▪ Décidément on n’en finit pas d’écrire sur les stress tests bancaires. Logique en même temps : on n’arrête plus d’en faire passer aux établissements. Preuve de l’absence totale de crédibilité de ceux réalisés jusqu’à présent.
Rappelez-vous de ceux d’il y a 15 mois, le 23 juillet 2010
L’objectif était de savoir si, dans un scénario macro-économique et financier défavorable, les établissements bancaires européens pourraient continuer à afficher un ratio de solvabilité au-dessus de 6%.
6% n’était pas franchement ambitieux — rappelez-vous qu’avec BALE 3 ce minimum réglementaire devra atteindre 7,5%. A l’époque, les stress tests demandaient un ratio minimal de fonds propres à 4,5% et un coussin de sécurité exigeant 2,5% supplémentaires destinés à absorber les pertes dans une situation de fort stress économique.
Tout le monde a pu partir en vacances d’été 2010 l’esprit tranquille : seules sept banques sur les 91 stressées avaient été recalées. Pas de chance, il ne fallut pas attendre longtemps avant de comprendre que ces résultats n’avaient pas grande valeur.
En effet, lors de la mise en place du plan de sauvetage irlandais de 85 milliards d’euros en novembre 2010, 35 milliards étaient destinés à recapitaliser les quatre grandes banques irlandaises (il s’agissait de Allied Irish Bank, Bank of Ireland, EBS et Irish Life)… qui avaient pourtant passé les tests haut la main quelques mois auparavant.
▪ Et puis, il y a eu le 15 juillet 2011…
Plus près de nous, l’Autorité bancaire européenne a publié le 15 juillet 2011 de nouveaux stress tests bancaires. Le périmètre stressé comprenait toujours 91 banques (65% des actifs bancaires européens).
Deux scénarios ont été élaborés :
– un scénario de base reprenant les principales prévisions macro-économiques en vigueur ;
– un scénario adverse retenant des hypothèses théoriques de dégradation de l’économie : baisse de 0,5% du PIB de la Zone euro en 2011, chute de 15% des Bourses européennes, plongeon des marchés immobiliers, hausse du coût de refinancement interbancaire. Pas de défaut souverain envisagé cependant…
Là encore tout le monde a pu partir (ou plutôt a cru partir) tranquillement en vacances cet été puisque les résultats de ce stress macro-économique et financier ont été très rassurants. Seules huit banques sur 91 avaient échoué.
Vous connaissez la suite : les marchés ont vite été rattrapés par l’Histoire avec un mois d’août catastrophique pour les valeurs bancaires et la faillite de Dexia début octobre (qui, je le rappelle, avait pourtant réussi ces stress).
▪ On nous annonce aujourd’hui une troisième série de stress tests. Magnifique
Cette fois-ci — afin de gagner en crédibilité et afin de faire échouer un plus grand nombre de banques — l’Autorité bancaire européenne (EBA) fixerait le niveau minimal du ratio de solvabilité à 9%.
Rappelons ce que signifie ce ratio de solvabilité : il s’agit du rapport entre les fonds propres réglementaires et les fonds propres qui servent à faire crédit et aux activités de marché. Pour obtenir le ratio de solvabilité, on multiplie ce rapport par 8%.
Ratio de solvabilité = (fonds propres/engagements) x 8%
En d’autres termes : plus votre numérateur baisse (par exemple dans le cas d’une baisse des fonds propres réglementaires suite à des baisses de résultats), plus vous dégradez ce ratio. De même plus le dénominateur augmente (les engagements dédiés au crédit ou aux activités de marché augmentent suite à des pertes sur les marchés par exemple), plus vous dégradez ce ratio.
Petite note à ce stade : ce que l’on appelle ratio core tier 1 est équivalent au ratio de solvabilité (le core tier 1 étant la définition dure, restrictive et contraignante).
D’ailleurs Goldman Sachs a récemment évalué que ces nouveaux stress pourraient conduire à des besoins de recapitalisation de 298 milliards d’euros. Sur les 91 banques européennes retenues, 68 échoueraient à ces nouveaux stress tests, en retenant une norme minimale de solvabilité à 9%.
Les analystes de la banque américaine se sont appuyés sur les hypothèses de décote suivantes sur les dettes souveraines périphériques :
– décote de 60% de la valeur des titres grecs ;
– décote de 40% sur les titres irlandais et portugais ;
– décote de 20% sur les titres italiens et espagnols.
Certes les stress de Goldman vont plus loin que tous ceux imaginés jusqu’à présent puisque là, pour une fois, on suppose des défauts partiels sur les dettes de certains souverains, ce qui conduirait effectivement les banques à passer des provisions dans leurs comptes et donc à se recapitaliser.
Nous apprenons que l’Autorité bancaire européenne donnerait jusqu’à mi-juin 2012 aux banques pour se recapitaliser avec deux alternatives :
– soit les banques acceptent de valoriser les dettes souveraines qu’elles détiennent à leur valeur de marché, auquel cas elles devraient porter leur ratio de solvabilité à 9% ;
– soit les banques refusent de valoriser dans leurs comptes les dettes souveraines à leur valeur de marché, auquel cas les exigences en termes de ratio de solvabilité seront plus fortes avec un niveau minimal porté à 9,5%.
Or on sait que les banques qui ont une part importante de dette souveraine très dépréciée dans leurs bilans sont plutôt grecques, espagnoles, portugaises et italiennes. Vraisemblablement, elles opteront pour la deuxième alternative : viser un ratio de solvabilité plus élevé et donc… se recapitaliser beaucoup plus.
Conclusion — même si ce n’est pas vraiment un scoop : ce sont les banques qui ont le plus de mal à se recapitaliser qui auront le plus de besoins en la matière.
On peut donc dire que la solvabilité des banques est réellement stressée en prenant en considération des décotes significatives sur les dettes souveraines. Mais ce problème de la solvabilité réglé… nous ne sommes pas au bout de nos peines car cela ne suffit pas. Il y a encore la liquidité, que nous aborderons demain.
2 commentaires
[…] vous ai parlé hier du ratio de solvabilité, qui était évalué dans les stress tests. Mais, dans le monde des […]
un article bien conçu, c’était un plaisir de le lire