** Vous pouvez vous frotter les yeux tant que vous voulez, cela ne changera pas l’image que vous avez devant vous. Les institutions financières éclopées ont retrouvé l’usage de leurs jambes, affirme David Trone, analyste bancaire chez Fox-Pitt Kelton. Oui, ce sont ces mêmes institutions financières qui étaient si grabataires, financièrement, que le Trésor américain n’osait pas quitter leur chevet, si ce n’est pour changer leurs bassins d’aisance (évidemment, le Trésor n’a pas réellement changé leurs bassins, il s’est contenté de les troquer contre des milliards de dollars du contribuable).
– Mais il semble que nous soyons actuellement témoins d’un miracle moderne : des institutions financières certifiées éclopées vont se lever et marcher. De fait, elles vont marcher jusqu’au Trésor américain pour rendre l’argent qu’elles ont emprunté. Selon Trone, Goldman Sachs et Morgan Stanley vont tous les deux rendre 10 milliards de dollars au Trésor américain. Et ensuite les banques vont continuer à marcher sur leurs deux pieds… ou pas ?
– Voici le moment où notre histoire miraculeuse prend un tournant légèrement moins miraculeux. Même si Goldman et Morgan vont rembourser les 10 milliards de dollars qu’ils ont empruntés au TARP, Trone pense que les deux banques vont néanmoins profiter d’autres formes d’aide gouvernementale. Par exemple, si le gouvernement devait avancer dans son plan de "mauvaise banque", Trone estime que Goldman pourrait vendre pas moins de 16 milliards de dollars de titres en difficulté par ce biais. Morgan pourrait se délester de près de 29 milliards de dollars d’actifs, affirme l’analyste.
** La prédiction de Trone nous amène au "Problème du Jour à la Chronique Agora".
– Si la banque XYZ doit 10 milliards de dollars au gouvernement fédéral, et qu’elle rembourse 10 milliards de dollars au gouvernement fédéral — mais qu’ensuite elle vend pour 29 milliards de dollars de titres toxiques au gouvernement, combien de milliards de dollars d’aide gouvernementale la banque XYZ aura-t-elle reçu au total ? Question supplémentaire : combien de milliards de dollars le gouvernement aura-t-il gaspillé en achetant les titres toxiques de la banque XYZ ?
– La réponse aux deux questions est bien évidemment 29 milliards de dollars. Tous ces chiffres ne sont que des conjectures, si ce n’est pour les 10 milliards de dollars que Morgan et Goldman ont réellement empruntés. Mais si nous supposons que Trone est sur la bonne piste, pourquoi les deux banques rendraient-elles les 10 milliards de dollars du plan de relance TARP, pour ensuite emprunter une somme encore plus importante au gouvernement ?
– Hmmm… difficile à dire. Vous ne pensez pas quand même pas que cette manoeuvre ait quelque chose à voir avec la proposition d’Obama de limiter les salaires des dirigeants, n’est-ce pas ? Vous ne pensez pas non plus que ces deux banques joueraient des milliards de dollars seulement pour éviter la surveillance du gouvernement sur les rémunérations des dirigeants, si ? Hmmm… difficile à dire.
– Quelle que soit la raison de rembourser Paul pour ensuite emprunter à Pierre, votre chroniqueur refuse d’envisager l’hypothèse que Morgan et Goldman seraient en mesure de rembourser l’argent du TARP parce qu’ils n’en ont plus besoin. Comme un de nos bons amis aime à le dire, "joker sur celle-là" !
– Mais qu’en savons-nous ? Nous ne sommes qu’une poignée de chroniqueurs financiers qui se baladent aux marges de la respectabilité. Peut-être que Trone sait de quoi il parle. Peut-être devrions-nous lui accorder le bénéfice du doute.
– Cependant, nous suspectons Morgan Stanley et Goldman Sachs d’être toujours aussi infirmes. Nous pensons que vous pouvez être raisonnablement sûr que les deux entreprises portent toujours de fardeau d’une quantité potentiellement fatale de titres toxiques… Vous pouvez être doublement sûr que les deux sociétés vont de nouveau se tourner vers le gouvernement américain pour obtenir une aide de plusieurs milliards de dollars… Et vous pouvez être triplement sûr que les dirigeants de Goldman Sachs et Morgan Stanley et de toutes les autres entreprises aidées par le gouvernement aux Etats-Unis sont occupés à dénicher de nouvelles façons de s’emparer de l’argent du contribuable sans avoir à se soumettre à la surveillance du gouvernement en ce qui concerne leurs rémunérations.
– Réfléchissons un instant à cette situation…
– Si tout va bien désormais dans le secteur financier américain, pourquoi tant de banques ont-elles emprunté des milliards de dollars et ne les ont pas remboursés ? Si tout va bien, pourquoi les contribuables ont-ils l’impression d’être les parents d’une fille fugueuse qui ne rentrerait chez elle que le temps de déposer son bébé âgé d’une semaine à peine sur le pas de la porte, avant s’enfuir de nouveau ? Pourquoi avons-nous toujours le sentiment de nous être faits avoir ?
– Je vais vous dire pourquoi. Nous contribuables avons l’impression de nous être faits arnaquer parce que nous nous sommes bel et bien fait arnaquer… et nombre de ceux qui nous ont arnaqués encaissent encore des chèques à six zéros dans les entreprises financières aidées par le gouvernement. Malheureusement, nous n’avons aucun recours possible. Le gouvernement nous enchaîne à ces arnaqueurs et leur demande seulement de bien se tenir. Peut-être le feront-ils cette fois-ci… au moins quand ils dorment.