Par Isabelle Mouilleseaux (*)
Avez-vous vécu les Trente Glorieuses ?
Je n’ai pas connu cette période. En revanche, mon grand’père, un entrepreneur allemand, m’a beaucoup parlé de ces années fastes qui relevaient du miracle économique. La France aussi n’oubliera jamais ces décennies de croissance folle, ces années d’exubérance économique.
Tant d’infrastructures détruites, tant de villes quasiment rayées de la carte, tant d’énergie et d’espoir collectifs jetés dans la reconstruction et le dépassement…
Dépassement collectif… A ces mots, je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces médailles d’or chinoises aux J.O.
Parlons-en de la Chine !
Quand j’essaie d’imaginer ce qu’ont pu être les Trente Glorieuses, je ne peux m’empêcher de tirer des parallèles avec la situation chinoise, et avec les BRIC en général. L’histoire m’a toujours passionnée. Et d’une certaine façon, souvent, elle se reproduit, de façon cyclique. N’était-ce pas l’Allemand Schopenhauer qui disait que les choses se répètent ?
Les Trente Glorieuses ont été des années de croissance intense en Allemagne et en France. Et l’une des caractéristiques principales de cette période était l’incroyable consommation de matières premières. Acier, béton, cuivre, fer, zinc, aluminium, étain, nickel, charbon… jamais on n’aura autant englouti de matières premières et de métaux industriels.
A la base des Trente Glorieuses : les matières premières
Non seulement il fallait reconstruire les routes, les voies ferrées, les maisons et les villes, mais en plus le plein emploi qui en a découlé a considérablement enrichi la population qui a pu ainsi accéder à un niveau de vie totalement nouveau : lave-linge, lave-vaisselle, téléviseur, automobile, téléphone, électroménager… tout devenait soudainement accessible. Ce miracle économique avait un pilier : les matières premières.
C’est aujourd’hui au tour de l’Inde, de la Chine, du Brésil et de tant d’autres pays d’entrer dans cette extraordinaire période faste, où industrialisation, urbanisation et niveau de vie explosent. A la base de ce boom : toujours les matières, notamment les matières industrielles et les énergies.
Pour vous donner une idée, alors qu’il y a 700 automobiles pour 1 000 habitants aux Etats-Unis, il y en a 24 pour 1 000 en Chine. Ce taux devrait atteindre 40 dès 2010. Imaginez le potentiel de rattrapage. Et n’oubliez pas l’Inde.
Autre exemple concret : le taux d’urbanisation en Inde est inférieur à 30%, celui de la Chine doit avoisiner les 40%. Les Etats-Unis sont à plus de 80%. La marge de progression est énorme. Sans compter que dans les années 50-60, nous devions être quelques 40 millions de consommateurs en France. Chinois et Indiens sont plus de deux milliards. Les Trente Glorieuses à la puissance dix !
Des taux moyens de croissance époustouflants sur la durée
Selon une étude du cabinet Price Waterhouse Coopers, la croissance chinoise devrait se situer en moyenne à 6,8% par an jusqu’en… 2050 ! Celle de l’Inde autour de 8,5% sur la même durée.
Or le moteur de la hausse des matières est en grande partie chinois. Un seul chiffre : entre 2002 et 2005, la Chine a été à l’origine de 48% de la hausse de la demande pour des matières premières.
Alors quand je lis le rapport de la Deutsche Bank qui annonce la fin du marché haussier des matières premières et la chute du baril à 60 $, je suis vraiment très sceptique. Pour ne pas dire perplexe.
La consolidation est temporaire, mais probablement pas finie
Nous assistons à une correction dans un marché haussier. Mais en aucun cas à la fin du cycle haussier sur les matières premières. Ce cycle haussier peut encore durer une décennie et plus. C’est mon analyse la situation.
Je suis également convaincue que cette consolidation temporaire des marchés des matières n’est pas encore finie. Pourquoi ? Parce que, de mon point de vue, la crise n’est pas derrière nous et que la théorie du découplage sera en partie mise à mal. Le rebond de ces derniers jours n’est probablement qu’un simple rebond technique.
La tentation est forte…
Etant donnée la chute des matières, nul doute qu’il est tentant de vouloir saisir les occasions. Laissez-moi vous donner un avis. Comme nous entrons dans une zone de turbulences, je vous recommande d’intervenir sur les marchés des matières dans une optique à relativement court terme, pour ne pas dire en trading [NDLR. : faire du trading sur les matières premières, rien de plus simple — si vous disposez des bons outils et des bons conseils : ne reste plus qu’à engranger les gains]. Cet avis vaut aussi pour les marchés actions.
D’une façon générale, je pense qu’il est trop tôt pour se positionner à l’achat sur le long terme, à quelques exceptions près (j’y reviendrai).
Comme disent les experts des matières en ce moment : les soldes vont bientôt commencer…
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
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