▪ La chute de 2,6% des places européennes ce lundi… nous ne l’avons pas vue venir !
Ce qui ne nous empêchait pas de nous demander depuis mardi dernier pourquoi le CAC 40 se maintenait à l’équilibre, alors qu’il avait toutes les raisons de revenir tester la zone des 3 000 points.
Maintenant que c’est chose faite, il est temps de s’interroger sur les causes de ce sell-off.
Les explications idiotes ne manquent pas et cela nous fait du bien de rire un peu de la naïveté de nos faiseurs d’opinion. L’un des motifs avancés concernant le CAC 40 serait que la cassure des 3 050 points aurait déclenché une vague de ventes automatisées dont la brutalité apparente résulte surtout du manque de contrepartie à l’achat ; et l’attraction exercée par le gap des 3 035 points aurait fait le reste !
▪ Les lundis se suivent et se ressemblent
Cela ne répond pas à la question de fond : pourquoi les indices ont-ils chuté aussi rapidement de 1% alors qu’une quasi-stabilité était anticipée peu avant la reprise des cotations ?
Cela ressemble presque à un gag mais les indices boursiers ont systématiquement rechuté de 2,5% à 3% par rapport à leurs niveaux de pré-ouverture les lundi 11 et 18. Ce lundi 25 illustrerait donc la fameuse règle du « jamais deux sans trois ».
Cela aussi peut sembler également une explication idiote… mais elle ne l’est peut-être pas tant que cela !
Si nous nous faisons abstraction de l’actualité du jour — c’est quasiment un préalable puisqu’elle ne contenait rien de pire que vendredi — nous observons que la chute du CAC 40 présentait hier exactement les même caractéristiques (vague pour vague) que celle des deux lundis précédents.
Au-delà de l’intensité, ce sont exactement les mêmes trading programs à l’oeuvre depuis la mi-mars qui ont été réactivés. Les robots matraquent la même liste de valeurs, avec le même acharnement cybernétique. Ils épargnent celles qui sont outrageusement surachetées et qui continuent de battre des records historiques (Essilor, CFAO, Virbac et quelques autres).
Plus les cours sont idiots plus le marché amplifie les mêmes excès dans les deux sens. Certains traders ont une explication qui tient apparemment la route mais qui fait froid dans le dos.
▪ Il n’y a plus que des robots sur les marchés
Il n’y a plus que des robots qui tournent le papier entre eux et qui multiplient les transactions fictives, ce qui marginalise puis finit par démobiliser (faute de contrepartie réelle) les rares opérateurs susceptibles d’adopter une attitude contrarienne.
Personne n’a plus d’argent pour acheter des titres bradés, personne ne possède plus les titres hors de prix (sauf à les vendre à découvert).
Dans un marché totalement déserté et archi-dominé par les fonds spéculatifs long short (stratégie qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Jacques) qui disposent d’une puissance de feu informatique incomparable, les indices boursiers deviennent aisément manipulables.
Cela permet soit de gagner de l’argent à partir de rien (simplement en prenant le consensus, quel qu’il soit, à contrepied, comme ces 15 derniers jours), soit d’envoyer un message aux autorités monétaires, de stress ou de satisfaction.
Ce lundi, ce fut clairement un message de défiance adressé aux élites européennes, et au couple franco-allemand en particulier.
▪ Tensions entre Paris et Berlin
Les marchés redoutent de voir le sommet européen du 28 et 29 juin se solder par une maigre moisson de compromis sans impact concret en matière de consolidation du système bancaire. Pendant ce temps, l’harmonie au sein du couple franco-allemand semble au plus bas.
Les désaccords entre Paris et Berlin sur les causes et les moyens de résoudre la crise ont ressurgi au grand jour au sommet du G20 de Los Cabos. Ce sont ces dissensions, quasi-philosophiques, qui expliquent la rechute de l’euro sous les 1,25 $.
Ce qu’espèrent secrètement les marchés, c’est que, conscients de la difficulté de restaurer la confiance par un accord à 16 ou 17 — les Grecs seront pratiquement absents des débats pour cause d’ennuis de santé au plus haut niveau de l’exécutif –, les Européens donneront carte blanche à la BCE. Cette dernière actionnera les extincteurs en attendant que Berlin et Paris s’entendent sur la couleur des uniformes des pompiers et la longueur de la grande échelle.
Si la BCE calme l’incendie qui fait rage (tout comme l’a fait la Fed en septembre/octobre 2008), les renforts n’auront plus qu’à venir étouffer les dernières braises et s’atteler tranquillement à la construction d’un pare-feu.
Il est peut-être un peu excessif d’évoquer une situation incontrôlable en Espagne et prématuré d’anticiper sa mise sous tutelle. Mais si rien ne change du côté du MES (qui n’a pas le levier ni le statut ad hoc pour secourir les banques ibériques) l’Europe court tout droit vers sa dislocation.
Cette journée de lundi n’a rien enclenché d’irréversible sur le front des Bourses occidentales mais une rechute de 1,6% du S&P et de 2% du Nasdaq doit être prise au sérieux.
Tout comme la glissade du CAC 40 sous les 3 030 points, laquelle débouche sur le retracement des 3 007 points, c’est-à-dire son plancher de clôture du 18 mai dernier. En cas de rupture des 2 990 points, la situation se dégraderait dangereusement, avec les planchers de novembre 2011 en ligne de mire.