètent les émissions du Trésor local, et le serpent continue de se mordre la queue. Les marchés adorent puisque c’est de la planche à billets !
Les investisseurs ont été déçus jeudi dernier aussi bien par les perspectives de croissance évoquées par Mario Draghi que par le refus de la BCE d’alimenter le marché en nouvelles liquidités — à l’inverse de la Bank of England qui va déverser 50 milliards de livres dans le système bancaire britannique.
Ils voulaient cependant encore espérer que Wall Street resterait imperméable à la déprime qui inondait les salles de marché en Europe.
Le coup de grâce est venu vendredi à 14h30 avec la déception causée par la faiblesse des créations d’emploi aux Etats-Unis (80 000 au lieu de 100 000 anticipés), mais surtout inférieures de moitié au score annoncé la veille par ADP dans le secteur privé.
▪ Wall Street limite la casse, mais pas les places européennes
Soyons objectif : Wall Street est effectivement parvenu à limiter la casse… mais trop tard pour freiner la dégringolade des places européennes.
Un rebond s’est amorcé à partir de la mi-séance (vers 20h/20h30) alors que les indices américains affichaient des baisses de 1,3% (Dow Jones, S&P) à 1,65% (Nasdaq).
Les trois indices majeurs n’ont pas subi le même genre de sell off que le CAC 40, le DAX 30 ou l’Eurostoxx 50. Les pertes s’avèrent inférieures de moitié, comme en témoigne le repli de 0,94% du S&P et du Dow Jones (-0,85% sur la semaine).
Le Nasdaq a certes perdu 1,3% vendredi mais il finit stable sur l’ensemble de la semaine.
Un véritable exploit si l’on ajoute à la dégradation du marché du travail la chute de l’ISM des services publiés jeudi… les piètres performances du commerce de détail… la baisse du moral des ménages, sans oublier une première salve de profit warning. Tout cela aurait pu engendrer une baisse beaucoup plus prononcée des marchés américains.
▪ Un QE3 avant novembre
Comme l’affirment depuis des semaines les permabulls qui tiennent la baraque à Wall Street, tout ceci se terminera par un QE3 avant les présidentielles de novembre. Sauf qu’à +15% de performance annuelle sur le Nasdaq, soit ils se fourrent le doigt dans l’oeil, soit ils doivent envisager que les indices américains sont sur le point de reperdre 10% à 15% en moyenne d’ici la fin de l’été, auquel cas la Fed pourrait enfin leur donner satisfaction.
Et cela garantirait-il le même genre de rally haussier qu’à l’automne 2010 ?
Regardez la réaction de Hong Kong à la seconde baisse surprise de 30 points de base de la banque centrale chinoise annoncée jeudi après-midi : une splendide envolée de…. -0,05%.