▪ Nous avions promis de vous en dire plus sur notre non-reprise en L. Voilà cinq ans qu’elle dure, depuis l’effondrement des subprime. Et elle pourrait durer cinq… 10… 20… ou même 100 ans de plus.
D’accord, 100 est probablement une exagération, mais qui sait ?
« Une volte-face pour les investisseurs », déclare le Wall Street Journal. « La débâcle Facebook transforme de grands espoirs en un scepticisme qui pourrait virer à l’aigre » — nous avions dit la même chose ou presque dans ces lignes.
Mais peu importe. En hausse un jour. En baisse le lendemain. Qui s’en soucie ? Ce qui compte, c’est la grande tendance. Et la grande tendance, actuellement, c’est la baisse, selon nous. Baisse pour les actions. Baisse pour l’économie.
Lorsqu’une telle chose se produit, elle peut durer très longtemps. Preuve numéro un : le Japon !
Le Financial Times rapportait cette semaine que 1 000 yens investis dans les actions en 1985, « même en incluant les dividendes et l’inflation… n’ont absolument rien rapporté ».
L’oseille japonaise n’est allée nulle part… et n’a rien rapporté aux investisseurs. Elle est morte… morte… morte… depuis une génération. Si ça peut arriver aux actions japonaises… est-ce que ça pourrait arriver aux actions américaines — et occidentales dans leur ensemble ?
Bien sûr, pourquoi pas ?
Les Etats-Unis sont déjà « devenus japonais » en ce qui concerne les taux d’intérêt zéro perpétuels. Les problèmes de chômage structurel et l’échec complet des programmes de relance ressemblent au vécu japonais. Comme leurs homologues japonais, les décideurs américains n’ont pas de nouvelles idées… Ils n’ont que des idées aussi usées que mauvaises.
Quant aux investisseurs, ils ne sont pas au bout de leurs peines. Le Dow est encore au-dessus des 12 000 points ; les actions ne sont peut-être pas à leur sommet, mais elles sont loin de leur plancher. Quand on arrivera à un vrai plancher, on le saura. Dans ces moments-là, les investisseurs sont si moroses qu’il faut cacher les armes à feu. Dans ces moments-là, on a des PER de 5. Dans ces moments-là, on trouve les bonnes affaires. Un jour, à moins qu’on ne soit vraiment dans une nouvelle ère, il y aura de vraies bonnes affaires. Nous n’y sommes pas encore.
Le Wall Street Journal se trompe… à moins qu’il ne soit juste en avance. Les investisseurs n’ont pas fait volte-face. Pas encore. Ils ont fait virer leur confortable trajectoire haussière de quelques degrés il y a quelques mois. Mais il faudra qu’ils continuent à tourner pour faire un virage à s180 degrés. Et à ce moment-là… gare à la bombe !
▪ Qu’est-ce qui pourrait pousser les investisseurs à se détourner encore plus des actions ?
Deux choses.
D’abord, la situation en Europe pourrait se résoudre de manière bien plus grave qu’on l’attend. La Zone euro frôle le désastre depuis si longtemps que la plupart des gens pensent qu’elle restera éternellement à la marge… comme s’il y avait une barrière invisible l’empêchant de franchir le rebord.
Nous sommes connaisseurs, en matière de désastre, à la Chronique Agora. Nous que nous les aimions ; nous les apprécions simplement. Ils permettent de se débarrasser de pas mal de bois mort. Et, oui, d’une certaine quantité d’oseille. Les gens investissent mal. Ils dépensent bêtement. Tout va bien jusqu’à ce que le désastre frappe. A ce moment-là, l’oseille disparaît.
Nous avons remarqué une chose : les désastres semblent mettre plus de temps qu’on le pense à démarrer… puis ils évoluent plus rapidement qu’on l’avait anticipé. Vous vous rappelez l’explosion des dot.com ? On pouvait la voir arriver depuis des années. Et lorsqu’elle s’est produite… elle a vite éclaté. Pouf… des centaines de milliards de feuilles d’oseille… disparus !
Idem pour l’effondrement du secteur immobilier américain — en particulier des prêts subprime –, qui était visible bien longtemps avant de se produire. Nous avons attendu. Attendu. Et attendu encore. Ensuite, lorsque la catastrophe a commencé, les choses se sont produites si rapidement que nous avons eu du mal à suivre.
L’effondrement de l’Europe pourrait se produire rapidement lui aussi.
« Je ne sais pas pour vous », nous a dit un gestionnaire de hedge fund le week-end dernier, « mais si j’étais en Grèce, je chercherais des moyens de sortir mon argent du pays. Il y a de bonnes chances que les Grecs convertissent leurs dépôts en euros en drachmes. Les autorités fermeront sans doute les banques. Les Grecs vont probablement se révolter et brûler les banques… sinon les banquiers ».
« Alors que feriez-vous si vous étiez en Espagne… ou en Italie ? Est-ce que vous ne vous projetteriez pas un peu dans l’avenir ? Et ne voudriez-vous pas aussi tirer votre argent de là ? »
« Bien sûr que si. C’est pour cette raison que les Suisses parlent d’imposer des taux d’intérêt négatifs, pour essayer de décourager les autres Européens d’échanger leurs euros contre des francs suisses ».
« Inutile de regarder très loin pour voir ce qui se passerait. Attendez que les gens commencent à faire la queue devant les banques pour en retirer leur argent. Si vous étiez à Athènes et que vous voyiez une telle scène… est-ce que vous n’entreriez pas dans la file ? La plupart des gens le feraient. Et les banques n’ont pas assez d’argent pour honorer les demandes de tous ces déposants. Les banques doivent donc faire faillite… et tout ça s’écroule brutalement ».
Selon les médias, tout le monde se prépare à ce que la Grèce dise auf wiedersehen à l’euro. Mais même une sortie « ordonnée » de la Grèce est estimée à 1 000 milliards de dollars. Et il n’y a pas assez d’argent dans toutes les banques de l’Euroland pour payer une sortie désordonnée.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous maintenons notre drapeau d’Alerte au Krach.
▪ Deuxième cause majeure de krach
L’autre raison majeure de mettre en place des mesures de protection contre un krach est la suivante : toutes les grandes économies de la planète frôlent la récession.
Notre vieil ami Marc Faber déclare qu’il s’attend à une récession mondiale soit au dernier trimestre de cette année, soit au début 2013. Si on lui pose la question des probabilités, Faber les met à « 100% ».
Cent pour cent, ce n’est pas une probabilité, selon nous. Cela ressemble à une certitude. Nous doutons qu’une chose puisse être aussi certaine, en économie. Mais disons que les chances d’une « récession mondiale synchronisée » ne sont que de 50%. Cela met encore une grande marge entre les prix des actions actuels… et un plancher causé par une récession. Nous ne voudrions pas nous tenir dans cette marge, de peur que les marchés ne s’effondrent sur nos têtes.
Vous savez, cher lecteur, qu’il est futile de faire des prédictions, surtout quand elles concernent l’avenir. Mais nous allons quand même nous livrer à quelques suppositions. La Zone euro ne s’effondrera pas… ou du moins pas complètement. Les Allemands cèderont. Ce ne sera pas joli. On ne trouvera pas de « solution élégante ». Au lieu de ça, une combinaison maladroite, moche… et même grotesque… de concessions, de compromis et de corruption permettra de maintenir le projet européen en place. En fait, il sera même resserré. François Hollande et Angela Merkel trouveront un moyen de préserver l’union. Il est très probable que les Européens suivront les leçons des Etats-Unis. Ils écriront un gigantesque chèque aux Etats-membres pour couvrir… intégralement ou en partie… les dettes du passé.
L’Union sera responsable des dettes de la Grèce ou de l’Irlande, disons. La nouvelle dette garantie par l’Union européenne… sera d’une durée extrêmement longue (assez longue pour permettre à l’inflation de réduire la valeur réelle des obligations). Les dettes de l’avenir, en d’autres termes, seront de la responsabilité des Etats-membres (gare aux prêteurs !). Tout le monde sauve la face. Les prêteurs (les banques) obtiennent leur argent (plus ou moins). Les emprunteurs peuvent éviter les faillites désordonnées et la banqueroute (plus ou moins). Et l’Allemagne et la France peuvent garder leur Union européenne bien-aimée (plus ou moins)… sans se retrouver sur la sellette à cause du comportement grec à l’avenir.
Quant au deuxième danger — celui d’une récession et d’un marché baissier mondiaux –, les investisseurs n’auront pas tant de chance. Les probabilités ne sont peut-être pas de 100%, mais elles sont assez élevées pour qu’un investisseur avisé se mette à l’abri.
Attention à la disparition de l’oseille durant un krach. Ensuite, attention aussi : l’oseille disparue pourrait le rester pendant très longtemps.
2 commentaires
Un must de clairvoyance et d’humour
merci.
[…] Bill le disait il y a quelques jours : les désastres mettent du temps à se déclencher… mais une fois que le processus est […]