L’euro s’enfonce et le dollar se dope
Il vient d’enfoncer ses planchers de début janvier 2011… il perd 1,3% depuis le 30 décembre… il pointe au plus bas depuis le 13 septembre 2010… il égale ses niveaux de la mi-mars 2009 (quand les indices boursiers testèrent un plancher historique)… et il offre un rendement de 3,3% en France, 5,5% en Espagne et plus de 7% en Italie.
Vous l’aviez naturellement identifié : il s’agit de l’euro dont la rechute nous ramène 15 mois en arrière. A cette époque la Fed faisait savoir aux marchés qu’elle comptait reprendre ses impressions massives de dollars, même si elle savait d’avance que ce serait totalement inutile pour relancer l’économie américaine.
Une stratégie pour couler l’euro
Nous n’avions aucune illusion sur les vraies raisons de la mise en place d’un second quantiative easing. Il s’agissait tout simplement d’éviter aux Etats-Unis de faire faillite, de s’octroyer sept ou huit mois de plus avant de percuter le « mur de la dette ». Ils espéraient que l’Europe se prendrait les pieds dans le tapis de la dette souveraine grecque et que ce soit l’euro et non le dollar qui se mette à faire peur aux investisseurs de la planète.
Cette stratégie — s’il s’avère qu’elle résulte d’un authentique pari de la Fed sur la maladresse et la discorde des dirigeants de l’Eurozone — a donc réussi au-delà de toutes les espérances.
Les Européens se sont enferrés dans le déni du syndrome grec jusqu’à ce que la contagion gagne l’Espagne puis l’Italie.
Ils ont constamment réagi avec un temps de retard. L’Allemagne a torpillé toute initiative visant à colmater les brèches avant que l’eau ne s’engouffre dans la salle des machines, chaque fois que la spéculation s’est déchaînée contre les dettes souveraines des pays méditerranéens.
La France a senti passer le vent du boulet fin novembre lorsque le spread avec le Bund a dépassé les 200 points de base. Cela actait non seulement la perte du Triple A, mais également une dégradation potentielle de deux crans… avec perspective négative.
Nous évoquions un an auparavant un concours de laideur entre une Amérique en quasi-faillite (l’Angleterre n’est pas mieux lotie) et une Europe incapable de rendre coup pour coup face aux attaques de la spéculation. Ces derniers proviennent de la City, de Wall Street et d’une kyrielle de paradis fiscaux. Le résultat, vous le connaissez : c’est l’Europe qui a perdu lamentablement.
Les Bourses européennes ne font plus le poids
Les Bourses européennes ont subi leur plus lourde défaite face à Wall Street depuis 30 ans avec un différentiel de performance de +20% en faveur des indices américains. Pourtant, les entreprises du CAC 40 ou de l’Eurofirst 300 réalisent des performances financières qui n’ont rien à envier à celle des vedettes du S&P 500 ou du Nasdaq.
C’est tellement vrai qu’une bonne partie de la hausse apparente des bénéfices par action provient d’une campagne massive de rachats de titres… à crédit naturellement, puisque la Fed promet de maintenir sa politique de taux zéro jusqu’à la mi-2013.
Compte tenu du niveau actuel de l’inflation aux Etats-Unis, ne pas s’endetter sur des échéances de six mois à deux ans, c’est perdre de l’argent ! Les actions américaines ont donc grimpé tandis que celles qui sont libellées en euro n’ont cessé de se déprécier depuis octobre 2010.
Nous avons cru en tout début d’année que les places européennes entamaient leur come back. En effet, nous avons assisté à une progression moyenne de 5% entre le mercredi 27 décembre et le mardi 3 janvier. Pendant ce temps, le S&P gagnait 1,4% dans l’intervalle et le Dow Jones 0,8%. Mais nous avions commencé à déchanter mercredi soir et Wall Street a repris l’avantage avec un gain annuel de 2% tandis que l’Euro-Stoxx 50 et le CAC 40 repassent dans le rouge.
Sur une semaine (d’un vendredi sur l’autre), ce sont également les marchés américains qui s’octroient la meilleure performance.
Un marché US dopé ?
Wall Street risque encore de surprendre les investisseurs : pour la seconde séance consécutive, les indices américains ont effacé dès la mi-séance leurs pertes initiales, induites par le constat d’une sévère chute des places européennes (qu’aucune bonne nouvelle ne parvient à enrayer).
Reculant de 0,8% vers 16h, le S&P affichait quatre heures plus tard un gain de 0,5 ; le Nasdaq qui chutait de 0,6% affichait un gain symétrique de 1% à la mi-séance,.
Le Dow Jones est peut-être reparti à la conquête des 12 500 points, dopé par l’espoir que les statistiques de l’emploi publiées ce vendredi confirmeront un redressement plus convaincant du marché du travail.
En Europe, les acheteurs ont été tétanisés par la résurgence des craintes relatives à la santé des banques du sud de l’Europe ; les vendeurs ont gardé la main jusqu’au bout.
Rappelons-nous que le Nasdaq était déjà revenu à l’équilibre au moment du fixing sur les places européennes à 17h35. Le S&P ne perdait plus que 0,3%… mais rien n’y a fait : le CAC 40 a clôturé pratiquement au plus bas, en repli de 1,53% à 3 144 points. L’Euro-Stoxx 50 a lâché 1,45% dans le sillage de Madrid (-3%) et de Milan (-3,65%).
Hors Zone euro, le tableau apparaissait nettement moins sombre avec seulement -0,5% à Zurich et -0,8% à Londres. Et il y a cette exception européenne : la Bourse de Francfort ne s’effrite que de 0,25%, comme si l’Allemagne bénéficiait d’un arbitrage quasi-mécanique au détriment de l’Italie et de l’Espagne. Francfort grimpe de 3% cette semaine alors que Milan et Madrid reculent d’autant, sinon plus.
Il est fort probable que, dans la crainte de voir se matérialiser le pire des scénarios, les marchés font de nouveau le pari que les actifs germaniques seraient les seuls à rester à flot.
Toutes les nouvelles économiques du jour n’étaient pas mauvaises, loin de là, comme le prouvent les chiffres des créations d’emploi dans le secteur privé aux Etats-Unis compilés par ADP au mois de décembre.
Le total s’élève à 325 000, ce qui est nettement mieux qu’attendu (200 000 d’après le consensus)… et les chiffres hebdomadaires du chômage (-15 000 à 372 000) confirment l’embellie de la période des fêtes.
L’ISM des services aux Etats-Unis est ressorti conforme aux prévisions et n’a pas suscité de réactions à Wall Street. En revanche, le dollar n’a cessé d’amplifier sa progression.
Le fait du jour restait clairement la sévère rechute de l’euro qui s’enfonce sous les 1,2800 $. Il s’est inscrit au plus bas depuis 15 mois, sur fond de glaciation des échanges interbancaires dans l’Eurozone… un syndrome qui perdure et qui semble inextricable.