▪ La rechute de 2,7% des indices boursiers mercredi appartient à la catégorie des « cygnes noirs » : un scénario sans véritable précédent, sinon partiellement comparable à un contrepied techniquement imprévisible survenu fin février 2003, dans un contexte de capitulation psychologique peut-être identique à celui observé ce 23 mai.
Avez-vous remarqué d’ailleurs qu’une véritable malédiction semble sévir aux alentours du 20/23 de chaque mois ? On a constaté des trous d’air successifs le 23 mai 2011, le 17 juin, le 18 juillet, le 19 août, le 22 septembre puis les 23/24 novembre, 20 décembre 2011, le 23 mars dernier (en matinée) et plus encore le 23 avril… et le CAC 40 a remis ça le 23 mai.
Nous ne croyons pas au hasard : nous ne savons pas quelle stratégie algorithmique indicielle, quel obscur arbitrage lié à des options ou contrat sur la volatilité provoquent ce phénomène récurrent et quasi systématique… mais cela ressemble à une forme de manipulation cyclique des marchés.
S’il s’agit d’une simple coïncidence, elle commence à mériter le qualificatif de « prodige ». Le CAC 40 a repris 1,2%, l’Euro-Stoxx 50 1,3%… Autrement dit, la moitié des pertes subies la veille. Cela ne traduit pas de véritable regain de confiance au lendemain d’un vent de déprime totale qui a balayé les gains des deux séances précédentes — mais peut suffire à faire s’arracher les cheveux à pas mal de spéculateurs.
▪ Des tendances qui n’ont pas beaucoup de sens
C’est peu de dire que les « portes de saloon » battent à toute volée depuis une semaine. Ce serait présomptueux de penser qu’un rebond indiciel va conclure — comme d’habitude — cette zone de turbulences boursières du 18 au 23 de chaque mois. Si les commentateurs anglo-saxons continuent d’affirmer que l’axe franco-allemand est en voie de désintégration, que l’euro n’a aucun avenir, alors les plus sombres scénarios menacent les marchés.
Si nous faisons abstraction de la propagande qui pousse systématiquement les indices dans la direction qu’ils affichent au jour le jour, il n’en reste pas moins vrai que les arguments les plus convaincants semblent plaider en faveur des baissiers depuis la mi-mars.
Mais la valorisation, parfois ridicule et absurde de nombreux titres plaide en faveur d’un rebond des indices, ne serait-ce que parce que nombre d’entre eux sont victimes de programmes de trading algorithmiques qui terrorisent les acheteurs value.
Les cours deviennent tellement idiots, la baisse tellement incompréhensible, que tout le monde finit par se dire que personne ne serait assez crétin (et nous mesurons la force de cet adjectif) pour vendre le titre T à ce prix s’il ne détenait une information d’une importance capitale : un dirigeant parti avec la caisse, une menace de nationalisation dans une république bananière, un incident nucléaire dissimulé aux yeux du grand public…
La stupéfaction, c’est de découvrir que le titre T a été simplement survendu avec un acharnement robotique inflexible parce que l’absence d’acheteurs invitait le programme initial à amplifier la tendance afin de maximiser les gains à la baisse.
Plus vertigineux, il n’est même pas certain que l’auteur du programme short sache exactement à quels titres ses robots s’en prennent au quotidien. Tout est automatisé et le principe consiste à ne surtout pas polluer la stratégie par l’irruption de jugements de valeur (niveau absurde, anomalie historique du cours) concernant l’entreprise visée.
Mais un bon ou un mauvais score final tient parfois à peu de chose. C’est souvent l’affaire de quelques minutes d’euphorie ou de déprime sans véritable lien avec l’actualité.
▪ Les actions lâchent prise, les obligations tiennent bon
Le rebond technique de jeudi aurait d’ailleurs pu être bien plus modeste si les places européennes en avaient terminé vers 18h, puisque les indices américains ont brutalement lâché prise peu après 17h35. Vers 18h, le Dow et le S&P lâchaient -0,3%, le Nasdaq -0,65% (contre une hausse de 0,25% vers 17h).
Plombé par la publication d’indices ISM tous en repli au mois de mai, en France comme en Europe, le CAC 40 avait effectué une incursion logique sous les 3 000 points ce jeudi matin.
Les investisseurs ont cependant été rassurés par le maintien du « AAA » de la France par Moody’s (probablement jusqu’à fin 2012). Cela s’est traduit par une détente immédiate de 20 points des OAT 2022, qui affichaient 2,52% de rendement, un niveau proche des plus bas historiques d’octobre ou novembre 2011 (2,48%).
Avec de tels niveaux de rémunération (l’Allemagne a émis la veille des obligations à deux ans à 0,07%), la rentabilité des actions apparait incomparablement plus attractive… mais nous traversons une époque d’aversion presque totale au risque, et nous devons au petit miracle de mercredi soir d’avoir échappé à l’envolée du VIX au-delà de la barre des 25.
C’est le seuil au-delà duquel tout bascule et à partir duquel la situation devient difficilement récupérable — que ce soit pour une banque centrale ou un gouvernement qui réalise soudain que lA priorité est de rétablir la confiance.
Pour reprendre l’allégorie d’hier (danger d’explosion au gaz), il y a un moment où il faut couper radicalement le robinet du stress. Et il faut le faire avant qu’une poche de gaz trop importante se soit formée : si tel est le cas, il faut alors éviter la matérialisation de n’importe quelle étincelle, le temps que la concentration de gaz retombe… ce qui est quasiment mission impossible.
C’est exactement le genre de situation à laquelle les marchés sont confrontés depuis le 18 mai dernier : même une simple sonnerie de téléphone peut tout faire exploser.