** La déferlante d’épithètes et de formules catastrophistes concernant la puissance destructrice du cyclone Gustav semblait un peu disproportionnée lundi soir à la lecture des premiers rapports émis par les stations météo de la Nouvelle-Orléans. Les journalistes qui s’étaient rendus sur place s’attendaient peut-être à couvrir en direct une nouvelle série d’événements spectaculaires mais probablement pas dramatiques puisque plus de 90% de la population avait volontairement quitté la région ou avait été évacuée sur ordre des autorités.
Il vaut évidemment mieux prévenir que courir ! Pour les hommes politiques (surtout républicains), c’était l’occasion de faire oublier que, trois ans auparavant, G.W. Bush s’était envolé de Washington un certain 26 août 2005, non pas pour évaluer les dégâts causés par Katrina, mais pour aller disputer une partie de golf avec de riches amis californiens : pas question d’interrompre le match pour une banale histoire de rupture de digues ou de crue dévastatrice du Mississipi, ces dernières font partie des traditions régionales depuis la nuit des temps…
La grosse machine fédérale (garde nationale, compagnies de transports, logistique d’hébergement collectif, forces de police) a cette fois-ci été mobilisée à temps. Le suspense concernant d’inéluctables dévastations a été entretenu par l’ensemble des grands medias américains. Au final, tout ceci n’a été qu’une grande campagne d’autosatisfaction qui occulte le fait que plus d’un tiers des habitants des quartiers inondables de la Nouvelle-Orléans n’ont toujours par retrouvé un logement décent et vivent dans une précarité totale depuis 36 mois.
Les préparatifs de l’évacuation de la frange côtière de la Louisiane ont également donné lieu à un nouvel épisode de propagande sécuritaire avec l’évocation — jusqu’à l’écoeurement — des "pillards" de 2005. C’est oublier un peu vite que les scènes de pillages de l’époque concernaient les supermarchés et autres lieux de stockage de nourriture et de boisson saine ainsi que les pharmacies — et les "vols" concernaient plutôt les antibiotiques que les opiacés — et non pas les boutiques de vêtements de marque ou de fournitures électroniques.
Noyés sous deux mètres d’eau, les télévisions à écran plats fonctionnent forcément un peu moins bien, surtout quant il n’y a plus d’électricité 50 kilomètres à la ronde. Il fallait aussi avoir pensé à acheter un bateau et des équipements de plongée pour prélever puis emporter le fruit des larcins prétendument commis "à la faveur" du passage de Katrina.
Un court reportage entrevu sur Fox-TV nous apprenait que les armuriers de la Louisiane avaient fait d’excellentes affaires avec le tapage médiatique orchestré autour de l’arrivée de Gustav. En rupture de stocks sur les armes de poing et les fusils de chasse, les clients avaient dû être orientés vers les armes automatiques, d’un maniement plus complexe… "mais on s’y retrouve question efficacité" !
** Voilà un peu pour l’ambiance et les angles choisis par différents réseaux et chaînes d’information pour couvrir les événements cycloniques de ce début septembre. Nous avons pour notre part guetté les dépêches d’agence concernant l’état des installations offshore du golfe du Mexique (production suspendue à 90%) et les raffineries installées sur la frange littorale dont l’activité est réduite de 85%… mais très temporairement si tout se passe bien.
Et il semblerait que, au vu des premiers bulletins météo et au lever du jour (heure locale), Gustav, qui a été rétrogradé en catégorie 2, soit loin d’avoir causé des dégâts comparables à Katrina. Ce cyclone appartenait quant à lui à la catégorie 5, comme il n’en existe qu’une dizaine par siècle… mais avec le réchauffement climatique qui s’accélère depuis une décennie, les statistiques ne veulent plus dire grand’chose.
Ceci dit, les dégâts dans le golfe du Mexique ne se limitent pas à une grosse frayeur : le passage de Gustav a entraîné de terribles conséquences humaines dans les contrées déshéritées de Jamaïque, de Dominique et d’Haïti. Et comme nous l’avons constaté sur place sur les côtes du Yucatan, la température de surface des eaux est la plus élevée observée depuis que les relevés météorologiques existent dans cette région, idem pour les satellites.
Le climat local est complètement déréglé, la saison humide est devenue le clone de la saison sèche. Lorsque nous avons quitté la Riviera maya le 26 août dernier, la pluviométrie était de 0% sur les trois derniers mois, soit 100% de sécheresse à peine troublée par quelques grondements orageux dans le lointain… Pas une goutte de pluie pour reconstituer les nappes phréatiques, cruciales pour la culture du maïs, l’emblème du Yucatan.
D’autres cyclones suivront : la saison débute à peine et elle s’étend jusqu’en novembre. Cependant, de retour en France, nos amis nous ont appris que la seconde quinzaine du mois d’août avait été plutôt fraîche dans le nord de la France… ainsi que sur le plan boursier.
** La toute fin de l’été s’est avérée plus clémente ; le CAC 40 s’est offert une belle série de quatre séances de progression consécutives qui lui ont permis de revenir au contact des 4 500 points.
Nous avons bien failli assister à une cinquième journée de hausse mais Paris a consolidé hier in extremis de -0,23% — puisque l’indice a reperdu 10 points au moment du fixing de clôture — dans des volumes inférieurs à trois milliards d’euros.
L’absence des opérateurs américains, traditionnellement en congé le premier lundi de septembre, s’est fait ressentir. L’évolution de la tendance a surtout été conditionnée par d’importantes variations à la baisse des cours du pétrole jusque vers 110 $ contre 118 $ dimanche, à mesure que le cyclone Gustav apparaissait moins dévastateur que prévu.
Paris, en repli de 1% en début de journée, gagnait entre 0,1% et 0,2% au cours de la dernière heure de cotation. Les places de la Zone euro terminaient quant à elles sur une note de stabilité (-0,05% pour l’Euro Stoxx 50). Londres reculait de 0,6% dans le sillage des valeurs pétrolières et minières, d’où la correction de 0,5% affichée par l’Eurotop 100 qui tranche avec les -0,01% de Francfort ou les -0,1% de Madrid.
A Paris, l’intégralité des 0,2% de baisse pouvaient être imputés à Total (-2,3%) et à Vallourec (-2,7%). Le rebond indiciel qui s’est dessiné sur le tard s’expliquait quant à lui par les rebonds de titres tels qu’EADS (+2,5%), Air-France-KLM (+3,3%) ou Peugeot (+3,35%). Concernant le secteur automobile, le recul des immatriculations est moindre qu’anticipé en août mais, pour l’ensemble des constructeurs, le ralentissement s’avère assez brutal en Europe. La chute des ventes est même carrément abyssale en Espagne puisqu’elle aurait atteint -41,3% le mois dernier, et -50% dans le sud-est du pays.
L’Espagne pourrait bien constituer l’un des plus importants champs d’investigation conjoncturel de cette rentrée, et nous ne manquerons pas d’y revenir plus en détails dès mercredi. L’assèchement du climat allant de pair cette année avec celui des capitaux, faut-il y voir un lien de cause à effet qui pourrait se vérifier à l’échelon planétaire ?
Philippe Béchade,
Paris