Par Ingrid Labuzan (*)
Avant la crise, la Californie était l’état le plus peuplé et le plus riche des Etats-Unis. Maintenant qu’il est presque en faillite, certains regardent avec avidité ses réserves de pétrole. Les compagnies pétrolières lorgnent sur les réserves sous-marines enfouies à proximité des côtes.
La région est en effet riche en pétrole, dont une partie est déjà exploitée. Les estimations du département de l’Intérieur (chargé de la gestion des terres de l’Etat) évoquent 10 milliards de barils supplémentaires potentiellement disponibles.
Ces données sont cependant relatives à des études qui ont été effectuées en 1981 et 1987. "Si nous étions autorisés à nous y rendre et à procéder à de nouvelles explorations, ces chiffres pourraient progresser ou diminuer. Dans la plupart des cas, il est cependant plus probable qu’ils augmentent", explique, dans le San Francisco Chronicle, Dave Smith, responsable de la communication du service sur les minéraux, du département de l’Intérieur, qui supervise les développements énergétiques dans les eaux fédérales.
Brèche juridique
Pourquoi n’existe-t-il pas d’études plus récentes ? Simplement parce que, au cours de ces 30 dernières années, l’exploration pétrolière, en particulier sur les côtes californiennes et de Floride, était interdite par une loi de protection du littoral. Problème : cette loi doit être revotée chaque année par le Congrès. Or, cette année, celui-ci a dépassé le délai sans prendre de décision.
Ce vide juridique excite le département de l’Intérieur, qui souhaiterait ouvrir une partie, voire l’intégralité, des eaux fédérales à l’exploration. Les travaux pourraient commencer dès 2010, facilités par le fait que, en Californie, le pétrole se trouve à proximité des côtes et à des niveaux peu profonds.
La flambée des prix de l’essence a attisé la convoitise des compagnies pétrolières et des Américains, y compris de certains Californiens, pourtant réputés pour leur écologisme. D’après le Public Policy Institute of California, 51% d’entre eux seraient favorables à de nouveaux forages.
Le projet était soutenu par le candidat républicain John McCain. En revanche, il est décrié par Arnold Schwarzenegger, le gouverneur, pourtant républicain, de Californie. La décision finale n’appartient pas au gouverneur, mais au président des Etats-Unis.
Barack Obama n’a pas encore annoncé sa décision, mais s’est exprimé sur le sujet, indiquant que de nouveaux forages ne feraient sans doute pas baisser le prix de l’essence, mais pourraient en revanche s’inscrire dans une nouvelle politique énergétique. En bref, oui aux forages, à condition de développer en parallèle une nouvelle économie et une politique énergétique verte.
Des propos qui ne rassurent pas les défenseurs du littoral. Le démocrate Mike Thompson, qui siège à la Chambre des représentants, a déposé un projet de loi en vue d’une protection définitive du littoral du nord de la Californie. "En interdisant de façon permanente le forage, nous pouvons assurer à notre côte la protection dont elle a besoin ; peu importe qui tient les rênes à Washington."
Ravages sur les rivages
"Il ne pourrait y avoir pire projet susceptible d’avoir un impact négatif sur l’économie californienne, dépendante du littoral", avertit Richard Carter, membre du Defenders of Wildlife Action Fund. Les baleines, les éléphants de mer ou les oiseaux qui migrent au large de cette côte seraient en danger. La faune et la flore marines seraient affectées, au point que cela nuirait à toute l’industrie de la pêche de l’Etat.
Le nombre de tankers naviguant rien qu’en Californie du Nord pourrait s’élever à 240, d’après un rapport environnemental établi en 1987. La probabilité de fuites de pétrole dans la mer à la suite d’accidents mettant en cause 1 000 barils ou plus serait de 94%. Des catastrophes écologiques qui tueraient alors durablement le tourisme, situation qu’a déjà connue Santa Barbara après une marée noire, il y a 40 ans.
Des dommages terribles pour peu de gains : d’après certains spécialistes, ce pétrole ne pourrait subvenir aux besoins de l’Amérique que pendant 17 mois. Ce ne sont donc pas ces réserves miracles qui sauveront de la faillite l’Etat de Californie.
Meilleures salutations,
Ingrid Labuzan
Pour la Chronique Agora
(*) Journaliste, Ingrid Labuzan est titulaire d’une maîtrise d’histoire, d’un master d’European Studies du King’s College London et d’un mastère médias de l’ECSP-EAP. Spécialisée sur le traitement de l’information et des médias étrangers, elle a vécu et travaillé pendant six mois à Shanghai. Elle a contribué à de nombreuses publications, dont le Nouvel Observateur Hors-série. Elle rédige désormais chaque jour la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.