Franchement, cher lecteur : auriez-vous misé un seul euro sur la proposition suivante le 1er janvier dernier ? Les indices boursiers vont inscrire leur meilleur mois de janvier de la décennie — et pour être précis, depuis janvier 2001. A cette époque, les indices avaient enregistré alors un puissant rebond technique après avoir subi quatre mois consécutifs de descente aux enfers.
A Wall Street, le cas de figure est bien différent. Cela fait symétriquement quatre mois que les indices américains ont entamé un cycle haussier et se montrent insensibles à tous les éléments d’actualité qui continuent de plomber les places européennes.
Il n’y a rien dans ce constat qui heurte la logique… Mais nous verrons d’ici quelques instants que la hausse obstinée de Wall Street depuis le 19 décembre dernier commence à soulever quelques interrogations concernant la valorisation des actions américaines en général et des technologiques en particulier.
▪ Les marchés affichent un optimisme sans faille
Mais peu importe de quel côté de l’Atlantique se situent les investisseurs, car pour tous les détenteurs de contrats sur indices et d’options sur actions (qu’ils soient libellés en dollar ou en euro) c’est un mois de janvier en or massif !
Les indices boursiers avaient clôturé sur un plus bas le 16 décembre dernier. Ils pourraient en terminer à un plus haut depuis six mois d’ici demain, avec un gain cumulé qui dépasse allègrement les 10%.
Les opérateurs n’avaient aucune envie (à 48 heures du basculement vers l’échéance février) de voir s’interrompre une période de rêve où les séances de hausses auront été carrément cinq fois plus nombreuses que les baisses — avec un 16 sur 20 pour le S&P ou le Nasdaq.
Wall Street a réenclenché le turbo au retour d’un week-end de trois jours. Le Nasdaq a inscrit sa meilleure clôture depuis le 28 juillet dernier. Il engrange déjà 6,3% depuis le 1er janvier et 10% depuis le 19 décembre dernier.
Avec un gain de 1,5% à 2 769 points, le Composite efface les derniers stigmates de la crise des dettes souveraines qui continue de rythmer le quotidien dans l’Eurozone. Il retrouve en outre des niveaux supérieurs à ceux qui prévalaient juste avant la révisions à la baisse de la croissance américaine par la plupart des économistes.
▪ Des résultats meilleurs sans Fed et sans AAA
Admettons qu’ils ont peut-être un peu noirci le tableau en pronostiquant une récession en double creux se poursuivant en 2012. Il n’empêche que la croissance est aujourd’hui la moitié de ce qu’elle était un an plus tôt… Et devinez quoi ? Le Nasdaq affichait alors ce même score de 2 766 points en clôture le 18 janvier 2011.
Si nous prenons comme référence le S&P 500 qui vient d’inscrire à 1 308 points sa meilleure clôture depuis le 27 juillet dernier, le message implicite est le suivant : la conjoncture est maintenant meilleure qu’elle ne l’était avant la perte du triple A décrétée par Standard & Poor’s.
Partant du constat que le cours des actions américaines est maintenant supérieur à leur moyenne haute des mois d’avril à fin juin 2011, les investisseurs valident également l’hypothèse selon laquelle les perspectives bénéficiaires des entreprises américaines sont plus favorables qu’elles ne l’étaient quand la Fed injectait 75 milliards de dollars chaque mois.
C’est peut-être faire preuve de beaucoup d’optimisme… Mais à 48 heures de la journée des « Trois sorcières » (ce vendredi 20 janvier), Wall Street monte en épingle toute information et toute statistique pouvant justifier une poursuite du rally haussier.
▪ L’immobilier américain au beau fixe ?
La grande nouvelle du jour, ce ne fut pas le rebond de 0,4% de l’activité industrielle en décembre, mais bien la hausse du baromètre de la confiance des spécialistes du secteur de la construction immobilière (indice NAHB) qui atteint son meilleur score depuis juin 2007.
Les stocks de logements invendus sont revenus à neuf mois — contre 16 mois au plus fort de la crise. Mais ce chiffre n’inclut pas les centaines de milliers de biens saisis encore détenus par les banques et non présentés sur le marché (de peur de faire s’effondrer les cours).
La hausse des loyers est interprétée comme un signe encourageant. Il va redevenir plus économique d’acheter que de louer… à condition de trouver un crédit !
Les spécialistes des maisons individuelles ont flambé mercredi soir ; les banques américaines ont également battu de nouveaux records annuels grâce aux trimestriels moins mauvais que prévus de Goldman Sachs (qui bondit de 6,9%).
Plutôt malmenés ces derniers jours, Bank of America a repris 4,9% et J.P. Morgan 4,7%.
Si nous avons gardé pour la fin le communiqué du FMI — qui souhaite muscler ses fonds propres de 500 milliards de dollars pour venir en aide aux pays en difficulté de la Zone euro –c’est tout simplement parce que la logique des commentateurs anglo-saxons mercredi soir nous échappe… comme un ballon humide des gants d’un gardien de but britannique !
▪ Le FMI paye et l’Europe sombre ?
Figurez-vous qu’ils invoquent cette sulfureuse hypothèse (que nous pouvons tailler en pièces avec un simple couteau à beurre) pour justifier en grande partie l’envol des marchés américains mercredi soir.
Admirez le paradoxe… L »idée que le FMI volerait au secours des PIIGS s’est soldée par un repli de 0,25% l’Euro-Stoxx 50 (pourtant le premier concerné) alors que Wall Street, qui n’en verrait pas la couleur, y puiserait une bonne partie des 1% engrangés.
Et nous touchons les sommets de l’imposture lorsque de beaux esprits commencent à disserter sur le soulagement que cette providentielle levée de fonds va procurer à l’Irlande, au Portugal, à l’Espagne ou l’Italie.
Leur revient-il à l’esprit que le FMI n’a en aucun cas la possibilité de lever des fonds à sa guise puis de les affecter par anticipation à des pays développés victimes de fin de mois difficiles ?
Dans ce cas, les Etats-Unis seraient largement prioritaires… à moins que l’Angleterre, ruinée par l’éclatement de la bulle immobilière et les préparatifs des Jeux olympiques, ne lui grille la politesse.
Achevons d’enterrer les faux espoirs des permabulls en leur rappelant que les Etats-Unis ont déjà annoncé qu’ils ne rajouteraient pas un dollar au capital du FMI… que la Chine et le Brésil ont déjà fait savoir qu’ils ne participeraient pas à un abondement s’il s’agissait d’aider exclusivement des pays de la Zone euro… et pour finir, soulignons que la BCE ne peut pas prêter d’argent au FMI compte tenu du veto du parlement allemand pour lequel il est hors de question de financer directement ou indirectement un plan de sauvetage des PIGS.
Alors à quoi rêve donc Wall Street à 24 heures de la séance des « Trois sorcières » ?
▪ Un QE pour tous !
Eh bien à l’avènement d’un quantitative easing planétaire orchestré de manière conjointe par la BCE, la Fed et la Banque du Japon avant que la faillite de la Grèce ne déclenche en cascade celles du Portugal puis de l’Espagne… et la suite, vous la devinez !
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