▪ Les gens pensent que les Européens vont régler leurs problèmes. Mais est-ce bien le cas ?
L’Europe fait partie des plus grandes économies de la planète. Elle est menacée par la faillite de banques et de gouvernements. Elle vieillit et a bien plus d’obligations en termes de dépenses sociales qu’elle ne peut se le permettre. Elle est paralysée par des gouvernements nationaux qui se font concurrence et des institutions financières décentralisées. Elle peut dire « allez vous faire voir » en 17 langues.
Si l’Europe plonge dans un ralentissement profond ou prolongé, le reste du monde suivra. Parce que l’Europe est un gros client — pas seulement pour l’Asie ; pour les Etats-Unis aussi.
La seule manière pour l’Europe de se sortir de la dette, c’est la croissance. L’austérité à elle seule n’y suffira pas. Les dettes de l’Europe ne peuvent être remboursées que si l’économie se développe. Non que nous comptions là-dessus. Au contraire, nous pensons que ça n’arrivera pas.
Les dépenses sociales européennes ne peuvent continuer que s’il y a de la croissance. Sans croissance, tout tourne mal. Les dettes ne peuvent être remboursées. Les fonctionnaires ne peuvent être payés. Et ni le marché boursier, ni le marché obligataire ne valent autant que ce que pensent les gens.
Tout le monde pensait que la croissance se poursuivrait — même si elle était interrompue de temps en temps par une récession. Toutes les récessions, depuis les années 40, ont été des pauses rapides et relativement indolores, non des changements de direction majeurs.
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A présent, quelque chose semble avoir changé. Peut-être est-ce une Grande Récession, comme l’appellent certains. Peut-être est-ce une Grande Correction, comme nous l’appelons. Et peut-être que l’ère de la croissance est terminée.
Ce serait énorme, si c’était vrai. Lorsque les gens ont prêté de l’argent au gouvernement et aux emprunteurs privés, ils pariaient sur la croissance. Quand les gouvernements ont étendu leurs promesses de retraites et de soins de santé, ils comptaient sur la croissance. Otez la croissance et les crédits tournent mal, tout comme les promesses. Et s’ils tournent mal, toute la structure du capital et du gouvernement est en danger. Sans croissance, quasiment toutes les grandes banques de la planète feront faillite. Sans croissance, tous les gouvernements du monde développé feront défaut (ou pire). Sans croissance, le monde que nous connaissons s’effondre.
Mais pourquoi la croissance s’arrêterait-elle ?
Nous n’en savons rien. Mais elle s’est arrêtée au Japon. La production actuelle au Japon est en fait plus basse qu’elle ne l’était en 1991. Que s’est-il passé ? Les banques étaient surendettées. Les entreprises en avaient trop fait. L’immobilier était suracheté.
Le gouvernement japonais a réussi à tenir tout ça… mais uniquement en en faisant lui-même trop. Ses dettes sont désormais si lourdes que les îles de l’Archipel pourraient sombrer sous leur poids. Les actions et l’immobilier ont perdu environ deux tiers de leur valeur. Il n’y a pas plus d’emplois qu’il y a 20 ans.
Et toujours pas de signe de croissance.
Les Etats-Unis pourraient-ils faire de même ? Oui, tout à fait.
Et l’Europe ? Idem.
▪ Nous sommes arrivés chez nous hier au beau milieu d’une averse torrentielle. De l’eau gouttait du plafond dans la cuisine. Des flaques s’étaient formées sur le contreplaqué trempé. La marée montait aussi dans la cave.
Le plastique couvrant les fenêtres avait été déchiré par des chats. Le vent et la pluie s’engouffraient dans les trous. Un radiateur de fortune fonctionnait, mais ne servait pas à grand-chose contre les rafales de vent et la baisse des températures.
Tout ça ne ressemble pas à la manière dont votre auguste correspondant devrait vivre, n’est-ce pas ? C’est exactement ce que nous avons dit à Elizabeth, juste avant qu’elle ne s’énerve pour de bon.
Un peu plus tôt dans l’année, Elizabeth a décidé qu’il était temps de rénover la maison. Sauf que les travaux ne se sont pas déroulés comme prévu, si bien qu’à notre retour d’Europe, nous nous sommes retrouvés quasiment sans abri. Désormais, nous vivons dans un chantier. Ce n’est pas si épouvantable quand le soleil brille et qu’il fait beau. Mais quand la météo tourne mal, comme en ce moment, c’est pitoyable.
« Combien de temps allons-nous vivre comme ça ? » avons-nous voulu savoir.
« Arrête de te plaindre… Ca va t’endurcir ».
« Je suis déjà assez endurci. J’aimerais un peu de confort ».
« Le confort, c’est pour les faibles. Tu es faible ? »
« Atchoum ! Je crois que je suis en train d’attraper une pneumonie ».
« C’est bien toi qui vantes toujours les vertus de la simplicité ? Le stoïcisme et la vie à la spartiate, ce n’est pas ce que tu recommandes ? »
« Oui, mais seulement quand il fait chaud ».
« Tu ne peux pas considérer ça comme une sorte d’aventure ? Comme du camping ! De toute façon, ça ne devrait plus durer très longtemps. Les fenêtres ont été commandées. Le carrelage arrive bientôt. Ils pourront remettre tout ça en état rapidement ».
« Atchoum ! J’espère que je durerai jusque-là… »