▪ La semaine écourtée qui précède le long week-end de Pâques s’est achevée sur quelques rachats techniques sans conviction. Il s’agissait essentiellement des rachats de découvert, après une chute de 9% depuis le 19 mars dernier. Cette date marque le moment où le CAC 40 a inscrit un plancher à 3 280 points, soit -5% en trois séances.
Au final, avec un sursaut de 0,2% à 3 319 points, la performance hebdomadaire s’établit à -3,1%, ce qui reste honorable en comparaison du repli de 5% l’Euro-Stoxx50.
C’est la troisième semaine de repli consécutif ; cette fois-ci, la défiance du marché s’est alimentée de dissensions au sein de la Fed au sujet des stimulus monétaires, et surtout de la résurgence des craintes concernant la conjoncture espagnole et l’endettement du secteur privé (plus de 200%).
▪ L’Espagne n’a jamais connu une telle austérité
Le gouvernement de M. Rajoy admet qu’en dépit des sacrifices déjà consentis et d’un budget qualifié de « plus austère depuis que l’Espagne est devenue une démocratie », la dette publique subira une forte accélération en 2012, sur fond de contraction du PIB et de chômage de masse.
L’autre vrai sujet, ce sont les 200 milliards d’euros de créances douteuses (estimation la plus optimiste) liées à l’éclatement de la bulle immobilière. Deux millions de logements sont inoccupés et la moitié est peut-être invendable. Une baisse de 15% des prix est attendue en 2012, l’Etat n’ayant plus les moyens de soutenir la valeur du foncier.
Les valeurs bancaires européennes ont cristallisé cette semaine l’anxiété reflétée par de nouvelles tensions des taux au sud d’une ligne Londres-Francfort-Munich-Vienne. Elles chutent de 10% en moyenne (de 9% en France, de 15% en Italie).
▪ La Zone euro vit dans la crainte de la contagion
Le risque de contagion vers l’Hexagone est bien réel — peu importe la couleur du futur gouvernement français après le 6 mai. L’adjudication de 8,4 milliards d’euros d’OAT par l’Agence France Trésor s’est déroulée dans des conditions un peu moins favorables que la précédente émission du 1er mars.
Les taux longs (10 ans) français flirtent avec les 3% (2,98% contre 2,91% un mois auparavant). Les Bunds allemands de maturité comparable affichent 1,8% (l’écart était tombé sous les 100 points de base mi-mars, il remonte vers 120 points début avril).
Les taux longs espagnols grimpent à 5,71%, comme au plus fort de la crise — en Italie, ils avoisinent 5,3%. L’écart par rapport au rendement du Bund flirte avec les 400 points de base : la situation menace à nouveau de devenir incontrôlable.
▪ Le marché américain reste stoïque
Pas de quoi inquiéter Wall Street qui termine la semaine sur un biais légèrement positif en faisant la moyennes des indices américains par pondération.
Le S&P 500 (-0,06% à 1 398 points) se montre juste un peu indécis (c’est assez compréhensible) à la veille d’un pont de 3 jours ; rappelons que le Vendredi Saint est férié pour les marchés américains, pas le lundi de Pâques.
Le Nasdaq a nettement progressé (+0,4%) ce jeudi, mais cela n’a pas suffi à ramener l’indice en territoire positif sur la semaine écoulée. Le repli hebdomadaire s’établit à 0,35%, ce qui met un terme à une série sans précédent de 14 semaines de hausse sur une série de 15.
Mais les chartistes se rassurent bien vite. Ils soulignent qu’en clôturant au-dessus des 3 080 points, le Nasdaq préserve la MM20 qui sert de support depuis le 20 décembre 2011. La tendance reste donc positive même si le momentum semble moins vigoureux depuis une dizaine de jours.
Le Nasdaq 100 peut de surcroît compter sur une hyper-locomotive capable de tirer à elle seule le convoi des 99 autres composantes de l’indice. Il s’agit de la première capitalisation planétaire, du titre qui représente à lui seul plus du tiers des gains du Composite cette année et 25% l’an passé.
▪ Une hyper-locomotive qui booste le train américain
Le titre Apple pulvérisait jeudi soir un nouveau record absolu à 634 $, dans un volume de plus de 21 millions de titres. Cela représente 13 milliards de dollars, soit trois fois le volume d’échanges à Paris ce jeudi sur les 40 valeurs du CAC.
Apple est irrésistible, avec une hausse de 1,4% ce jeudi. La valeur éclipse les difficultés de l’Espagne et la tension des taux au sud d’une ligne Londres-Francfort-Vienne. Apple contrebalance même la déception de voir la Fed se désintéresser de la mise en oeuvre d’un QE3 d’ici la fin du premier semestre (d’après les minutes publiées la veille au soir).
Si le put Bernanke n’est temporairement plus d’actualité, le call Apple le remplace très efficacement. Il pourrait assurer une progression irrésistible de Wall Street, peu importe au fond le contexte économique si le cours se hissait vers un premier objectif de 700 $ avant la fin du deuxième trimestre.
Jamais un titre coté aux Etats Unis n’a accédé à un tel statut d’arbitre omnipotent de la tendance. De par sa capitalisation titanesque, Apple devient pratiquement comparable à ce que fut Nokia au début des années 2000 pour la Bourse d’Helsinki.
Mais Apple ne reflète que sa propre réussite marketing. Elle ne représente pas la conjoncture économique américaine, ni mondiale, contrairement à Nokia, devenu pendant un temps le symbole de la révolution de la téléphonie mobile qui drainait des investissements massifs à l’échelle planétaire.
Et chacun sait ce qu’il advint lorsque les concurrents de Nokia commencèrent à lui ravir des parts de marché. La Bourse d’Helsinki avait mis plus de trois ans à s’en remettre. Nokia qui fut durant quelques mois la première capitalisation européenne ne s’en releva jamais.