** La semaine du 3 au 8 novembre s’est achevée sur une note positive… et à double titre. En effet, les places européennes affichaient une reprise de 2,4% vendredi et également une hausse hebdomadaire de 0,5%, soit une deuxième semaine de hausse consécutive… sauf à Paris.
Le CAC 40, malgré un gain comparable 2,42%, sous-performe l’Euro Stoxx 50 de pratiquement -1% d’un vendredi sur l’autre. Le score hebdomadaire était de -0,6% pour le SBF 120 qui terminait 1% en deçà de ses plus hauts du jour.
La sérénité a du mal à revenir sur les marchés et cela se traduit par une persistance de la volatilité. Le CAC 40 a fluctué dans une fourchette de plus de 150 points vendredi : il a chuté de 1,5% vers 15 heures, puis a repris 3,4% une heure plus tard à 3 510 points… avant de reperdre une soixantaine de points.
Les investisseurs se sont montrés prudents à la veille du week-end alors que Wall Street avait subi une violente correction de 10% mercredi et jeudi. Le sursaut de vendredi a manqué de conviction ; même si les acheteurs ont repris la main au cours du dernier quart d’heure, le Dow Jones abandonne 4,1% sur la semaine et le Nasdaq 4,25%.
** Le premier — très court — discours de Barack Obama vendredi, prononcé une heure avant la clôture des marchés américains, n’a suscité ni enthousiasme ni déception. Le futur locataire de la Maison Blanche a annoncé — comme prévu — un plan de soutien à l’industrie automobile et des allègements fiscaux au profit de la classe moyenne.
Il en reste au stade des déclarations d’intention à deux mois et demi de sa prise de fonction officielle, affirmant le lendemain (samedi) à la radio que le Congrès devrait agir sans tarder… sous la supervision de Ben Bernanke et d’Hank Paulson. George Bush a promis la pleine coopération de son équipe, mais de quelle détermination saura-t-elle faire preuve alors qu’elle se joindra en position d’accusée au G20 qui se tiendra à Washington samedi prochain ?
** Les marchés sont très partagés au sujet des bénéfices qu’ils pourraient tirer d’une réunion ayant pour objet la refondation du capitalisme sur la base d’un renforcement des contrôles et de la réglementation des mouvements de capitaux.
N’est-ce pas le changement des règles comptables instituant le mark to market, c’est-à-dire la valorisation des actifs en temps réel et non plus en fonction de leur coût d’acquisition, qui a précipité l’évaporation mécanique des ratios de solvabilité des banques et provoqué l’effondrement – auto-réalisateur — du système financier ?
Plus les intervenants sont nombreux lors d’un sommet de grands argentiers de la planète, plus un consensus est difficile à obtenir. Il est déjà très compliqué de s’entendre sur le diagnostic, alors la mise en place d’une thérapie commune, c’est quasiment mission impossible — ou tout du moins, ça l’était jusqu’à présent.
** Par deux fois la semaine dernière, les événements les plus attendus (l’élection de Barack Obama et la publication des statistiques de l’emploi) ont été suranticipés et ont donné lieu à un spectaculaire revirement des marchés, d’abord à la baisse à partir de mercredi puis à la hausse à partir de 15 heures vendredi dernier.
La semaine se terminait de façon moins critique que les opérateurs le redoutaient jeudi soir. C’est la "chasse aux bonnes affaires" qui a triomphé après la publication des chiffres américains de l’emploi. 240 000 emplois ont tout de même été détruits outre-Atlantique contre une prévision des économistes de 210 000… et le secteur des services financiers a subit une hémorragie prévisible de 110 000 emplois en moins.
Mais là où les statistiques américaines affolent littéralement les compteurs, c’est dans la catégorie "révision" des chiffres du mois précédent. C’est à peine croyable — et pourtant, nous devrions être blasés — mais le score de septembre explose de 75% avec 284 000 emplois détruits contre 159 000 initialement annoncés. Enfin, le taux de chômage culmine désormais à ses plus hauts niveaux depuis 14 ans. Le taux de chômage est monté à 6,5% au mois d’octobre, alors que le consensus anticipait 6,3%.
** Au rang des bonnes nouvelles potentielles, les parlementaires démocrates étudieraient d’ores et déjà un plan de relance de 60 à 100 milliards de dollars pour ce mois de novembre, dont une partie serait en faveur des constructeurs automobiles américains. General Motors a dévissé de 10% vendredi suite à une perte 7,35 $ par action… c’est à peine concevable pour un titre qui vaut à peine plus de 4,00 $.
Le Fonds monétaire international avait dressé jeudi dernier un tableau plutôt noir pour l’économie des pays développés en 2009. Le PIB reculerait désormais de 0,7% aux Etats-Unis et de 0,5% en Europe (-1,3% au Royaume-Uni). La croissance dans les pays émergents ralentirait fortement à 5% en 2009. Le PIB mondial augmenterait de 3,7% en 2008 et de 2,2% en 2009, contre des taux de croissance de respectivement 3,9% et 3,0% attendus précédemment.
Avec de telles perspectives, les investisseurs (BCE, Fed, pays asiatiques) tablent également sur de nouveaux assouplissements monétaires en décembre. Mais ceux de jeudi n’ont eu aucun effet positif comme en témoigne la chute "historique" de 6,5% des places européennes et de 5% à Wall Street. Tout se passe comme si la baisse des taux ne faisait qu’exacerber le sentiment que la conjoncture économique est devenue "critique" — le concept de dépression n’est pas très loin.
** Alors pour sortir les marchés de leur déprime, il va falloir introduire du rêve et de l’envie dans l’actualité quotidienne. De nombreuses entreprises atteignent des niveaux de cours qui les désignent pour une rafale d’OPA ou d’OPE hostiles. Cependant, de telles opérations sont difficiles à mettre en oeuvre sans le concours des banques. Les lignes de crédit accordées pour de telles opérations — sans parler du financement de LBO — sont devenues aussi rares que les acheteurs de parts dans les géants immobiliers de Las Vegas ou d’Atlantic City. Le groupe Las Vegas Sands serait même au bord du dépôt de bilan… les actionnaires ont les jetons !
Puisqu’il est question de jeux et de paris, les spéculations vont bon train sur le nom du futur successeur d’Henry Paulson ; Timothy Geithner, président de la Réserve fédérale de New York (de sensibilité républicaine) fait figure de favori.
Paul Volcker, ancien président de la Réserve fédérale (et prédécesseur d’Alan Greenspan) pourrait également reprendre du service au plus haut niveau après 20 ans passés de le privé. Cela pourrait marquer symboliquement l’enterrement définitif des excès de crédit car son nom reste attaché à la mise en oeuvre d’une politique de rigueur — et de lutte contre l’inflation — qui indisposa Wall Street et serait peu appropriée… alors que les Etats-Unis se préparent à un train de mesures de relance keynésiennes financées par la dette. Le déficit budgétaire pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars en 2009.
Philippe Béchade,
Paris